Environnement, eau et déchet
le 16/05/2024
Clémence DU ROSTU
Eloïse GUILLERMIC

Réforme du secteur agricole et simplification de la vie économique : ce qu’il faut retenir des trois textes actuellement en discussion au Parlement à l’aune du droit de l’environnement

Trois projets de textes législatifs, actuellement en discussion au Parlement, tendent à modifier certains pans du droit de l’environnement. Deux d’entre eux impactent plus particulièrement le monde agricole (I). En effet, d’abord la proposition de loi pour un choc de la compétitivité en faveur de la ferme France, adoptée par le Sénat le 23 mai 2023 puis transmis à l’Assemblée nationale, vise à assouplir les contraintes pesant sur le monde agricole, puis le projet de loi relatif à la souveraineté en matière agricole transmis à l’Assemblée nationale le 3 avril 2024 vise à favoriser le renouvellement des générations ainsi que la prise en compte du changement climatique et de la préservation de la biodiversité. Quant au projet de loi de simplification de la vie économique, déposé au Sénat le 24 avril 2024, il a notamment pour objet de favoriser l’implantation de projets industriels et d’infrastructures sur le territoire mais également de mieux inscrire l’économie dans la transition énergétique et écologique (II). Ces trois textes auront évidemment vocation à évoluer au fil des débats parlementaires, mais il est intéressant de relever dès à présent un certain nombre de mesures qui conduiraient à faire évoluer la législation actuelle.

I.  Deux textes à l’étude pour réformer le secteur agricole

 

a. Proposition de loi pour un choc de la compétitivité en faveur de la ferme France

 

Déposée le 14 février 2023 au Sénat, puis adoptée en première lecture le 23 mai de la même année, la proposition de loi pour un choc de la compétitivité en faveur de la ferme France doit désormais être examinée par l’Assemblée nationale. Le texte comporte un certain nombre d’articles qu’il convient d’examiner sous le prisme du droit de l’environnement.

  • Souveraineté alimentaire

Première disposition de la proposition de loi, l’article 1er A qualifie la souveraineté alimentaire « [d’] intérêt fondamental de la Nation au sens de l’article 410-1 du Code pénal » dans un nouveau I A inséré au début de l’article L. 1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM). Pour rappel l’article 410-1 du Code pénal dispose que « les intérêts fondamentaux de la nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel. »

  • Pesticides et produits phytosanitaires

Une autre mesure qu’il convient de relever concerne la règlementation relative aux pesticides, qui fait l’objet de modifications à plusieurs égards.

D’une part, l’article 8 de la proposition de loi prévoit le lancement d’une expérimentation visant à utiliser des drones pour l’application de produits phytopharmaceutiques. Le cas échéant, elle serait menée « pour une période maximale de cinq ans » à compter de la promulgation de la loi, « sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 % ou dans le cadre d’une agriculture de précision sur des surfaces restreintes ». Un arrêté devra définir les conditions et les modalités de cette expérimentation. En outre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) devra évaluer les « bénéfices liés à l’utilisation de drones pour l’application de produits phytopharmaceutiques en matière de réduction des risques pour la santé et l’environnement ». En l’absence de « risques inacceptables » le ministre chargé de l’Agriculture pourra délivrer une autorisation d’utilisation de drones ; qui devra toutefois être évaluée tous les deux ans par l’ANSES.

D’autre part, l’article 18 de la proposition de loi vise à abroger les articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 du (CRPM) relatifs aux pratiques commerciales prohibés pour les produits phytopharmaceutiques. Le premier nommé dispose que « à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques définis à l’article L. 253-1, les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens de l’article L. 441-1 du Code de commerce ou la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sont interdits. Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l’attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l’achat de ces produits est prohibée ». Quant à l’article L. 253-5-2, il énonce les sanctions administratives applicables en cas de manquement aux interdictions précédemment énoncées.

