Economie sociale et solidaire
le 16/06/2022
Donya BURGUETDonya BURGUET

Tiers-lieux : un nouvel enjeu de dynamisation des territoires pour les pouvoirs publics ?

Arrêté du 14 avril 2022 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « France Tiers Lieux »

Portés par des collectifs de citoyens désireux de se réapproprier leurs territoires, de plus en plus de projets de tiers-lieux ont vu le jour en France ces dernières années. Mais qu’est-ce qu’un tiers-lieu ?

Le terme vient de l’anglais « third place » [1], désignant un lieu qui n’est ni la maison (le premier-lieu), ni le lieu de travail (le second-lieu). Si le concept embrassait jusqu’ici de multiples définitions au gré de ses formes, souvent hybrides (espace coworking, campus connecté, atelier partagé, fablab, café associatif, friche culturelle, maison de services au public…), le tiers-lieu a tout récemment fait son entrée dans le dictionnaire en étant défini comme un « espace de sociabilité d’initiative citoyenne, où une communauté peut se rencontrer, se réunir, échanger et partager ressources, compétences et savoirs » [2].

1. La création d’un groupement d’intérêt public au soutien des tiers-lieux

Présenté comme l’un des « piliers de la relance » par le Gouvernement, un budget de 130 millions d’euros a été alloué au développement et à la structuration des tiers-lieux en 2021, dont la moitié provient du plan France Relance.

Cette logique de soutien du développement de cet écosystème solidaire et responsable s’est concrétisée par la création du groupement d’intérêt public (GIP) [3] « France Tiers Lieux », auquel participe l’Etat par le biais de 4 ministères.

Un arrêté du 14 avril 2022 portant approbation de la convention constitutive du groupement d’intérêt public dénommé « France Tiers Lieux » [4] a approuvé la convention constitutive du GIP dénommé « France Tiers Lieux ». Ses dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2022.

Ce groupement « a pour objet d’appuyer le développement, la professionnalisation et la pérennisation des tiers-lieux en France« .

Le GIP est constitué par les membres fondateurs suivants :

  • l’Etat, représenté par les ministres chargés de l’aménagement du territoire, du travail, de l’enseignement supérieur et des petites et moyennes entreprises ;
  • l’Agence nationale de la cohésion des territoires (« ANCT ») ;
  • l’association de préfiguration nationale des tiers-lieux (« ANTL »), qui évolue ainsi dans sa gouvernance et ses statuts.

Ce GIP a pour objet d’appuyer le développement, la professionnalisation et la pérennisation des tiers-lieux en France. Pour ce faire, il a notamment pour mission de :

  • Structurer une filière professionnelle des personnels des tiers-lieux : existence juridique, formation, diplômes, etc. ;
  • Animer les réseaux intermédiaires de tiers-lieux constitués à différentes échelles (régionales et départementales notamment) ;
  • Construire une offre en ingénierie pour accompagner l’émergence et la consolidation de tiers-lieux ;
  • Soutenir la mutualisation des ressources pour créer des outils communs aux tiers-lieux ;
  • Analyser l’évolution de l’écosystème des tiers-lieux et contribuer à sa compréhension en rédigeant un rapport annuel d’état des lieux ;
  • Fournir accompagnement, appui et ingénierie pour chacun des membres du GIP, lorsqu’ils conduisent des programmes de soutien aux tiers-lieux.

Le GIP est créé pour une durée de trois ans. L’arrêté prévoit que le directeur du GIP présentera à l’assemblée générale un bilan sur la gouvernance du GIP, entre six et neuf mois après sa création.

Si certaines modalités restent encore à définir (notamment sur les questions de gouvernance), la création de ce GIP offrira un réel cadre institutionnel permettant aux acteurs associatifs, dont notamment l’ANTL, de peser dans les prises de décision des actions de l’Etat.

 

2. Le rôle des pouvoirs publics dans l’accélération du développement des tiers-lieux sur l’ensemble du territoire national

Les acteurs publics se mobilisent de plus en plus dans le développement des tiers-lieux, multipliant les initiatives au service du « faire ensemble ».

A titre d’exemple, le programme interministériel « Nouveaux lieux, nouveaux liens » vise à accélérer le développement des tiers-lieux sur l’ensemble du territoire national. Il a notamment pour objectif de favoriser le maillage le plus fin possible des territoires en tiers-lieux et de donner les moyens aux tiers-lieux de diversifier leurs revenus en développant des services d’intérêt général déclinés en fonction des besoins des territoires.

De même, le dispositif des Manufactures de Proximité a été développé grâce au soutien des pouvoirs publics : ces tiers-lieux productifs sont des ateliers partagés de fabrication destinés en priorité à des professionnels, TPE, PME, artisans.

L’Etat prévoit enfin de développer le service civique dans les tiers-lieux, avec le lancement de 3000 missions. A cet égard, l’ANTL envisage de déposer une demande d’agrément collectif auprès de l’Agence du Service Civique, afin de simplifier les démarches et de mutualiser les efforts pour déployer le volontariat de service civique dans les tiers lieux. Cet agrément collectif sera porté par l’association France Tiers-Lieux et sera mis à disposition de tous les tiers-lieux en capacité d’accueillir des missions.

A l’heure où le désintérêt vis-à-vis des institutions politiques est largement commenté, la réappropriation par les citoyens de leurs territoires par le biais de l’action collective annonce une nouvelle forme d’engagement à l’échelon local.

La France compte aujourd’hui environ 2 500 tiers-lieux, et ils devraient être 3 000 à 3 500 fin 2022.

Le phénomène des tiers-lieux ne se résume cependant pas à une multitude d’initiatives locales à soutenir, mais réinterroge en profondeur le rôle des institutions par rapport à la société civile et la manière de construire l’action publique pour accélérer les transitions nécessaires.

Les pouvoirs publics ont donc tout intérêt à se saisir de l’enjeu des tiers-lieux pour accompagner cette dynamique d’initiative citoyenne génératrice d’innovation sociale sur l’ensemble du territoire.

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[1] Notion introduite en 1989 par le sociologue américain Ray Oldenburg.

[2] Edition 2023 du Petit Robert.

[3] Un GIP permet à des partenaires publics et privés de mettre en commun des moyens pour la mise en œuvre de missions d’intérêt général.

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045593081