Lorsqu’une personne est victime d’une infraction pénale, quelle qu’elle soit, et que l’auteur est identifié et jugé coupable, elle peut alors solliciter des dommages et intérêts auprès du juge pénal et obtenir ainsi la réparation de ses préjudices. Dans ce cas, l’auteur est légalement tenu de lui verser ces dommages et intérêts.
Mais il arrive fréquemment que l’auteur demeure inconnu ou qu’il soit insolvable, et la victime se trouve ainsi empêchée d’obtenir réparation. Elle peut alors se tourner vers la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions pénales (CIVI), sous conditions[1].
1. Sur les conditions de saisine de la CIVI
On commencera par souligner qu’aucune condition de nationalité ou de régularité n’est requise dès lors que les faits se sont produits sur le territoire national ; si les faits ont eu lieu à l’étranger, seules les victimes de nationalité française pourront cependant saisir la CIVI.
Ensuite, le champ des victimes pour lesquelles la saisine de la CIVI est possible, récemment élargi[2], comprend désormais :
- les victimes de certaines infractions spécifiques considérées comme les plus graves, telles que viols, agressions sexuelles, traite des êtres humains, proxénétisme, travail forcé ou encore réduction en esclavage ( 706-3 CPP) ;
- les victimes d’atteintes graves aux personnes, c’est-à-dire ayant entraîné une Incapacité Totale de Travail (ITT) d’au moins 30 jours, ou une incapacité permanente voire le décès de la personne ( 706-3 CPP) ;
- les victimes de violences volontaires ou habituelles ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, commises sur mineur de moins de 15 ans ou personne vulnérable ou par (ex-)conjoint, (ex-)concubin ou (ex-)partenaire de PACS ( 706-3 CPP) ;
- les victimes d’atteintes plus légères aux personnes, c’est-à-dire ayant entraîné une ITT mais qui reste inférieure à un mois ( 706-14 CPP) ;
- les victimes de vol, escroquerie, abus de confiance, extorsion de fonds, destruction, dégradation ou détérioration d’un bien lui appartenant, chantage, abus de faiblesse ou encore atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, commis en France et ayant entraîné une situation matérielle ou psychologique grave ( 706-14 CPP) ;
- les victimes d’une destruction par incendie d’un véhicule terrestre à moteur lui appartenant ( 706-14-1 CPP) ;
- les victimes d’une violation de domicile commise en France et ayant entraîné une situation matérielle grave ( 706-14-3).
Il est impératif que l’infraction soit caractérisée. Cela peut être prouvé par une décision pénale mais la CIVI peut décider, même en l’absence d’une telle décision, qu’elle a suffisamment d’éléments pour attester que l’infraction est constituée.
Pour les catégories de victimes relevant des articles 706-14 et 706-14-1 CPP, une condition supplémentaire tenant aux ressources est exigée : pour les premières, les ressources doivent être inférieures au plafond de l’aide juridictionnelle, soit 1.589 euros mensuels en 2024 ; pour les secondes, à 1,5 fois ce plafond, soit 2.383,50 euros.
Dans tous les cas, la personne lésée doit saisir la CIVI dans le délai de 3 ans à compter des faits ou, lorsqu’une décision définitive a été rendue par un juge pénal, à compter d’un an à compter de cette décision.
Pour les mineurs, le point de départ du délai est reporté à la majorité.
Si elle a dépassé ces délais, la victime peut tout de même solliciter de la part de la CIVI un relevé de forclusion, si elle n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou bien si elle a subi depuis une aggravation de son préjudice.
Enfin, il faut que la victime n’ait pas pu obtenir d’indemnisation par un autre moyen, au risque de violer le principe de réparation intégrale et d’interdiction de double indemnisation.
2. Sur la procédure d’indemnisation devant la CIVI
La victime commence par saisir la CIVI du Tribunal judiciaire de son domicile ou bien du Tribunal judiciaire chargé de la procédure pénale lorsque des poursuites sont engagées. Plusieurs cas de figure existent alors.
Soit la victime est en mesure d’évaluer l’ensemble de ses préjudices et ceux-ci ne sont a priori pas amenés à évoluer : dans ce cas elle peut saisir la CIVI directement d’une requête en indemnisation définitive de ses préjudices, en prenant soin de fournir la totalité des pièces justifiant de ses dommages et du respect des conditions imposées selon son cas.
Sinon, elle peut saisir la CIVI d’une requête en expertise afin qu’un expert fournisse un rapport d’évaluation détaillé de l’ensemble de ses préjudices. Il peut y avoir plusieurs expertises jusqu’à ce que les préjudices de la victime soient stabilisés et que l’expert puisse être en mesure d’évaluer ceux qui persisteront de manière permanente. Sur la base du rapport d’expertise définitif, la victime formulera ses demandes chiffrées d’indemnisation.
En outre, à toute étape de la procédure, la victime peut solliciter une provision à faire valoir sur l’indemnisation finale, ce qui est particulièrement utile lorsque la procédure dure longtemps.
Quelle que soit la demande formulée, la requête est transmise par la CIVI au Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI), fonds national de solidarité financé par la communauté des assurés. Une phase de négociation amiable peut alors s’engager avec le FGTI.
En cas d’accord amiable trouvé avec le FGTI, la CIVI ne jouera qu’un rôle d’homologation du constat. À l’inverse, si aucun accord amiable n’a pu être trouvé, une audience est automatiquement fixée devant la CIVI, durant laquelle la victime pourra s’exprimer librement afin d’emporter la conviction des juges, qui trancheront sur les demandes formulées. La CIVI pourra donc accorder une indemnisation totale ou partielle, ordonner une expertise, allouer une somme provisionnelle ou encore rejeter la demande.
La victime peut faire appel de la décision de la CIVI devant la Cour d’appel dans un délai d’un mois, et l’avocat devient alors obligatoire.
Il est important de préciser que pour certaines catégories d’infractions[3], le montant maximal de l’indemnisation pouvant être allouée est plafonné. Pour le reste, la réparation doit être intégrale.
Si l’avocat n’est pas obligatoire en première instance lors de la procédure devant la CIVI, son rôle reste néanmoins particulièrement important, notamment en cas de préjudices lourds, afin d’obtenir l’indemnisation la plus juste possible.
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[1] Articles 706-3 et suivants du Code de procédure pénale
[3] Il s’agit des infractions visées aux art. 706-14, 706-14-1 et 706-14-3 CPP, ainsi que des violences intrafamiliales visées à l’art. 706-3 CPP ayant entraîné une ITT inférieure à un mois