Energie
le 12/01/2023

Répartition des compétences entre les juridictions administrative et judiciaire des dommages résultant d’une servitude

TC, 5 décembre 2022, n° C4253

Par un arrêt en date du 5 décembre 2022, le Tribunal des Conflits a précisé la répartition des compétences entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire pour connaître des litiges relatifs aux dommages résultant de travaux réalisés en application d’une servitude édictée pour la modification d’une ligne à haute tension.

En l’espèce, la société Réseau de transport d’électricité (ci-après RTE) bénéficiait d’une servitude établie par le préfet pour la réalisation de travaux de modification d’une ligne à haute tension surplombant des terrains appartenant aux requérants. Ces derniers ont sollicité l’indemnisation de leurs préjudices résultant de cette servitude à RTE, qui leur a opposé un refus. Ils ont par suite saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Plusieurs préjudices étaient invoqués. Les requérants invoquaient des préjudices immédiats résultant de la création d’une piste sur leur exploitation et des dommages aux cultures, aux jachères, ainsi qu’un préjudice visuel et un préjudice patrimonial.

Le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a considéré que les demandes d’indemnisation de ces préjudices posaient des difficultés sérieuses et a décidé de renvoyer au Tribunal des Conflits, selon la procédure prévue par le décret n° 2015-233 du 27 février 2015.

Aux termes de l’article L. 323-7 du Code de l’énergie : « Lorsque l’institution des servitudes prévues à l’article L. 323-4 entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. L’indemnité qui peut être due à raison des servitudes est fixée, à défaut d’accord amiable, par le juge judiciaire ».

En application de cet article, le Tribunal des Conflits a jugé que les dommages qui sont les conséquences directes, matérielles et immédiates de la servitude relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire et tandis que les dommages accidentels causés par les travaux réalisés sur les ouvrages électriques relèvent de la compétence de la juridiction administrative : « 5. En application de ces dispositions, si les conséquences des dommages purement accidentels causés par les travaux de construction, de réparation ou d’entretien des ouvrages relèvent de la compétence des juridictions administratives, en revanche, les juridictions judiciaires sont seules compétentes pour connaître des dommages qui sont les conséquences certaines, directes et immédiates des servitudes instituées au profit des concessionnaires de distribution d’énergie, tels que la dépréciation de l’immeuble, les troubles de jouissance et d’exploitation, la gêne occasionnée par le passage des préposés à la surveillance et à l’entretien ».

Dès lors, les préjudices immédiats invoqués par les requérants, résultant des dommages aux cultures et aux jachères par les travaux de reconstruction de la ligne et de création de pistes sur les terrains, relèvent de la compétence de la juridiction administrative, de par leur caractère accidentel. A contrario, les préjudices visuel et patrimonial du requérant relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire dès lors qu’ils constituent la conséquence directe, matérielle et certaine de la servitude.