Ce même article propose d’abroger également le VI de l’article L. 254-1 du (CRPM) qui rend incompatible les activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques.

Enfin, l’article 13 de la proposition de loi permet au ministre chargé de l’Agriculture de suspendre, par arrêté motivé, une décision de retrait de mise sur le marché de produits phytosanitaires prise par l’ANSES. Pour cela il devra réaliser « une balance détaillée des risques sanitaires, environnementaux et de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne » et évaluer « l’efficience de solutions alternatives ». En cas de retrait, « le délai de grâce [serait] systématiquement porté à six mois pour la vente et la distribution, et à un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants ».

  • Paiements pour services environnementaux

 

En ce qui concerne les services environnementaux, deux articles viendraient apporter des modifications au droit actuellement en vigueur. En effet, l’article 8 bis dispose que le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un « rapport dressant un bilan exhaustif des systèmes actuellement soutenus au titre des paiements pour services environnementaux, et analysant les freins ou les leviers qui permettraient d’en accroître l’efficacité et le développement ».

Pour mémoire, les paiements pour services environnementaux sont conçus comme une incitation financière afin que les agriculteurs participent directement à la transition écologique et ce, via des pratiques qui maintiennent et restaurent les services écosystémiques (services d’approvisionnement, services de régulation, services culturels, services d’appui nécessaires au fonctionnement des écosystèmes). L’article 9 inclut la prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans ces services environnementaux et intègre à l’article L. 111-2 du CRPM relatif à la politique d’aménagement rural l’objectif de valorisation du « stockage de carbone dans les sols agricoles ainsi que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment par l’établissement d’un diagnostic de performance agronomique des sols et d’émissions de gaz à effet de serre, accompagné d’un plan volontaire d’atténuation et d’adaptation au changement climatique de l’exploitation, cofinancé par l’État ».

  • Usage de l’eau

En termes d’usage de l’eau, l’article 15 prévoit de modifier le Code de l’environnement afin de qualifier d’« intérêt général majeur » les stockages d’eau, plans d’eau ou encore les prélèvements nécessaires à un usage agricole. L’article 16 de la proposition de loi crée un nouvel alinéa à l’article L. 213-7 du Code de l’environnement et qui dispose que « le préfet coordonnateur de bassin définit les situations dans lesquelles, en France métropolitaine, la conduite des projets de territoire pour la gestion de l’eau doit être encouragée, à l’exception du bassin de Corse où la collectivité de Corse est compétente. » De plus, l’article 17 confère aux cours administratives d’appel la compétence « pour connaître, en premier et dernier ressort, des recours dirigés contre les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 du Code de l’environnement relatives aux projets d’ouvrages de prélèvement d’eau à usage d’irrigation et aux infrastructures associées ».

  • Restaurants collectifs

Enfin, l’obligation édictée à l’article L. 230-5-1 du (CRPM) et qui prévoit que « les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge » comprennent une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits durables et de qualité et 20 % de produits issus de l’agriculture biologique est reportée à 2025 au lieu de 2022.

 

 

B. Projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations futures

  1. Le renforcement des politiques publiques visant à développer et renforcer l’agriculture

Ce premier projet de loi, transmis à l’Assemblée nationale le 3 avril 2024, entend répondre, selon l’exposé des motifs qui l’accompagne, à plusieurs objectifs. D’une part, il s’agit de « consolider la souveraineté alimentaire française et européenne » et « [d’] ériger cet impératif comme l’une des priorités stratégiques de nos politiques publiques ». Il vise d’autre part à « offrir à nos agricultrices et nos agriculteurs un cadre simplifié d’action, au service de notre souveraineté alimentaire ». Encore est-il pensé pour encourager les politiques publiques à faire face à deux défis primordiaux : « celui du changement climatique et de la préservation de la biodiversité, d’une part, et celui du renouvellement des générations, d’autre part ».

