Intercommunalité
le 31/08/2023
Sophia FADDAOUISophia FADDAOUI

Transfert de la compétence relative à la collecte et au traitement des déchets ménagers et assimilés à une communauté d’agglomération et maintien du pouvoir de police du maire

CE, 25 mai 2023, n° 454472

Une société civile immobilière (SCI) louait des locaux professionnels implantés sur un terrain situé sur le territoire de la commune d’Avignon à d’autres sociétés. Ces terrains se trouvaient à proximité d’une déchetterie, gérée par la Communauté d’agglomération du Grand Avignon, compétente en matière de « Collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés » depuis le 1er janvier 2004 et d’une aire d’accueil des gens du voyage. En effet, il importe de rappeler que même dans la situation où la communauté d’agglomération a reçu la compétence en matière de collecte des ordures ménagères, si celle-ci est confrontée à des dépôts sauvages de déchets sur la voie publique en dehors des heures de collecte, il revient au maire de la commune concernée d’apprécier si le ramassage de ces déchets relève de la salubrité publique, conformément aux dispositions de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales. Ainsi au titre de son pouvoir de police et si l’urgence du ramassage des déchets est justifiée, le maire devra prendre en charge leur enlèvement.

Dans notre cas, en raison de la dégradation récurrente des lieux, la SCI avait consenti à réduire le montant de ses loyers à ses preneurs. En mars 2016, le locataire a finalement décidé de résilier son bail. Cette résiliation était justifiée, selon lui, par la présence de dépôts sauvages de déchets qui dégradaient l’environnement des locaux commerciaux, ainsi que par la commission d’actes de vandalisme.

C’est dans ces conditions que la société a recherché la responsabilité du maire en raison des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait de la présence de ces déchets intempestifs.

Au regard de ces éléments, le juge a étudié la responsabilité du maire au titre de son pouvoir de police administratif général mais s’est également penché sur les compétences de la Communauté d’agglomération du Grand Avignon.

S’agissant de la compétence de la communauté d’agglomération, la Cour administrative de Marseille précise que les difficultés rencontrées par le requérant relèvent de la compétence exercée en matière de gestion de la collecte des déchets et ne peuvent donc pas être imputées à la commune d’Avignon :

« Il ressort également des pièces du dossier que les difficultés rencontrées par la société requérante pour louer le bien à la société La poste Immo jusqu’au mois de mars 2016, résulte, à titre principal de l’environnement dégradé par les détritus de toute sorte situés aux abords du bien à louer. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la compétence en matière de collecte de déchets a été transférée à la communauté d’agglomération du grand Avignon depuis 2004, et ne relève donc pas de la commune d’Avignon et que les difficultés dont se plaint la requérante relève de la gestion de la collecte des déchets et non, pour l’essentiel, de l’exercice des pouvoirs de police du maire de la commune. Ainsi, les préjudices dont la société requérante demande réparation ne peuvent être directement imputés à la carence fautive du Maire d’Avignon. » (CE, 25 mai 2023, SCI Marquette Famille, n° 454472)

Confirmant la position de la Cour administrative de Marseille, le Conseil d’Etat indique que :

« 5. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, pour juger que les préjudices dont la société SCI Marquette Famille demande réparation, nés de la résiliation du bail par la société La Poste Immo et de la difficulté pour la SCI à relouer ces locaux, ne peuvent être directement imputés à la carence fautive du Maire d’Avignon, la cour administrative d’appel a retenu que la compétence en matière de collecte des déchets avait été transférée à la communauté d’agglomération du grand Avignon depuis 2004, en application des dispositions de l’article L. 5216-5 du Code général des collectivités territoriales citées au point 4, et que les nuisances invoquées par la SCI ne relevaient pas, pour l’essentiel, de la carence du Maire d’Avignon dans l’exercice de ses pouvoirs de police générale rappelés au point 2. Ce faisant, la cour administrative d’appel qui n’a pas entendu exclure, après le transfert de compétences de la collecte et de la gestion des déchets à une communauté d’agglomération, le maintien d’une compétence du maire lorsque des déchets ou des encombrants portent atteinte à la sûreté et à la commodité du passage dans les voies publiques, n’a pas commis d’erreur de droit. »

En d’autres termes, la compétence en matière de collecte de déchets a été transférée à la communauté d’agglomération, celle-ci ne peut donc pas relever de la commune. Dès lors, si les difficultés rencontrées par le requérant peuvent être imputées à la gestion de la collecte des déchets par la communauté d’agglomération, elles ne peuvent pas l’être au titre des pouvoirs de police du maire de la commune.

Dès lors, le juge rejette la requête en considérant, d’une part, que la responsabilité du maire de la commune ne peut pas être retenue pour justifier les préjudices subis. En l’espèce, s’il reconnait la carence du maire dans l’exercice des pouvoirs de police, il considère cependant  qu’il n’existait pas de lien de causalité direct entre cette faute et le préjudice dont la SCI Marquette Famille faisait état, consistant en des baisses de loyer consenties à la société GDF Suez, dès lors que « la dégradation des lieux à l’origine de cette baisse résulte, selon les affirmations mêmes de la société, de l’existence de la déchetterie et d’un camp destiné aux gens du voyage » Et, d’autre part, on comprend qu’en l’absence de demande formulée en ce sens de la part du requérant, la carence fautive de la communauté d’agglomération ne peut également pas être recherchée.