Environnement, eau et déchet
le 11/05/2023

Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : bien se préparer aux échéances légales et rendre le projet acceptable par le public

Mission d’information flash : Les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions

Du 17 avril au 15 mai, une consultation est organisée par la mission d’information sur l’acceptabilité des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), constituée au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, pour mieux identifier les difficultés rencontrées par les riverains et les professionnels, mais aussi les bonnes pratiques face aux enjeux que représentent ces ZFE-m.

Les ZFE-m sont définies à l’article L. 2213-4-1 du Code général des collectivités territoriales. Issues de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TCEV n° 2015-992 du 17 août 2015) et renforcée par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Loi dite « climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021), ces zones ont vocation à lutter contre la pollution atmosphérique par l’instauration de restrictions de circulation. Or, si la nécessité d’adopter des mesures pour réduire les émissions de carbone est reconnue par tous, les moyens d’y parvenir, par la mise en place de mesures de restriction de circulation, sont parfois mal acceptés.

La Convention citoyenne réunie sur le sujet entendait plutôt réduire la pollution par l’adoption de mesures incitatives telles que le développement de prêt de vélo par les collectivités ou la réforme du système d’indemnité kilométrique. Mais la réponse donnée par le législateur est bien différente et c’est ainsi que la mission précitée relève le manque de communication et de pédagogie sur la mesure, l’insuffisance de l’offre alternative aux véhicules thermiques, le risque de creusement des inégalités sociales voire de fractures territoriales et l’absence de moyens de contrôle, justifiant ainsi la consultation en cours.

Or, on le rappelle, la loi a prévu diverses échéances qui imposent aux collectivités concernées de se doter de ZFE-m, même si, pour certaines, cela reste une simple possibilité. Il semble dès lors utile de rappeler dans un premier temps les échéances qui s’imposent (I) puis de préciser les mesures de consultation du public qui doivent ou peuvent être mises en œuvre par les collectivités (II).

I. A qui les ZFE-m s’imposent-elles et dans quels délais ?

L’article L. 2213-4-1 du CGCT pose tout d’abord le principe d’une simple possibilité de définir les ZFE-m par les communes ou EPCI dotés d’un plan de protection de l’atmosphère (PPA) ou si un PPA est en cours d’élaboration ou de révision sur leur territoire.

Mais rapidement, cette possibilité devient une obligation.  En effet, l’article prévoit trois types de collectivités soumis à l’obligation de définir des ZFE-m sur leur territoire :

  • Les communes et EPCI pour qui les normes de qualité de l’air mentionnées à l’article 221-1 du Code de l’environnement ne sont pas respectées de manière régulière (c’est-à-dire au moins trois années sur les cinq dernières) au regard des critères définis à l’article D. 2213-1-0-2 du CGCT. Pour ces collectivités, l’échéance expirait au 31 décembre 2020 ;
  • Les communes et EPCI qui dépassaient également les seuils précités et dont les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements (dans les conditions énoncées à l’article D. 2213-1-0-3 du CGCT). Pour ces collectivités, l’échéance était fixée au 1er janvier 2023 ;
  • Toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants qui doivent définir les ZFE-m de leur territoire avant le 1er janvier 2025.

En octobre 2022, on comptait donc 11 métropoles à s’être dotées de ZFE-m : Grand Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne. Le 1er janvier 2025, pas moins de 43 agglomérations devront s’y conformer en Métropole. Quatre agglomérations sont également identifiée en Outre-Mer.

Un grand nombre d’agglomérations doit donc encore se pencher sur la réalisation de ces ZFE-m dans un délai finalement assez contraint car il nécessite un travail de préparation en amont important.

En effet, le dossier d’instauration des ZFE-m passe d’abord par la définition d’une étude présentant l’objet des mesures de restriction, justifiant leur nécessité et exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus de leur mise en œuvre, notamment en termes d’amélioration de la qualité de l’air et de diminution de l’exposition de la population à la pollution atmosphérique, ainsi que les impacts socio-économiques attendus à l’échelle de la zone urbaine (art. L. 2213-4-1 du CGCT). Cette étude doit notamment présenter un résumé non technique, une description de l’état initial de la qualité de l’air sur la zone concernée ainsi qu’une évaluation (art. R. 2213-1-0-1 du CGCT) :

  • de la population concernée par les dépassements ou le risque de dépassement des normes de qualité de l’air ;
  • des émissions de polluants atmosphériques dues au transport routier sur la zone concernée ;
  • de la proportion de véhicules concernés par les restrictions et, le cas échéant, les dérogations prévues ;
  • des réductions des émissions de polluants atmosphériques attendues par la création de la zone à circulation restreinte.

Un autre travail en amont, et qui nécessité donc une certaine anticipation, est celui de la bonne information du public qui doit, on l’a vu, être assurée de manière à rendre le projet de ZFE-m acceptable par la majorité.

Il est donc pertinent d’examiner la procédure de consultation du public telle qu’elle semble devoir être menée.

