Urbanisme, aménagement et foncier
le 13/12/2023

Zéro artificialisation nette des sols, acte IV : Publications des décrets d’application de la loi du 20 juillet 2023

Décret n° 2023-1096 du 27 novembre 2023 relatif à l'évaluation et au suivi de l'artificialisation des sols

Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols

Décret n° 2023-1097 du 27 novembre 2023 relatif à la mise en œuvre de la territorialisation des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols

Le Gouvernement poursuit la mise en œuvre de son objectif de zéro artificialisation nette d’ici à 2050 avec la publication de trois nouveaux décrets, le 27 novembre dernier, venus préciser l’application des dispositions adoptées dans le cadre des lois dites « Climat et Résilience » du 22 août 2021 et loi « ZAN » du 20 juillet 2023, présentée ici lors de sa promulgation.

Très attendus, deux de ces trois décrets avaient été mis à la consultation du public l’été dernier. Le troisième décret tend à combler le vide juridique laissé par la censure partielle par le Conseil d’Etat du décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 modifiant l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme relatif à la nomenclature des espaces artificialisés et non-artificialisés.

Destiné à corriger les effets de la censure partielle du décret n° 2022-763 du 29 avril 2022, le décret n° 2023-1096 définit la nomenclature permettant la distinction entre les sols artificialisés et les sols non-artificialisés qui sera déterminée en fonction de l’occupation effective d’un terrain mesurée à l’échelle d’un polygone dont la surface est définie par un tableau annexé à l’article R. 101-1 du Code de l’urbanisme :

Le nouvel article R. 101-1 du Code de l’urbanisme précise aussi que sont comptabilisés au sein des espaces non-artificialisés :

  • Les surfaces sur lesquelles sont implantés les panneaux photovoltaïques qui n’affectent pas « durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique et, le cas échéant, que l’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée» (6° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021)

Ces surfaces pourront être compatibilisées en fonction de leur usage dans la catégorie des sols nus (6° du tableau annexé à l’article R. 101-1), des surfaces à usage de cultures (7° du tableau) ou des autres sols végétalisés (10° du tableau).

  • Les jardins et parcs publics d’une surface minimale de 2.500 m² de terrain ou d’emprise au sol.

Ces surfaces pourront être compatibilisées comme surfaces végétalisées et qui constituent un habitat naturel (9° du tableau annexé à l’article R. 101-1) ou dans le cadre des autres sols végétalisés (10° du tableau annexé).

Pour rappel, cette nomenclature ne s’appliquera pas aux objectifs de la première tranche d’application de l’objectif ZAN. Cette tranche (2021-2031) vise uniquement la réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Enfin, le décret introduit un nouvel article R. 2231-1 au Code général des collectivités territoriales précisant le contenu du rapport relatif à l’artificialisation des sols prévu à l’article L. 2231-1 du même code qui doit comprendre :

  • La consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers en différenciant ces espaces et, le cas échéant, les espaces renaturés durant cette même période ;
  • Le solde entre les surfaces artificialisées et non-artificialisées ;
  • La surface de sols rendus imperméables au sens des catégories 1° et 2° du tableau annexé à l’article R. 101-1 du code ;
  • L’évaluation du respect des objectifs de réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers et de lutte contre l’artificialisation des sols fixés dans les documents de planification et d’urbanisme.

Un tel rapport est établi pour une ou plusieurs années civiles et au moins tous les 3 ans à partir des données issues de l’observatoire de l’artificialisation, mises à disposition des collectivités.

Avec ce décret, le pouvoir réglementaire vient compléter les dispositions du décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 pris pour l’intégration et la déclinaison des objectifs de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols, tout en prenant en compte les évolutions de la loi du 20 juillet 2023.

Ayant pris en compte certaines des propositions de l’Association des Maires de France (cf. les 20 propositions de l’AMF pour la mise en œuvre du ZAN), le décret prend en compte les efforts passés ainsi que les spécificités locales de certaines communes notamment littorales et de montagne.

C’est ainsi que l’article R. 4251-3 du CGCT mentionne désormais que « les objectifs en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols sont définis et sont territorialement déclinés en considérant les efforts de réduction déjà réalisés, évalués compte tenu du nombre d’emplois et de ménages accueillis par hectare consommé ou artificialisé ».

