Urbanisme, aménagement et foncier
le 25/05/2023

Sursis à statuer à fin de régularisation : sans autorisation modificative, la seule modification des règles d’urbanisme n’est pas de nature à régulariser le permis de construire initial

CE, 4 mai 2023, n° 464702

Par une décision en date du 4 mai 2023, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur l’application des dispositions de l’article R. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et considéré qu’en l’absence d’autorisation modificative, la seule circonstance que la règle d’urbanisme ayant justifié le sursis à statuer ne soit plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau ne suffit pas à régulariser le permis initial.

Dans cette affaire, par un arrêté du 21 décembre 2018, modifié par arrêté du 28 juillet 2020, le Maire de la commune de Cépet (31620) a délivré à la société Octogone un permis de construire pour la création d’un bâtiment à usage de logement et de commerce. Saisi par l’association Cœur de Cépet, le Tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 16 février 2021, sursis à statuer sur la demande d’annulation de ce permis, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, dans un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement, afin de permettre au pétitionnaire de régulariser le projet au regard de la règle de hauteur dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions litigieuses. Par un second jugement en date du 8 avril 2022, le Tribunal, jugeant que cette régularisation n’était pas intervenue, a annulé les décisions contestées.

Dans ce contexte, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences de la disparition de la règle d’urbanisme ayant justifié qu’il soit opposé un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, lequel prévoit que :

« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

Le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé que lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des règles d’urbanisme en vigueur ou sans que les formes ou formalités préalables soient respectées, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond et répond aux exigences de forme ou de procédures omises.

Il a, ensuite, rappelé que l’irrégularité peut également être couverte si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a entretemps été modifiée, si cette règle n’est plus méconnue compte tenu d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce ou si le bénéficiaire de l’autorisation notifie au juge une décision de l’autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d’un jugement prononçant le sursis à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

En revanche, dans sa décision en date du 4 mai 2023, le Conseil d’Etat a précisé que « la seule circonstance que le vice dont est affectée l’autorisation initiale et qui a justifié le sursis à statuer résulte de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme qui n’est plus applicable à la date à laquelle le juge statue à nouveau sur la demande d’annulation, après l’expiration du délai imparti aux intéressés pour notifier la mesure de régularisation, est insusceptible, par elle-même, d’entraîner une telle régularisation et de justifier le rejet de la demande ».

Au cas présent, la société Octogone a fait valoir, à l’issue du délai qui lui était imparti par le Tribunal pour procéder à la régularisation du permis de construire initial au regard de la règle des hauteurs, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, que les dispositions méconnues avaient été modifiées de sorte que le projet respectait les règles de hauteur désormais applicables.

Le Conseil d’Etat a, toutefois, considéré que cette seule circonstance ne permettait pas de régulariser les permis de construire litigieux, dès lors que la régularisation implique, nécessairement, l’intervention d’une décision individuelle de régularisation prise par la Commune après la modification du plan local d’urbanisme.