Urbanisme, aménagement et foncier
le 15/11/2023

Refus de permis de construire : Le sursis à statuer est exclu du mécanisme de la substitution de motifs.

TA de Grenoble, 2ème, 9 octobre 2023, n° 2004260

Par un jugement en date du 9 octobre 2023 (req. n° 2004260), le Tribunal administratif de Grenoble a, pour la première fois, considéré que le sursis à statuer pour tenir compte d’un plan local d’urbanisme intercommunal en cours d’élaboration n’était pas un motif susceptible d’entrer dans le champ d’application du mécanisme de substitution de motifs ayant pour effet de régulariser une décision de refus de permis de construire.

Dans cette affaire, la SAS Modulhabitat a sollicité la délivrance d’un permis de construire valant division pour la construction de 7 maisons et 19 places de stationnement sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Bons-en-Chablais (Haute-Savoie). Par un arrêté en date du 25 février 2020, le maire de la commune a refusé de faire droit à cette demande au motif que le projet méconnaissait les dispositions de l’article 10 de la zone 1AUc2 du plan local d’urbanisme alors en vigueur.

A la suite du rejet, par la commune, du recours gracieux formé le 6 juillet 2020, visant au retrait de cette décision de refus, la société requérante a introduit un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Grenoble et sollicité l’annulation de l’arrêté du 25 février 2020 par lequel le Maire de la commune de Bons-en-Chablais a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Dans ce contexte, après avoir constaté que le motif de l’arrêté de refus de permis de construire était mal fondé, le Tribunal administratif de Grenoble a eu l’opportunité de se prononcer, pour la première fois, sur l’opportunité pour une commune de solliciter une substitution de motifs en opposant un sursis à statuer sur la demande de permis de construire pour tenir compte d’un plan local d’urbanisme intercommunal en cours d’élaboration.

Rappelons, en effet, que l’administration a la possibilité en première instance comme en appel, de faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, au regard de la situation existant à la date de cette décision. Dans un tel cas, il appartient au juge administratif, après avoir mis les parties à même de présenter des observations sur le nouveau motif invoqué, de rechercher s’il est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif (voir en ce sens : CE 12 janvier 2005, req. n° 252408 ; CE 19 mai 2021, req. n° 435109).

Cela étant précisé, dans le cadre de son jugement du 9 octobre 2023, le Tribunal administratif de Grenoble a considéré que le sursis à statuer, qui constitue une décision administrative distincte du refus de permis de construire, n’entre pas dans le mécanisme de la substitution de motifs :

« 6. Un sursis à statuer constitue une décision administrative d’une nature juridique différente d’un refus de permis de construire et ne constitue donc pas un motif que la commune aurait pu opposer pour refuser le permis de construire sollicité par la SAS Modulhabitat. Ainsi, le sursis à statuer sollicité par la commune de Bons-en-Chablais ne peut entrer dans le champ d’application de la substitution de motifs et sa demande doit être écartée ».

Cette nouvelle jurisprudence rendue par le Tribunal administratif de Grenoble vient affiner les conditions d’application du mécanisme substitution de motifs, permettant à l’administration de régulariser, en cours d’instance, la motivation de ses décisions. Il sera, néanmoins, intéressant de voir si la position retenue par le Tribunal sera, à l’avenir, confirmée par les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat.