Droit pénal et de la presse
le 20/01/2022

Un pôle de juges spécialisés pour les oubliés de la Justice 

Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire

Au terme du livre « Nous, avocats des oubliés », paru chez Lattès en 2020, Corinne HERRMANN et Didier SEBAN avaient formulé dix propositions tendant à améliorer le traitement des crimes non résolus ou des crimes sériels.

Trois d’entre elles ont été retenues par Monsieur le Garde des Sceaux, elles ont été adoptées par les parlementaires et figurent à l’article 8 de la Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

Il s’agit tout d’abord de la création d’un pôle à compétence nationale inséré au Titre XXV BIS du Code de procédure pénale et nommé « de la procédure applicable aux crimes sériels ou non élucidés ».  Cette disposition consacre la création d’un pôle national d’instruction dédié aux crimes non résolus et aux crimes sériels. Ainsi l’article 706-106-1 du Code de procédure pénale prévoit désormais qu’un ou plusieurs tribunaux judiciaires désignés, exerceront, sur le principe d’une compétence concurrente, l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1 , 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du Code pénal ainsi que les délits connexes de ces crimes, si l’une au moins des deux conditions suivantes est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité :

  • ces crimes ont été commis ou sont susceptibles d’avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l’encontre de différentes victimes ;
  • leur auteur n’a pas pu être identifié plus de dix-huit mois après leur commission.

Toutefois, il est pour l’instant question d’un seul pôle national à l’instar des pôles financier, anti-terroriste ou de la santé. Et Monsieur le Garde des Sceaux vient d’annoncer la création de ce pôle national à Nanterre, le 1er mars prochain. Il pourrait être en charge de 241 dossiers, dont 173 crimes non élucidés et 68 procédures de crimes sériels.  Cette juridiction spécialisée permettra ainsi la centralisation de ces dossiers complexes dans les mains de magistrats spécialisés dans le traitement de ces dossiers spécifiques. Il sera confié à trois magistrats de l’instruction et à un parquetier.

La création de ce pôle est une grande victoire pour les familles de victimes et les associations qui les épaulent. Elle devrait permettre l’élucidation de nombreux crimes non-élucidés.  

La seconde proposition adoptée concerne l’intégration et la conservation des empreintes génétiques des victimes au Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques – FNAEG. Ces nouvelles dispositions viennent compléter l’article 706-54 du Code de procédure pénale en y ajoutant l’alinéa suivant :

«  Le fichier contient également, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, pour une durée et un régime d’effacement similaires à ceux des traces dans les dossiers criminels, les empreintes génétiques des victimes d’un crime mentionné à l’article 706-106-1 du présent code, ainsi que, lorsque l’empreinte génétique de la victime n’a pu être recueillie ou qu’il est nécessaire de confirmer son identification, les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux de ces victimes, sous réserve de leur consentement éclairé, exprès et écrit, et de leur possibilité de demander à tout moment au procureur de la République d’effacer leur empreinte du fichier ».

Ainsi, les empreintes génétiques de victimes seront-elles enfin conservées et inscrites au sein même du FNAEG. Cette nouvelle avancée permettra d’identifier les profils génétiques des victimes sur des traces demeurant inconnues.  

Enfin, l’article 706-106-4 du Code de procédure pénale permettra au Procureur de la République d’ordonner une enquête ou de saisir un Juge d’Instruction d’une information ayant pour objet de retracer l’éventuel parcours criminel d’une personne condamnée pour des faits relevant de l’article 706-106-1 ou pour laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre de tels fait.

Le Juge d’Instruction étant jusqu’à lors saisi in rem, il ne pouvait investiguer sur le parcours d’un criminel en série. La loi pour la confiance en l’institution judiciaire est venue pallier cette difficulté en permettant aux magistrats de se saisir du parcours de tels criminels. Il s’agit là encore d’une avancée majeure pour la résolution des crimes sériels.

Et pour notre part, nous continuerons de nous mobiliser aux cotés des familles de victimes pour leur permettre de saisir ce pôle, en espérant l’élucidation des leurs dossiers et pour former de nouvelles propositions au bénéfice de leurs affaires.