De prime abord, l’article 1er prévoit l’intégration de nouvelles dispositions relatives aux objectifs de la politique nationale en termes d’agriculture, d’alimentation et de pêche maritime. En ce sens, un nouvel article L1 A est créé au sein du (CRPM) érigeant l’agriculture, la pêche et l’aquaculture au rang d’ « intérêt général majeur en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation » et définissant les objectifs que doivent poursuivre les politiques publiques dans ces domaines. Quant à l’article L. 1 du même Code, son point IV est intégralement refondu afin de mettre en exergue l’importance de la politique agricole dans la préservation et le renforcement de la souveraineté agricole. L’article revoit dès lors la politique d’installation et de transmission en agriculture en insistant notamment sur la réponse qu’il convient d’apporter aux enjeux environnementaux et climatiques actuels, « grâce aux services écosystémiques et énergétiques rendus par l’agriculture » et encourage la transition vers « des modèles agricoles plus résilients ».

En outre, le projet de loi comprend un certain nombre d’articles encadrant la formation des agriculteurs et pour laquelle la « transitions agroécologique et climatique de l’agriculture et de l’alimentation » (article 2) revêt une place non négligeable. À noter également la création, par l’article 4, d’un « contrat territorial de consolidation ou de création de formation » qui, conformément à l’étude d’impact du projet de loi, « sera mis en œuvre dans le cadre du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles » par les régions au titre de leur politique d’apprentissage et de formation professionnelle à la recherche d’emploi. Il aura vocation à accroître le nombre de professionnels formés aux métiers de l’agriculture.

De plus, le titre III du projet de loi comporte des mesures visant à faciliter l’installation des agriculteurs, par la création du réseau « France services agriculture » (article 8) ou via la réalisation d’un diagnostic en matière de résilience de l’exploitation « face aux conséquences du changement climatique » (article 9).

  1. Les mesures visant les modalités d’exercice de l’activité agricole

Le projet de loi prévoit un titre IV nommé « Sécuriser, simplifier et libérer l’exercice des activités agricoles » qu’il convient de détailler de manière plus spécifique.

  • Sanctions aux infractions environnementales

 

En premier lieu, l’article 13 prévoit l’adoption, par le Gouvernement, d’une ordonnance dans un délai de 12 mois pour faire évoluer le régime des sanctions applicables à certaines infractions environnementales. Il s’agit, d’une part des infractions prévues à l’article L. 173-1 du Code de l’environnement, réprimant l’exercice de certaines activités en l’absence des autorisations, enregistrements, agréments, homologations ou certifications requis ; d’autre part au 1° de l’article L. 415-3 du même Code, qui fixe les infractions en cas d’atteintes à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées, d’habitats naturels et de sites d’intérêt géologique, prévues aux articles L. 411-1 et L411-2.

Le Gouvernement devra alors :

  • « adapter l’échelle des peines et réexaminer leur nécessité, y compris en substituant à des sanctions pénales existantes un régime de répression administrative, en tenant compte de ce que le manquement a été commis à l’occasion de l’exécution d’obligations légales ou réglementaires ou d’activités régulièrement déclarées, enregistrées ou autorisées et exercées conformément aux prescriptions de l’autorité administrative, ou d’activités prévues par des documents de gestion mentionnés à l’article L. 122-3 du Code forestier».
  • instaurer une obligation de restauration écologique en cas de manquement
  • abroger ou la modifier les « dispositions devenues inadaptées ou obsolètes».
  • Protection des haies

 

Le projet de loi prévoit par ailleurs un certain nombre de mesure pour assurer la protection des haies (article 14).

Ces dernière qui, tel que le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, sont au carrefour des enjeux agricoles, environnementaux et paysagers et assurent de nombreux services écosystémiques (« habitat naturel d’espèces animales, végétales et de microorganismes, corridor écologique, stockage de carbone, auxiliaire de cultures, lutte contre l’érosion, affouragement, production de biomasse et élément paysager structurant des milieux ruraux, urbains ou péri-urbains ») font l’objet d’une nouvelle section 4 au sein du chapitre II du titre Ier du livre IV du Code de l’environnement.

