Funéraire
le 15/02/2024

Récupération des métaux issus de la crémation : le Conseil Constitutionnel déclare le dispositif issu de la loi 3DS conforme à la Constitution sur la procédure de sursis à statuer de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et sur la portée de la préservation du patrimoine naturel et culturel montagnard

Décision n° 2023-1075 QPC du 18 janvier 2024

Par une décision en date du 18 janvier 2024, le Conseil Constitutionnel a, en réponse à une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société Europe Métal, considéré que l’article L. 2223-18-1-1 du Code Général des Collectivités territoriales relatif à la récupération des métaux issus de la crémation était conforme à la Constitution.

Pour mémoire et ainsi que nous le commentions dans notre précédente Lettre d’actualités juridiques, la société requérante soutenait dans sa QPC que ces dispositions méconnaissaient, d’une part, le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation ainsi que, d’autre part, le droit de propriété, tous deux garantis par la Constitution. C’est ainsi de manière sous-jacente à la question de la qualification de ces métaux (assimilables ou non à des éléments du corps humain) ainsi que le cas échéant, à celle des droits de patrimoniaux qui y sont attachés (pour les ayant droits ou les tiers) qu’il convenait ici de répondre.

Ainsi que cela ressort des débats tenus lors de l’audience du Conseil Constitutionnel du 9 janvier 2024 (disponibles ici), la société requérante établissait sur ce point son raisonnement en deux temps. A son sens, les métaux issus de la crémation, et à plus forte raison les résidus métalliques implantés dans le corps humain (prothèses par exemple), sont des éléments du corps humain, donc insusceptibles d’une quelconque valorisation patrimoniale sauf à contrevenir aux dispositions de l’article 16-1-1 du Code civil. Et dans l’hypothèse où ces éléments métalliques ne seraient pas considérés comme des éléments du corps humains, alors les droits patrimoniaux qui y sont attachés doivent exclusivement revenir aux ayant droits des défunts concernés (et non à des tiers tels que les gestionnaires de crématoriums). Canguilhem, intervenant au nom du Gouvernement, avait, dans sa plaidoirie, réfuté chacun de ces points après avoir rappelé que ce texte venait en réalité encadrer une pratique existante développée depuis près de 15 ans au sein des crématoriums ; et ce dans le but, non pas d’encourager, mais d’éviter la valorisation économique de ces éléments métalliques.

En substance, il considérait que ces derniers n’étaient pas assimilables à des éléments du corps humain devant bénéficier d’une protection au titre du principe de dignité issu des dispositions du Code civil. Et ce, que ce soit pour les bijoux et éléments issus du cercueil comme pour ceux intégrés au corps humain telles que les prothèses, devenus selon lui dissociables par l’effet de la mort.

Le représentant du Gouvernement à l’audience poursuivait en estimant que pour autant, les ayants droits ne pouvaient se prémunir d’aucun droit patrimonial sur ces éléments : parce qu’ils y auraient renoncé au moment de la réalisation des opérations funéraires concernant les bijoux et éléments du cercueil ou parce qu’ils échapperaient à l’actif successoral s’agissant des résidus métalliques issus des prothèses.

Fort de ces débats, le Conseil Constitutionnel rappelle, dans la décision ici commentée, que l’article 16-1-1 du Code civil prévoit l’application du principe de dignité aux restes des personnes décédés incluant seulement les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, cendres dont les métaux issus de la crémation sont distincts. Il en conclut qu’« en prévoyant en prévoyant que ces métaux ne sont pas assimilables aux cendres du défunt et en confiant au gestionnaire du crématorium leur récupération et leur cession en vue de leur traitement, les dispositions contestées ne portent pas atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ».

Il écarte également le grief tiré de la non-conformité au droit de propriété en considérant que ces dispositions poursuivent un objectif d’intérêt général de nature à justifier une atteinte à ce droit, à savoir l’encadrement de la récupération et les conditions de cession des métaux issus de la crémation en vue d’en assurer le traitement approprié. Atteinte qui selon le Conseil Constitutionnel est proportionnée à cet objectif dès lors que :

  • le dispositif n’a ni pour objet ni pour effet de les priver des droits qu’ils peuvent faire valoir sur ces biens en temps utile (à savoir, on le comprend, avant les opérations de crémation) en vertu de la loi successorale ;
  • les conditions de récupération des métaux en causes et les règles d’affectation du produit éventuel de leur cession figurent sur tout document contractuel prévoyant la crémation et sont affichées dans la partie du crématorium ouverte au public.