II. Comment assurer l’acceptabilité du projet par une consultation suffisante ?

A. La consultation non-obligatoire visant à faire participer le public à la définition de la ZFE-m

L’instauration par certaines collectivités de ZFE-m sur leur territoire permet d’avoir un certain retour d’expérience sur la consultation à mener et on s’aperçoit que beaucoup d’entre elles ont choisi d’intégrer le public lors de la phase d’élaboration de l’étude. Une telle consultation préalable, si elle reste volontaire, est préconisée par les services de l’Etat qui y voient une « phase de préfiguration et de consultation afin de bien dimensionner la zone à faibles émissions mobilité aux enjeux locaux de la qualité de l’air » (Guide d’interprétation juridique et pratique des ZFE-m, Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, janvier 2023). Une telle consultation non obligatoire n’est encadrée par aucune procédure légalement définie. Les collectivités sont donc libres de leur donner la forme ainsi que l’intensité qu’elles souhaitent. Elle peut se traduire de différentes manières :

  • l’organisation de réunions publiques dans les communes concernées, comme ce fut par exemple le cas sur le territoire de la Métropole de Bordeaux ;
  • la tenue, sur la Métropole de Grenoble, de rencontres dans l’espace public pour informer les usagers et recueillir leurs observations, d’ateliers d’intelligence collective pour réfléchir aux modalités concrètes de mise en œuvre et d’ateliers relatifs à l’accompagnement des habitants vers le changement des modes de déplacement ;
  • La mise en place, en plus des réunions publiques, d’un questionnaire en ligne par la Métropole de Lyon ainsi que d’une plateforme permettant de questionner le maître d’ouvrage sur le projet ou encore de proposer des solutions, mais également la mise en place d’un panel citoyen composé d’une vingtaine de personnes et invité à émettre un avis éclairé pour répondre à la question suivante : Comment mettre en place une ZFE écologiquement efficace et socialement juste ?

Ces consultations, qui ont précédé la procédure de consultation réglementaire ont ainsi permis non seulement de garantir une meilleure information du public, mais également d’assurer une meilleure acceptabilité du projet. Les différents sites consultés font ainsi apparaître plusieurs centaines de participations lors de ces consultations non obligatoires. Au regard de la sensibilité du projet et des écueils relevés par la mission d’information du Sénat ainsi que la mission flash d’octobre 2022 relative aux mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des ZFE-m élaborée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, la mise en place d’une consultation préalable non obligatoire semble donc recommandée. Elle sera par ailleurs suivi de la procédure de consultation réglementaire.

B. Le respect de la consultation réglementaire en amont de l’adoption de la décision

Aux termes de l’article L. 2213-4-1 du CGCT, doivent être soumis au public le projet d’arrêté qui fixe les mesures de restriction de circulation applicables, détermine les catégories de véhicules concernés et précise les motifs légitimes pour lesquels des dérogations individuelles peuvent être accordées ainsi que l’étude présentant l’objet des mesures de restriction, précitée. Le Guide d’interprétation juridique et pratique des ZFE-m élaboré par l’Etat donne un certain nombre de précisions sur le contenu de cette étude.

Le dossier est alors soumis à la consultation du public dans le respect de la procédure énoncée à l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement, procédure de droit commun applicable aux décisions, autres qu’individuelles, ayant une incidence sur l’environnement. Aux termes de cette procédure, la consultation doit se faire par voie électronique sauf si le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par ce biais. Dans cette hypothèse, la note de présentation précise les lieux et horaires où l’intégralité du projet peut être consultée.

Cette consultation électronique peut être complétée d’une consultation sur support papier au siège de l’autorité compétente pour prendre la décision lorsqu’une demande en ce sens est formulée dans les conditions prévues à l’article D. 123-46-2 du Code de l’environnement. Au plus tard à la date de la mise à disposition du dossier de consultation, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues. La consultation ne doit pas être inférieure à 21 jours.

Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation.

Le projet d’arrêté et sa note d’accompagnement sont ensuite soumis pour avis aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu’aux chambres consulaires concernées. L’autorité compétente doit leur transmettre, lorsqu’elle saisit ces autorités, la synthèse des observations et propositions du public dont ils doivent prendre connaissance avant d’émettre leur avis.

Enfin, lors de l’adoption de la décision et pendant un délai de trois mois minimum, l’autorité compétente publie la synthèse des observations et propositions du public indiquant celles dont il a été tenu compte, ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. Les communes de moins de 10 000 habitants (art. L. 123-19-1 point III) et une autre encore pour celle comptant moins de 2 000 habitants (art. L. 123-19-1 point IV) sont, en revanche, soumis à des procédures qui leur sont propres.

Enfin, il convient de noter que l’information du public est également assurée après que la décision a été adoptée.

C. Les mesure d’information du public après l’adoption de la décision

L’article L. 2213-4-1 du CGCT impose à l’autorité qui adopte l’arrêté de ZFE-m d’assurer l’information de la population sur les nouvelles mesures qui s’imposent. Elle doit ainsi accompagner la création de la ZFE-m d’une campagne d’information d’une durée minimale de trois mois qui porte sur les points suivants :

  • le périmètre contrôlé ;
  • les restrictions de circulation mises en œuvre ;
  • les alternatives à l’usage individuel de la voiture au sein du périmètre contrôlé, notamment l’offre de transport public, dont le transport à la demande.

Le Guide d’interprétation précise que le lancement de cette campagne peut s’établir par la diffusion d’un communiqué de presse et des démarches d’affichage. Il indique par ailleurs qu’il est préférable de débuter la campagne avant la mise en œuvre de la ZFE-m afin de respecter l’esprit pédagogique de cette disposition législative.

 

Consultation en ligne – La mise en place des zones à faibles émissions-m (ZFE-m)

Guide d’interprétation juridique et pratique des ZFE-m, janvier 2023