Le régime de protection instauré a vocation à être plus clair grâce à la création d’un « régime unique d’autorisation et de déclaration permettant de gérer les destructions de haies (dont les arrachages) et les mesures compensatoires, dont la replantation, fondé sur une définition adaptée à son caractère multifonctionnel » (étude d’impact du projet de loi). La haie est par ailleurs légalement définie comme « toute unité linéaire de végétation ligneuse comportant plusieurs essences et d’origine humaine, à l’exclusion des allées et alignements d’arbres qui bordent les voies ouvertes à la circulation publique mentionnés à l’article L. 350-3 » (art. L. 412-21 du Code de l’environnement).

Conformément au nouvel article L. 412-23 du Code de l’environnement dans la rédaction qui est proposée à date, une déclaration unique préalable sera requise pour tout projet de destruction d’une haie tandis que l’autorité administrative compétente pourra subordonner ledit projet à l’obtention d’une autorisation unique « dès lors qu’une des législations énumérées à l’article L. 412-24 soumet la destruction de la haie concernée à autorisation préalable ». Cette autorisation unique tiendra lieu des « déclarations, absences d’opposition, dérogations et autorisations énumérées à l’article L. 412-24, lorsque le projet de destruction de haie les nécessite ». Il s’agit plus particulièrement de :

  • la dérogation espèces protégées ;
  • l’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 ;
  • l’autorisation ou l’absence d’opposition à déclaration de travaux de consolidation ou de protection des berges comportant une destruction de la ripisylve ;
  • l’autorisation spéciale de modifier l’état ou l’aspect de territoires classés en réserve naturelle ou en instance de classement ;
  • l’autorisation spéciale de modifier l’état des lieux ou l’aspect d’un site classé ou en instance de classement ;
  • l’autorisation ou absence d’opposition à déclaration de travaux dans le périmètre de protection d’une source d’eau minérale naturelle déclarée d’intérêt public ;
  • l’autorisation relative aux périmètres de captage d’eau potable ;
  • l’autorisation de destruction d’une haie bénéficiant de la protection au titre de l’article L. 126-3 du (CRPM)
  • l’absence d’opposition à une déclaration préalable prévue au Code de l’urbanisme pour les travaux portant sur des éléments classés en application de l’article L. 113-1 du Code de l’urbanisme, ou identifiés comme présentant un intérêt en application des articles L. 111-22, L. 151-19 et L. 151-23 du même Code lorsque la décision sur cette déclaration préalable est prise au nom de l’État, ou que l’accord de l’autorité compétente a été recueilli ;
  • l’absence d’opposition à une déclaration préalable, ou autorisation prévue dans le cadre d’un régime d’aide publique en cas de destruction de haie, notamment au titre de la mise en œuvre des bonnes conditions agricoles et environnementales, à laquelle est subordonné le paiement des aides de la politique agricole commune.

Enfin, selon la rédaction actuelle du projet de loi, tout projet impliquant la destruction d’une haie devra faire l’objet d’une mesure de compensation « par replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit » et un décret devra définir les périodes lors desquelles toute destruction sera interdite.

  • Règles contentieuses

L’article 15 du projet de loi crée en outre un nouveau chapitre XV intitulé « le contentieux de certaines décisions en matière agricole », intégré au titre VII du livre VII du Code de justice administrative. Ces nouvelles dispositions ambitionnent de réduire le délai de traitement du contentieux face à l’engagement croissant de recours par des tiers aux projets agricoles.

Le champ d’application de ce nouveau régime s’étend aux installations, ouvrages, travaux ou activités (IOTA) de stockage d’eau ou réalisant des prélèvements sur les eaux souterraines et poursuivant à titre principal une activité agricole ainsi que les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) « destinées à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi qu’aux couvoirs et à la pisciculture ». Il s’applique à une dizaine de décisions individuelles (autorisation environnementale, récépissé de déclaration ou enregistrement d’installations, dérogation espèces protégées, décision de non-opposition à déclaration préalable ou permis de construire, d’aménager ou de démolir…).

