Fonction publique
le 31/08/2023

Un cumul d’activités illégal durant la période de stage fait obstacle à la titularisation d’un agent public

CAA Paris, 18 juillet 2023, n° 22PA02330

La Cour administrative d’appel de Paris a récemment prononcé l’annulation d’un arrêté de titularisation d’un agent reconnu travailleur handicapé, au motif que ce dernier n’avait ni sollicité ni obtenu l’autorisation d’exercer, en parallèle de ses fonctions, une activité privée commerciale. Cette décision fait suite à un déféré préfectoral sans satisfaire la curiosité du lecteur quant aux conditions dans lesquelles le préfet a eu connaissance de l’activité accessoire de l’agent.

Le contenu de la décision de la Cour aiguise également cette curiosité, cette fois sur le plan juridique.

En l’espèce, un agent ayant la qualité de travailleur handicapé avait, en application de la législation sur les emplois réservés, été recruté sans concours pour une durée d’un an correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier d’attaché territorial dans lequel il avait vocation à être titularisé. L’agent avait été titularisé à l’issue de cette période d’un an, la collectivité employeur estimant qu’il remplissait « les conditions d’aptitude pour l’exercice de la fonction » comme l’imposaient les dispositions de l’article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984[1].

Alors que le Tribunal administratif de Montreuil avait rejeté la demande d’annulation du préfet, la Cour d’appel administrative de Paris a validé le raisonnement du contrôle de légalité, en estimant que les conditions d’aptitude nécessaires à la titularisation de l’agent n’étaient pas remplies, compte tenu du cumul d’activités non autorisé dont bénéficiait l’agent.

On rappellera qu’en vertu des (anciennes) dispositions de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983[2], le fonctionnaire doit consacrer « l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui confiées », de sorte que par principe il ne peut exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (sauf exceptions et sous certaines conditions[3]). Dans ce cadre, l’agent public occupant un emploi à temps complet, qui envisage d’exercer à titre accessoire une activité privée lucrative, doit donc adresser préalablement une demande d’autorisation à son autorité hiérarchique et obtenir l’accord de cette dernière.

Or en l’espèce la Cour a relevé que pendant la période d’un an préalable à sa titularisation et encore à la date de sa titularisation, l’agent stagiaire exerçait sans autorisation, et sans même avoir sollicité ladite autorisation, une activité privée de dirigeant d’une société de transports routiers de frets interurbains. Elle a donc jugé à bon droit qu’en procédant à la titularisation de ce dernier, la collectivité avait commis une erreur manifeste d’appréciation « en estimant que celui-ci, était apte, compte tenu de cette situation de cumul non autorisé et quelles que soient par ailleurs ses compétences professionnelles, à exercer les fonctions d’attaché territorial. ».

Autrement dit en matière de titularisation, l’aptitude aux fonctions d’un agent ne se mesurerait plus seulement à ses compétences professionnelles et le cumul d’activités exercé sans autorisation serait susceptible de faire légalement obstacle à la titularisation d’un agent.

Il s’agit là d’une décision surprenante en ce que le refus de titularisation en pareil cas pourrait en réalité apparaitre comme une sanction déguisée de la méconnaissance par un agent de ses obligations professionnelles et il serait intéressant de voir si, dans le cas d’un pourvoi en cassation, elle serait susceptible de trouver confirmation. D’ici là, la vigilance des employeurs publics quant aux activités accessoires de leurs agents, déclarées ou non, restent de mise.

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[1] telles que précisées par l’article 8 du décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, qui prévoit que l’autorité territoriale procède à la titularisation de l’agent à l’issue du contrat, si ce dernier est déclaré apte professionnellement à exercer ses fonctions.

[2] Désormais reprises en substance par les articles L.121-3 et L.123-1 du code général de la fonction publique.

[3] Parmi les activités privées interdites aux fonctionnaires figurent notamment 1/. la création ou la reprise d’une entreprise (lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers ou à affiliation au régime micro-entrepreneur), si l’agent occupe un emploi à temps complet et qu’il exerce ses fonctions à temps plein ; 2/ la participation aux organes de direction de sociétés ou d’associations à but lucratif.