Droit pénal et de la presse
le 15/02/2024

Victimes d’infraction : des avancées dans leurs droits inscrites dans la loi du 20 novembre 2023

Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

Dans le prolongement des Etats généraux de la Justice et du plan d’action présenté par le Garde des Sceaux en janvier 2023, les parlementaires ont souhaité, par la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, introduire de nouvelles garanties à l’exercice des droits de la partie civile au stade de l’instruction, mais également lui permettre de saisir plus largement la Commission d’indemnisation des Victimes d’Infraction (CIVI) en vue de garantir une meilleure indemnisation.

I. Les évolutions en faveur des droits de la partie civile au stade de l’instruction

  • L’accès au dossier dès la constitution de partie civile

La loi du 20 novembre 2023 a procédé à une réécriture attendue par les praticiens de l’article 114 du Code de procédure pénale afin de permettre, à compter du 30 septembre 2024, un accès simplifié pour la partie civile au dossier de procédure dès la constitution de partie civile, puisque la partie civile ou, si elle est représentée, son avocat pourra se faire délivrer copie des pièces du dossier « dès qu’elle s’est constituée et sans attendre d’être convoquée par le juge ».

En effet, actuellement, la mise à disposition du dossier à la partie civile intervient quatre jours ouvrables au plus tard avant la première audition de partie civile, qui a lieu généralement plusieurs mois voire des années après l’ouverture de l’information judiciaire, faisant obstacle à l’exercice des droits attachés à ce statut pendant cette même période. À compter du 30 septembre 2024, la partie civile pourra solliciter, dès constitution, une copie de la procédure, ce qui ouvre de nouvelles perspectives pour les avocats de partie civile, en particulier s’agissant des prérogatives offertes par les articles 81, 82-1 et 156 et suivants du Code de procédure pénale, qui permettent aux parties de formuler des demandes d’actes et d’expertises.

Néanmoins, cette nouveauté est encadrée puisque le juge d’instruction pourra toujours s’opposer à une telle transmission par une ordonnance motivée, dont la partie civile aura la possibilité d’interjeter appel devant le président de la chambre de l’instruction.

  • La simplification des démarches pour l’exercice de leurs droits

La loi du 20 novembre 2023 a également entériné le retour au régime antérieur à la loi du 23 mars 2019 qui avait consacré la nécessité pour les parties, dont la partie civile, de faire parvenir une déclaration d’intention au magistrat instructeur, dans les 15 jours soit de chaque interrogatoires ou auditions réalisés au cours de l’information, soit de la notification de l’avis de fin d’information, et ce, en vue de pouvoir ensuite adresser au magistrat des observations ou de formuler des demandes (article 175, III, C.pr.pén.).

Ce formalisme critiqué par un grand nombre de praticiens comme étant une exigence chronophage et superflue est abandonné par la loi étudiée, de sorte que les parties, dont la partie civile, n’auront plus à déclarer leur volonté d’exercer leurs droits. En définitive, le principe redevient donc l’exercice pour les parties des droits attachés à leur statut respectif dans le temps de l’information judiciaire. Les nouvelles dispositions de l’article 175 du Code de procédure pénale, issues de la loi du 20 novembre 2023, entreront également en vigueur à compter du 30 septembre prochain.

II. L’amélioration de l’indemnisation des victimes

  • Sur l’extension du champ de compétence de la CIVI à de nouvelles infractions

En parallèle de l’action civile de la partie civile envisagée par les articles 2 et suivants du Code de procédure pénale, la loi n° 83-1983 du 8 juillet 1983 a mis en place un système d’indemnisation des victimes d’infractions reposant sur la solidarité nationale et mis en œuvre par les Commission d’indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI) près les tribunaux judiciaires. Ce système a la particularité d’associer le Fonds de Garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), ayant la charge de payer l’indemnisation allouée par la CIVI à la victime, le Fonds pouvant ensuite se retourner contre la personne condamnée afin de recouvrer les sommes avancées à la victime (706-9, dernier alinéa, 706-11 C.pr.pén.). Pour rappel, le champ de compétence de la CIVI est précisé par les articles 706-3 et 706-14 du Code de procédure pénale, qui ont connu une évolution notable à la faveur de la loi du 20 novembre 2023. Ainsi, depuis le 22 novembre 2023, entrent dans le champ de l’indemnisation par la CIVI ;

  • les préjudices subis à la suite de fait de violences intrafamiliales graves, à savoir des violences volontaires ou des violences habituelles, qu’elles soient commises sur un mineur ou par l’actuel ou un ancien conjoint, concubin de la victime ou encore l’actuel ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (706-3 2° C.pr.pén.) ;
  • sous condition de ressources pour la victime, les préjudices tirés de la commission des infractions de chantage, d’abus de faiblesse ou d’une atteinte de traitement automatisé de données (706-14 C.pr.pén.) ;
  • sous condition de ressource pour la victime, les préjudices liés au délit de violation de domicile sur le territoire national, et ce, pour toute personne qui se trouve, en raison de cette infraction et de l’absence d’indemnisation, dans une situation matérielle grave (article 706-14-3 C.pr.pén.).

Concrètement, à la suite de cette réforme, la CIVI devient compétente pour les violences conjugales et les violences sur mineur, et ce, sans considération particulière pour la durée d’I.T.T. retenue par le corps médical, mais également, sous condition de ressources, pour des faits liés à l’utilisation d’un rançongiciel ou encore pour ceux en lien avec une violation de domicile commise par des squatteurs.

  • Sur le report du point de délai de forclusion à la majorité de la victime mineure au moment des faits

Par ailleurs, la loi du 20 novembre 2023 a introduit le report du point de départ du délai de forclusion pour les mineurs. Ce délai de 3 ans à compter de la date de l’infraction ou d’un an à compter de la décision juridictionnelle ayant statué définitivement sur l’action publique ou civil engagée devant la juridiction répressive commence à courir à la majorité de la victime (706-5 alinéa 1er C. pr. pén).

En conclusion, la loi du 20 novembre 2023 offre de nouvelles garanties dans l’exercice des droits de la partie civile et tend à faciliter la saisine de la CIVI à d’autres catégories de victimes, qui, jusqu’à présent, ne pouvaient compter sur la solidarité nationale pour l’indemnisation de leurs préjudices.