Concrètement, le texte propose que lorsque le juge administratif estime « qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande donnant lieu à l’une des décisions » susmentionnées ou une partie de cette décision, il peut limiter « à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demande à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ». En cas de vice susceptible de régularisation, le juge peut surseoir à statuer dans l’attente d’une mesure de régularisation.

Le projet de loi comporte également de nouvelles dispositions en matière de référé-suspension. Ainsi, un recours dirigé contre l’une des décisions individuelles précitées ne pourra être accompagné d’un tel référé « que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort » ; autrement dit jusqu’à la date à laquelle il est impossible d’invoquer de nouveaux moyens. La condition d’urgence sera quant à elle présumée satisfaite et le juge disposera d’un délai d’un mois pour statuer. De plus, il convient de mentionner que la durée de validité de l’autorisation administrative et toutes celles nécessaires à la réalisation du projet sera « suspendue jusqu’à la notification au bénéficiaire de l’autorisation attaquée de la décision juridictionnelle irrévocable au fond ». Le projet de loi indique les modalités d’entrée en vigueur des dispositions en cause.

  • ICPE et IOTA

Les articles 16 et 17 portent sur la modification potentielle de certains régimes ICPE et IOTA spécifiques. En effet, l’article 16 concerne la possibilité pour le gouvernement de faire évoluer, par ordonnance, les règles juridiques applicables aux installations d’élevage de chiens (rubrique ICPE 2120) et plus particulièrement d’adapter les modalités « d’engagement de la responsabilité pénale en cas de dommages causés par les chiens de protection de troupeaux ». Quant à l’article 17, il prévoit la modification, par voie d’ordonnance également, des régimes ICPE relatifs aux sous-produits lainiers (rubrique ICPE 2780) et à l’aquaculture (rubrique ICPE 2130 et IOTA 3.2.7.0 notamment) par un allègement des contraintes et des obligations pesant sur ces installations.

 

  • Eau potable

Enfin, le projet de loi prévoit en son article 18 de nouvelles dispositions relatives aux compétences des collectivités territoriales en matière d’eau potable. Deux articles sont ainsi créés au sein du Code général des collectivités territoriales. L’objectif affiché est d’élargir la capacité d’intervention des départements et leur permettre ainsi « d’être associés à des projets en matière de production, transport et stockage d’eau destinée à la consommation humaine » (étude d’impact du projet de loi). Ainsi, les départements pourront désormais « recevoir un mandat conclu à titre gratuit, de maîtrise d’ouvrage en vue de la production, du transport et du stockage d’eau destinée à la consommation humaine ou en vue de l’approvisionnement en eau, au sens du 3° du I de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement, confié par l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent, sous réserve que celui-ci y soit expressément autorisé par ses statuts ». De plus, un syndicat mixte constitué exclusivement d’un ou plusieurs groupements de collectivités compétents en matière de production, de transport et de stockage d’eau destinée à la consommation humaine, et d’un ou plusieurs départements limitrophes pourra également assurer tout ou partie de ces compétences.

 

II. Projet de loi de simplification de la vie économique

Déposé au Sénat le 24 avril 2024, le projet de loi de simplification de la vie économique s’attache principalement à faciliter les démarches administratives des entreprises, « instaurer de la confiance entre administration et entreprises » ainsi qu’à « rationaliser » les normes applicables. Néanmoins, certains articles du projet de loi comportent des dispositions en lien avec le droit de l’environnement et qu’il convient d’examiner.

  • Simplification des démarches administratives

À titre liminaire, l’article 2 du projet de loi s’inscrit dans un objectif de simplification des démarches administratives qui incombent aux entreprises. Il habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transformation de certaines procédures d’autorisation « en simples déclarations » mais également de supprimer certaines déclarations. Si le projet d’article en lui-même est peu bavard sur les autorisations et déclarations ainsi concernées, l’étude d’impact apporte de subtiles précisions puisqu’elle indique « [qu’] une mission inter inspections va être lancée par le Gouvernement pour établir un état des lieux des procédures d’autorisation figurant dans les différents codes, et des déclarations obligatoires de niveau législatif » ; permettant ainsi de dresser la liste des autorisations et déclarations concernées par le présent article. Il sera alors nécessaire d’être vigilant quant aux types d’autorisations concernées et notamment vérifier que de telles décisions prises en matière environnementale sont ou non concernées.

  • Centres de données

En ce qui concerne l’encadrement des projets industriels et des infrastructures, l’article 15 du projet de loi vient modifier l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme relatif aux projets d’intérêt national majeur (PINM), introduit par la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, dite industrie verte.

En effet, il insère d’une part à l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme un I bis qui définit la notion de centre de données (« une installation ou un groupe d’installations servant à héberger, connecter et exploiter des systèmes et des serveurs informatiques et du matériel connexe pour le stockage, le traitement de données, la distribution des données, ainsi que pour les activités qui y sont directement liées ») et détermine dans quelle mesure une telle installation peut être qualifiée, par décret, de PINM « eu égard à son objet ou son envergure, notamment en termes d’investissement, une importance particulière pour la transition numérique, la transition écologique ou la souveraineté nationale ». D’autre part, il prévoit la création d’un XIII au sein du même article indiquant qu’un décret devra prévoir les conditions dans lesquelles la raison impérative d’intérêt public majeur pourra être reconnue par l’autorité administrative compétente à l’occasion de la délivrance de dérogation espèces protégées en application de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement

Notons que le projet de décret d’application de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte définissant les secteurs des technologies favorables au développement durable mentionnés à l’article L. 300-6 du Code de l’urbanisme, précisant les modalités de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur et modifiant diverses dispositions du Code de l’urbanisme, mis en consultation publique du 11 mars 2024 au 1er avril 2024, prévoit en son article 2 les informations que le pétitionnaire doit fournir afin d’obtenir, par l’autorité compétente de l’État et pour un projet d’intérêt national majeur, la reconnaissance « par anticipation qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales ou de fonge protégées et de leur habitat répond à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement ».

L’article 15 du projet de loi indique également que « les dispositions des articles 27 et 28 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération des énergies renouvelables applicables aux projets d’intérêt national majeur mentionnés au I de l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme [projet industriel qui revêt, eu égard à son objet et à son envergure, notamment en termes d’investissement et d’emploi, une importance particulière pour la transition écologique ou la souveraineté nationale et pouvant être qualifié par décret de PINM] sont également applicables aux projets d’intérêt national majeur mentionnés au I bis du même article [centres de données] ». Pour information, l’article 27 énonce des mesures dérogatoires pour certains projets de raccordement  au réseau public de transport d’électricité (concertation préalable en lieu et place des procédures de participation du public, dispense d’étude d’impact, autorisation de construction de postes électriques dans certains espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et dans les milieux identifiés comme nécessaires au maintien des équilibres biologiques…) ; tandis que l’article 28 prévoit la fixation d’un ordre de classement des demandes de raccordement au réseau de transport ou de distribution de projets énoncés à l’article 27, si l’ensemble des demandes « engendre, pour au moins un de ces projets, un délai de raccordement supérieur à cinq ans en raison de l’insuffisance de la capacité d’accueil prévisionnelle du réseau public de transport de l’électricité dans ce délai ».

