Contrats publics
le 19/05/2022

Recevabilité de conclusions à fin d’injonction en matière de responsabilité pour faute et sans faute pour dommages de travaux publics

CE, avis, 12 avril 2022, Société La Closerie, n° 458176)

Dans un avis n° 458176 du 12 avril 2022, le Conseil d’État définit les conditions de recevabilité de conclusions à fin d’injonction en matière de responsabilité pour faute et de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute.

En l’espèce, le Tribunal administratif de Pau, se fondant vraisemblablement sur une décision d’espèce du Conseil d’État du 27 janvier 2020[1] était convaincu qu’un requérant avait la possibilité, en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, de saisir le juge de conclusions à fin d’injonction, en l’absence de toute conclusion aux fins d’indemnité, pour qu’il enjoigne l’administration  de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets.

Se faisant, il a, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative, a adressé plusieurs questions au Conseil d’État dont notamment une question tendant à savoir si « la possibilité pour le juge administratif de mettre en œuvre ses pouvoirs d’injonction, en l’absence de toute conclusion aux fins d’indemnité, reconnue en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, [pouvait] être étendue en matière de responsabilité pour faute, notamment dans le cas de la carence fautive d’une personne publique à exercer ses pouvoirs de police ou de son refus de se conformer aux obligations qui lui sont fixées par voie législative ou réglementaire ? ».

Le Conseil d’État commence par rappeler que les principes classiques de la responsabilité pour faute des personnes publiques en énonçant que la « personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d’une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l’indemniser des conséquences dommageables de ce comportement ».

Il poursuit en énonçant expressément les conditions de recevabilité de conclusions à fin d’injonction présentées devant le juge administratif pour qu’il enjoigne à la personne publique de mettre un terme à son comportement fautif. Ainsi, la personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d’une personne publique « peut également, lorsqu’elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu’elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets ». Et, le Conseil d’État souligne notamment que « de telles conclusions à fin d’injonction ne peuvent être présentées qu’en complément de conclusions indemnitaires ».

Il résulte de cet avis que la recevabilité de conclusions à fin d’injonction tendant à ce qu’il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets est expressément subordonnée à la présentation de conclusions indemnitaires tendant la réparation du préjudice subi au titre du comportement fautif.

On soulignera également que de telles conclusions supposent également et fort logiquement d’établir la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu’elle lui cause puisqu’à défaut d’une telle persistance, les conclusions à fin d’injonction seraient sans objet faute d’un comportement à faire cesser.

Ensuite, corrigeant l’erreur d’interprétation commise par le Tribunal administratif de Pau quant aux conditions de recevabilité de conclusions à fin d’injonction en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute, le Conseil d’État énonce que « de la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d’une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu’il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu’en complément de conclusions indemnitaires ».

Ainsi, il découle de cet arrêt que la recevabilité de conclusions à fin d’injonction pour faire cesser la persistance d’un comportement fautif d’une personne publique ou les préjudices subis en matière de dommages d’ouvrages ou de travaux publics dans le cadre de la responsabilité sans faute est subordonnée à la présentation de conclusions indemnitaires.

 

[1] CE, 27 janvier 2020, Syndicat mixte d’assainissement du Val Notre-Dame, n° 427079.