Par ailleurs, est supprimée l’obligation de prévoir une cible chiffrée d’artificialisation à l’échelle infrarégionale au sein du SRADDET (qui reste tout de même une possibilité offerte aux régions). Ainsi, toute règle prise pour contribuer à l’atteinte des objectifs ZAN pourra toujours être déclinée entre les différentes parties du territoire régional en tenant compte nécessairement des périmètres des SCOT existants, pour ne pas méconnaître les compétences des échelons infrarégionaux.

Ensuite, la déclinaison territoriale doit permettre de tenir compte de la surface minimale de consommation de l’espace garantie pour les communes qui ne disposeraient pas d’espaces à artificialiser disponibles en application de la première tranche d’application de la loi.

De même, la déclinaison territoriale doit permettre aux communes exposées au risque de recul du trait de côte de favoriser des projets de recomposition spatiale pour les relocalisations nécessaires du fait de ce recul du trait de côte. La déclinaison territoriale prendra en compte les caractéristiques géographiques locales, notamment environnementales et paysagères, et doit être proportionnée à la surface des terrains qui sont situés dans les espaces urbanisés des zones délimitées par le recul du trait de côte et qui ont vocation à être renaturés pendant la tranche de dix ans en cours.

En outre, le pouvoir réglementaire a souhaité introduire des dispositions concernant les espaces agricoles afin d’assurer un équilibre entre la lutte contre l’artificialisation des sols et la préservation des activités agricoles. A ce titre, est ajouté un critère de territorialisation pour le maintien et le développement des activités agricoles permettant de réserver une part de l’artificialisation des sols aux projets de création ou d’extension de constructions nécessaires aux exploitations agricoles, à partir de 2031.

Enfin, le décret est venu rappeler qu’une autorisation d’urbanisme conforme aux prescriptions d’un document d’urbanisme en vigueur et ayant fixé des objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols ne peut pas être refusée au motif qu’elle compromettrait le respect de cet objectif.

C’est en effet par le biais de la traduction des objectifs dans les documents d’urbanisme que les objectifs de lutte de l’artificialisation des sols est opposable. L’article 3 du décret précise par ailleurs qu’ « en particulier, afin de préserver les espaces affectés aux activités agricoles, une autorisation d’urbanisme relative à une construction ou installation nécessaire à une exploitation agricole ne saurait être refusée au seul motif que sa délivrance serait de nature à compromettre de tels objectifs ».

Avec ce dernier décret, le pouvoir réglementaire est venu encadrer la composition et le fonctionnement de la commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols, consultée en cas de désaccord entre l’Etat et la Région sur le classement d’un projet au sein de la liste des projets d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt général majeur.

Pour rappel, l’article 3 de la loi du 20 juillet 2023 avait prévu une comptabilisation spécifique de l’artificialisation des sols pour ce type de projet avec un forfait de 12.500 hectares dont 10.000 hectares dédiés aux régions couvertes d’un SRADDET.

S’agissant de la composition de cette commission régionale de conciliation sur l’artificialisation des sols :

  • Elle est composée de trois représentants de la région (désignés par le président du conseil régional) ainsi que de trois représentants de l’Etat et est présidée par un magistrat administratif désigné par le président de la cour administrative d’appel dans le ressort de laquelle se situe le chef-lieu de région.
  • Le préfet de région et le directeur régional chargé de l’environnement et de l’aménagement sont membres de droit de cette commission.
  • Un représentant par commune ou EPCI compétent en matière de documents d’urbanisme et un représentant par établissement public mentionné à l’article L. 143-16 du Code de l’urbanisme sur le territoire desquels se situe un projet d’envergure nationale ou européenne peuvent être invités être conviés à siéger à titre consultatif au sein de cette commission.

La commission dispose de son propre règlement intérieur, se réunit sur convocation de son président et elle peut être saisie par le président du conseil régional en cas de désaccord sur l’identification d’un projet d’envergure nationale ou européenne.

Les propositions, formulées dans le délai d’un mois à compter de la saisine de la commission, sont affichées, tenues à disposition du public et transmises au ministre chargé de l’urbanisme. Lorsque le ministre décide de ne pas les suivre, sa décision doit être motivée et transmise aux membres de la commission.