  • Dérogations pour les installations de production d’énergie renouvelable en mer

Dans le cadre d’un marché concernant un projet d’installation de production d’énergie renouvelable en mer, l’article 16 dispose, à titre dérogatoire, que l’acheteur a la possibilité, sous certaines conditions, de ne pas allotir et que le sous-traitant direct de son titulaire peut « renoncer expressément au bénéfice du paiement direct »

  • Antennes de téléphonie mobile

L’article 17 du projet de loi entérine quant à lui la dérogation temporaire conférée par la loi n° 2018-1021 dite ELAN et prévoyant que les décisions d’autorisation en matière d’antennes de téléphonie mobile ne peuvent être retirées par l’autorité administrative compétente et ce, afin de « faciliter le déploiement des réseaux de communications électroniques ainsi que de renforcer la couverture numérique du territoire ». De plus, l’article énonce les informations à transmettre à l’autorité compétente, sous peine de nullité, en cas de contractualisation portant sur un emplacement « accueillant ou destiné à accueillir une infrastructure supportant des antennes d’émission ou de réception de signaux radioélectriques aux fins de fournir au public un service de communications électroniques ».

  • Mesures de compensation

En outre, la mise en œuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser » dite ERC est modifiée par l’article 18 du projet de loi. Plus particulièrement, le cadre applicable aux mesures de compensation évolue afin de permettre « un démarrage plus rapide des projets » puisque les mesures de compensation pourront désormais, selon l’étude d’impact, « être lancées à l’issue du début des travaux, dans un délai raisonnable ». De plus, le second alinéa du I de l’article L. 163-1 du Code de l’environnement est remplacé comme suit : les mesures de compensation « visent à éviter les pertes nettes de biodiversité pendant toute la durée des atteintes, ou, à défaut, à compenser les éventuelles pertes nettes intermédiaires dans un délai raisonnable, en visant à terme un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. » L’obligation de résultats est ainsi supprimée.

Enfin, le titre VIII du projet de loi porte diverses dispositions visant à « simplifier pour accélérer la transition énergétique et écologique de notre économie » et qu’il convient de mentionner

  • Droit minier

Ainsi, l’article 19 s’inscrit dans le cadre de la modernisation du droit minier. D’une part, ses dispositions visent à accélérer les procédures d’attribution ou de refus de permis exclusifs de recherche des mines. La possibilité de prolongation du permis exclusif de recherche au-delà de la durée maximale de quinze ans, en cas de circonstances exceptionnelles et déjà octroyée pour les hydrocarbures, est étendue à toutes les autres substances de mines. Elle vaut pour trois ans supplémentaires au maximum. L’article 19 introduit aussi dans le Code minier des dispositions visant à « transformer et céder des puits d’hydrocarbures liquides ou gazeux en vue d’un nouvel usage, à savoir le stockage souterrain de CO2 » (étude d’impact). De plus, en ce qui concerne la recherche minière en Guyane, une autorisation unique devrait voir le jour en intégrant, après consultation de l’ONF par le service instructeur, les conditions d’occupation temporaire du domaine privé et public de l’Etat au sein de l’autorisation préfectorale d’exploration et d’exploitation minière.

  • Énergies renouvelables et règles d’urbanisme

En matière d’énergies renouvelables et de pompes à chaleur, leur déploiement est facilité sur le territoire national par la création, à l’article 20 du projet de loi, d’un régime dérogatoire au plan local d’urbanisme en ce qui concerne les règles d’emprise au sol, de hauteur, d’implantation et d’aspect extérieur.

  • Bilan carbone pour le soutien au biogaz

Notons pour finir l’abrogation de l’article L. 446-1 du Code de l’énergie qui prévoyait « l’obligation de réaliser un bilan carbone pour le soutien au biogaz dans le cadre des procédures de mise en concurrence, introduite en 2019 » (article 21). L’étude d’impact du projet de loi justifie ce choix par la « redondance » de cette obligation, avec celles « relatives à la durabilité et aux exigences de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) du biométhane ».

 

Projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture

Projet de loi de simplification de la vie économique

Proposition de loi pour un choc de la compétitivité en faveur de la ferme France