Projets immobiliers publics privés
le 23/06/2022

Sur l’absence de recours contre les décisions prises par l’administrateur provisoire ayant reçu les pouvoirs normalement dévolus à l’assemblée générale des copropriétaires

Cass. Civ., 3ème, 13 avril 2022, n° 21-15.923

Principe : un immeuble en copropriété peut être confronté à d’importantes difficultés financières ou de gestion. La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ainsi que son décret d’application du 17 mars 1967 prévoient certains palliatifs permettant la gestion de ces copropriétés. Les mesures s’organisent par gradation en fonction notamment des difficultés rencontrées et de l’état de dégradation de la copropriété.

A titre d’exemple, l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le président du tribunal judiciaire peut désigner un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires, lorsque l’équilibre financier du syndicat est gravement compromis ou que la copropriété est dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble.

Le président du tribunal judiciaire charge l’administrateur provisoire de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété et lui confie, à ce titre, les pouvoirs du syndic de copropriété. Le juge peut aller plus loin en confiant à l’administrateur provisoire, les pouvoirs de l’assemblée générale des copropriétaires et du conseil syndical, à l’exception de certains pouvoirs qui ne peuvent lui être dévolus.

Or, les décisions prises par l’assemblée générale des copropriétaires peuvent faire l’objet d’un recours par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans les conditions de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Dans ces conditions, se pose la question de savoir si les décisions prises par l’administrateur provisoire, exerçant les pouvoirs de l’assemblée générale peuvent être contestées par les copropriétaires dans les mêmes conditions.

A cette interrogation, la Cour de cassation a d’ores et déjà eu l’occasion de répondre par la négative et rappelle ce principe dans un arrêt en date du 13 avril 2022.

 

Clarification : suivant une ordonnance prise au visa de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, un administrateur provisoire a été désigné et sa mission renouvelée. Le syndicat des copropriétaires, représenté par cet administrateur, a assigné un copropriétaire en paiement d’un arriéré de charges.

La Cour d’appel l’a condamné au paiement de cet arriéré de charges et le copropriétaire a formé un pourvoi en cassation, considérant que l’approbation des comptes et la fixation du budget confié à l’administrateur provisoire ne dispense pas le syndicat des copropriétaires de son obligation de prouver qu’il est débiteur des charges qui lui sont imputées et ne le prive pas de son droit de contester les charges réclamées.

Le copropriétaire débiteur prétendait, en l’espèce, être propriétaire d’un bâtiment dans son intégralité, qui n’était donc plus composé de parties communes, de sorte qu’aucune dépense ne pouvait être imputée à ce bâtiment, contrairement à ce qui avait été retenu par l’administrateur provisoire dans le budget décidé.

Ainsi, pour contester l’arriéré de charges de copropriété, le copropriétaire débiteur entendait remettre en cause le budget tel que décidé par l’administrateur provisoire, qui s’était vu confier les pouvoirs de l’assemblée générale.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé et rejoint la Cour d’appel ayant retenu que les copropriétaires ne peuvent remettre en cause les décisions prises par l’administrateur provisoire qui a reçu les pouvoirs normalement dévolus à l’assemblée générale des copropriétaires, à l’exception de ceux que la loi interdit au juge de lui confier.

Le copropriétaire débiteur qui s’est vu condamner au paiement de charges de copropriété impayées ne peut donc valablement contester les décisions de l’administrateur provisoire ayant approuvé les comptes et les budgets prévisionnels.

Ces décisions qui sont, en principe, prises par l’assemblée générale des copropriétaires, sont, dès lors définitives et exécutoires de plein droit, dès lors qu’elles ont été prises par l’administrateur provisoire, chargé de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété.

Toutefois, la mission de l’administrateur n’en est pas pour autant incontestable.

En effet, la Cour de cassation rappelle que tout copropriétaire a la possibilité d’en référer au président du Tribunal judiciaire, afin de mettre fin ou mission la mission confiée à l’administrateur provisoire.