Droit de la construction et assurances
le 08/02/2022

Responsabilité décennale : précisions sur la volonté tacite et non équivoque du maître de l’ouvrage de réceptionner les travaux

Cass. Civ., 3ème, 5 janvier 2022, 20-22.835, Inédit

Dans cette affaire, un couple avait fait édifier en 2006 un immeuble à usage d’habitation selon un contrat de construction de maison individuelle par société en liquidation judiciaire depuis. Cette maison a, par la suite, été vendue en 2013.

Se plaignant de désordres (fissures affectant les murs de soutènement bordant la descente de garage et la découverte d’anomalies affectant la toiture), les acquéreurs ont recherché la responsabilité décennale des anciens propriétaires vendeurs.

Par arrêt du 24 septembre 2020, la Cour d’appel d’Amiens a déclaré leur action irrecevable au motif de l’expiration du délai de garantie décennale compte tenu de date de réception de l’ouvrage alors fixée au 3 avril 2006.

En l’espèce, à défaut de réception expresse, la Cour d’appel avait considéré que, même si les vendeurs ne justifiaient pas du paiement intégral du prix du contrat de construction, la date d’emménagement dans l’immeuble devait être considérée comme la date de réception tacite, puisqu’aucun élément ne permettait de conclure que l’immeuble n’était pas en mesure d’être réceptionné à cette date.

Les acheteurs se sont alors pourvus en cassation invoquant le fait qu’en se bornant à relever que les vendeurs avaient pris possession de l’ouvrage le 3 avril 2006, date à laquelle ils déclaraient avoir emménagé dans l’immeuble, pour fixer à cette date la réception tacite de l’ouvrage, la Cour d’appel avait statué par des motifs insuffisants à caractériser la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux et a violé les articles 1792-4-1 (relatif à l’action en responsabilité décennale) et 1792-6 du Code civil (qui définit la réception des travaux).

La date de réception des travaux est excessivement importante en ce qu’elle fixe le point de départ de la garantie décennale, d’où l’intérêt de caractériser la réception tacite à défaut de réception expresse.

La Haute juridiction a eu l’occasion de rappeler qu’aux termes de cet article, la réception de l’ouvrage peut être tacite si la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux est établie.

Selon la Cour de cassation, la seule prise de possession de l’immeuble par le maître de l’ouvrage ne saurait suffire à établir sa volonté tacite, non équivoque, de réceptionner les travaux.

En effet, si la Cour de cassation a déjà approuvé une Cour d’appel qui avait estimé que la date de prise de possession caractérisait la date de réception tacite (Cass. Civ., 3ème, 23 mai 2012, n° 11-10.502), la situation était différente étant donné l’absence de contestation sur le règlement des travaux.

Or, il en va différemment dans la présente affaire puisque le paiement du prix du contrat de construction n’avait pas été soldé dans son intégralité.

Dès lors, il ne saurait y avoir volonté non équivoque.

Cette règle est classiquement rappelée par la Haute juridiction (Cass. Civ., 3ème, 4 octobre 1989, n° 88-12.061).