Par un arrêt en date du 7 juin 2024, le Conseil d’Etat met fin à une « conception exagérément restrictive de la protection fonctionnelle »[1] et précise que celle-ci s’applique également à l’agent public exposé à un risque avéré d’atteinte à son intégrité physique.
En l’espèce, deux affaires étaient portées devant le Conseil d’Etat par le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Le 3 octobre 2019, un individu s’était introduit au sein des locaux de la préfecture de police de Paris et avait assassiné trois policiers. Deux agentes, présentes sur les lieux, n’ont pas été blessées mais se sont retrouvées face à l’auteur de l’attentat, ce qui les a traumatisées. Les agentes, constituées partie civile dans la procédure pénale engagée contre l’auteur, ont sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle aux fins, notamment, que leurs frais de représentation exposés dans cette instance soient pris en charge par leur employeur comme le permet la jurisprudence administrative de longue date[2]. Cette demande avait toutefois été rejetée par le ministre de l’Intérieur. Saisi par les agentes à l’issue d’un rejet de leur recours gracieux, le Tribunal administratif de Paris a annulé ce refus, décision confirmée par la Cour administrative d’appel de Paris. Le ministre a donc porté cette affaire devant le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat rejette la requête du ministre et confirme l’analyse des juges du fond. Il précise le champ d’application de la protection fonctionnelle et en ouvre le bénéfice :
« 4. Cette obligation de protection s’applique également lorsque l’agent est directement et personnellement exposé à un risque avéré d’atteinte volontaire à son intégrité physique ou à sa vie en raison de sa qualité d’agent public. ».
Dans ses conclusions sur cette décision le rapporteur public explique que l’article L. 134-5 du Code général de la fonction publique protège non seulement les agents contre les atteintes à leur intégrité physique mais également contre « les menaces » qu’ils pourraient subir. Ainsi l’existence d’un risque grave et immédiat de subir une atteinte à son intégrité constitue nécessairement une menace au sens de cet article. De plus, contrairement à ce qui était invoqué par le ministère, le rapporteur public estime que bien que la menace doive être personnelle, son motif n’a pas besoin de l’être ; il suffit que la menace soit motivée par les fonctions exercées par l’agent pour lui ouvrir droit à la protection fonctionnelle.
Dans ces conditions, les agents répondant aux conditions pour bénéficier de la protection fonctionnelle, l’administration ne pouvait leur refuser et ce quand bien même un autre régime leur offrirait une protection équivalente[3].
[1] Conclusions du rapporteur public sur l’affaire Monsieur Labrune ;
[2] CE, 2 avril 2003, M. C., n° 249805, 249862.
[3] CE,14 février 1975, n° 87730, au rec.