Urbanisme, aménagement et foncier
le 17/10/2024

Vice des autorisations d’urbanisme : régulariser n’est pas jouer

CE, 14 octobre 2024, n° 471936

Dans une décision en date du 14 octobre 2024, le Conseil d’État a précisé les conditions d’application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme permettant la régularisation d’une autorisation d’urbanisme en cours d’instance.

Par deux arrêtés du 11 mai 2017, le préfet de Vaucluse a accordé à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme deux permis de construire en vue de l’édification d’une centrale photovoltaïque au sol.

Saisi par la société Demeure Sainte-Croix et autres, le Tribunal administratif de Nîmes a rejeté le recours tendant à l’annulation de ces deux arrêtés dans un jugement du 4 juin 2019.

Dans un premier arrêt du 28 décembre 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel de la société Demeure Sainte-Croix et autres, sursis à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, jusqu’à l’expiration d’un délai de huit mois pour la notification des permis de construire modificatifs régularisant les illégalités tenant à l’insuffisance de l’étude d’impact réalisée préalablement à la délivrance de ces deux permis, en procédant à une nouvelle saisine de l’autorité administrative de l’Etat compétente en matière d’environnement ainsi qu’en organisant une enquête publique complémentaire.

Par deux arrêtés du 26 août 2022, la Préfète de Vaucluse a délivré des permis de construire modificatifs à la société Saint-Saturnin Roussillon Ferme.

Puis dans un deuxième arrêt du 5 janvier 2023, la Cour a annulé le jugement du 4 juin 2019 ainsi que les deux arrêtés précités du 11 mai 2017 et les deux arrêtés du 26 août 2022 au motif que l’illégalité persistait.

La société Saint-Saturnin Roussillon Ferme s’est pourvue en cassation en soutenant notamment que la Cour administrative d’appel de Marseille avait commis une erreur de droit en jugeant qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne permettait d’appliquer de manière successive l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme pour la régularisation d’un même vice affectant le permis de construire initial. La Cour avait en effet écarté l’application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme dès lors que les permis de construire délivrés par arrêtés du 26 août 2022 étaient entachés du même vice, à savoir l’insuffisance de l’étude d’impact complémentaire soumise à l’avis de la Mission Régionale d’Autorité environnementale (MRAe) et à l’enquête publique, que les permis de construire initiaux délivrés par arrêtés du 11 mai 2017.

Dans sa décision en date du 14 octobre 2014, le Conseil d’Etat confirme la solution retenue par la Cour administrative d’appel de Marseille.

Il rappelle d’abord la solution dégagée dans son avis du 2 octobre 2020 (n° 438318) selon laquelle le juge n’est pas tenu de surseoir à statuer en application de l’article L. 600-5-1, si les conditions de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, ou si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation.

Il ajoute ensuite qu’il en va de même lorsque le juge constate que la légalité de l’autorisation d’urbanisme prise pour assurer la régularisation de ce premier vice est elle-même affectée d’un autre vice, qui lui est propre. Le Conseil d’Etat apporte ici une précision tenant au caractère du vice qui affecte la mesure de régularisation. Ce vice doit être propre à l’autorisation d’urbanisme valant mesure de régularisation.

Ainsi, le Conseil d’Etat complète son considérant de principe en ajoutant que lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu’il apparaît que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l’autorisation d’urbanisme initiale, il appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu pour le juge de surseoir à statuer, de nouveau, en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, pour permettre la régularisation du vice considéré.