Projets immobiliers publics privés
le 15/12/2022
Anna MARIEAnna MARIE

Sur les conditions de l’acquisition du statut de preneur d’un bail rural par le conjoint survivant

Cass. Civ., 3ème, 16 novembre 2022, n° 21-18.527

Le bail rural, régi par les articles L. 411-1 à L. 493-1 du Code rural et de la pêche maritime, se définit comme un contrat de location de terres ou de bâtiments à usage agricole, entre un propriétaire et un exploitant, moyennant un loyer.

L’une des particularités d’un tel bail est que le preneur bénéficie d’un droit au renouvellement, et ce « nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires », conformément à l’article L. 411-46 du Code précité.

En outre, le Code rural et de la pêche maritime dispose en son article L. 411-34 alinéa 1 qu’en cas de décès du preneur, le bail continue au profit « de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès ».

A contrario, le bailleur sera en mesure de solliciter la résiliation du contrat de bail rural, dans les six mois à compter du jour où il a eu connaissance du décès de son locataire, lorsque « le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d’un pacte civil de solidarité ou d’ayant droit réunissant les conditions posées au premier alinéa ».

Ainsi, deux conditions cumulatives s’imposent au conjoint survivant pour bénéficier du statut de preneur du bail, à savoir avoir la qualité de pacsé ou d’époux de l’exploitant décédé, et justifier de sa participation effective à l’exploitation agricole au cours des cinq années antérieures au décès.

Par un arrêt en date du 16 novembre 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser les conditions d’application de ces deux conditions.

En l’espèce, des propriétaires ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux, à la suite du décès de leur exploitant, aux fins de voir constater leur refus de la continuation du bail rural par les ayants droit du preneur, et ainsi obtenir leur expulsion.

Les bailleurs soutenaient que la participation à l’exploitation agricole, au cours des cinq dernières années antérieures au décès du preneur, requise par l’article L.411-34 du Code rural et de la pêche maritime, devait être réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d’ascendant ou de descendant, à l’exclusion de toute participation antérieure à l’acquisition d’une telle qualité.

Or, dans le cas présent, le défunt preneur et sa compagne s’étaient mariés seulement 49 jours avant son décès.

Dans ces conditions, les propriétaires affirmaient qu’il appartenait au juge du fond de rechercher si cette durée était suffisante.

Surtout, en prenant en considération une participation à l’exploitation antérieure au mariage, la Cour d’appel aurait, selon leur analyse, violé le texte susvisé.

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi formé par les bailleurs, au motif que la Cour d’appel avait souverainement retenu que la conjointe du preneur décédé avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l’exploitation depuis plus de cinq ans avant son décès, et qu’elle pouvait dès lors bénéficier du statut de preneur du bail dont son époux était titulaire, « peu important qu’elle n’ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès ».

Par cet arrêt, la Cour de cassation établit ainsi que les deux conditions cumulatives posées par l’article L 411-34 du Code rural et maritime doivent être apprécié distinctement, et qu’il n’est pas exigé que le conjoint survivant ait participé effectivement à l’exploitation agricole en cette qualité.