Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») en date du 13 février 2025 rappelle que les procédures d’attribution des contrats de services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par la route doivent être ouvertes à tout opérateur, y compris aux opérateurs internes ayant bénéficié d’une attribution directe.
Pour rappel, l’exploitation des services de transport de voyageurs par chemin de fer et par la route sont régis par les dispositions du Règlement (CE) n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 dit « Règlement OSP » et font l’objet de contrats de services publics de transport public de voyageurs.
Aux termes de son article 5§2, ces contrats peuvent faire l’objet d’une attribution directe si l’autorité compétente décide de recourir aux services d’une entité interne, c’est-à-dire, une entité juridiquement distincte sur laquelle cette dernière exerce un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services.
Dans ce cadre, l’opérateur interne titulaire du contrat par attribution directe est soumis à une exigence dite de « cantonnement géographique » énoncée au b) de l’article 5§2 :
- « L’opérateur interne et toute entité sur laquelle celui-ci a une influence, même minime, exercent leur activité de transport public de voyageurs sur le territoire de l’autorité locale compétente, nonobstant d’éventuelles lignes sortantes et autres éléments accessoires à cette activité se prolongeant sur le territoire d’autorités locales compétentes voisines» ;
- « L’opérateur ne participe pas à des mises en concurrence concernant la fourniture de services publics de transport de voyageurs organisés en dehors du territoire de l’autorité locale compétente» ;
Ce faisant les dispositions du c) de l’article 5§2 prévoient qu’un opérateur interne peut participer à des mises en concurrence équitables pendant les deux années qui précèdent le terme du contrat de service public qui lui a été attribué directement, à condition :
- « qu’ait été prise une décision définitive visant à soumettre les services de transport de voyageurs faisant l’objet du contrat de l’opérateur interne à une mise en concurrence équitable» ;
- « et que l’opérateur interne n’ait conclu aucun autre contrat de service public attribué directement».
Dans cette espèce, un opérateur dénommé « VR » s’était vu, du fait de sa qualité d’opérateur interne, attribué un contrat sans mise en concurrence en vue de l’exploitation du service public de transport public organisé par une autorité locale lettone.
Conclu en 2012, le contrat a fait l’objet de deux prolongations en 2021 et en 2022, en raison de retards subis par les procédures d’appels d’offres devant conduire à l’attribution concurrentielle des services objet du contrat en cours.
C’est en 2021 que l’autorité organisatrice des transports a décidé de lancer une procédure d’attribution concurrentielle sur le fondement de l’article 5§3 du Règlement OSP, ayant pour objet les services précédemment exploités puis de retenir l’offre de l’opérateur interne sortant.
Un candidat évincé a alors décidé de contester la décision d’attribution du contrat arguant de la violation des dispositions du c) de l’article 5§2 relatives à la participation d’un opérateur interne à une procédure d’appel d’offres, et estimant que l’autorité compétente aurait dû réexaminer la situation de l’opérateur interne au moment où la décision d’attribution du contrat a été prise.
C’est dans ce cadre que la juridiction administrative lettone a saisi la CJUE d’une question préjudicielle afin de savoir si, dans le cadre d’une procédure concurrentielle, l’autorité compétente est tenue de vérifier si l’opérateur interne sortant qui candidate au contrat respecte les conditions du c) de l’article 5§2.
Selon la CJUE, les autorités qui décident d’avoir recours à une procédure de mise en concurrence doivent l’ouvrir à tout opérateur, y compris aux opérateurs internes relevant d’autres autorités compétentes ayant bénéficié d’une attribution directe par celles-ci, sans que soit opéré un renvoi aux conditions de l’article 5§2 ou que figurent dans l’article 5§3 des conditions similaires à l’article 5§2.
Précisément, selon la Cour, les dispositions du c) de l’article 5§2 ont pour objet de préciser l’interdiction posée au b) de l’article 5§2 et contribuent à déterminer la portée de l’exigence de cantonnement géographique des activités de l’opérateur interne.
Il s’ensuit que la participation d’un opérateur interne ayant bénéficié d’une attribution directe est uniquement susceptible d’affecter la validité de cette attribution directe, mais non celle de sa participation à la procédure d’attribution par voie de mise en concurrence. De sorte que les dispositions du c) de l’article 5§2 sont sans pertinence aux fins de l’application de l’article 5§3 relatif à l’attribution concurrentielle des contrats.
Partant, le pouvoir adjudicateur ne doit pas, lorsqu’un opérateur interne, auquel a été précédemment attribué directement un contrat de service public, participe à une procédure d’attribution par voie de mise en concurrence, vérifier le respect par celui-ci des conditions énoncées au c) de l’article 5§2 afin de déterminer si cet opérateur est en droit de participer à une telle procédure.