Energie
le 31/08/2023
Thomas ROUVEYRAN
Laurine GYNOUVES

Rapport de la mission d’information du Sénat sur la « Transition écologique du bâti scolaire : mieux accompagner les élus locaux » du 28 juin 2023

Rapport d’information fait au nom de la mission d’information (1) sur « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique »

Face à la nécessaire, mais complexe, rénovation énergétique des bâtiments publics, une mission d’information sénatoriale a été constituée en février 2023. La rapporteure, Nadège Havet, a publié le 28 juin 2023 un rapport issu du travail de la mission intitulé « Transition écologique du bâti scolaire : mieux accompagner les élus locaux »[1].

Rappelons que l’Accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, fixe les obligations auxquelles sont soumis les Etats en matière de transition énergétique, laquelle passe notamment par l’amélioration de la performance énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Or, le rapport souligne le contexte spécifique de la rénovation des bâtiments scolaires, et donc de l’amélioration de la performance énergétique, par les collectivités territoriales. En effet, près de la moitié des bâtiments publics des collectivités territoriales sont des bâtiments scolaires qui présentent un « net retard en matière d’entretien » et qui sont « souvent mal – ou peu – isolés », faisant d’eux des « passoires thermiques ». La rénovation de ces bâtiments constitue donc un enjeu majeur, accentué depuis la crise liée à la hausse des coûts de l’énergie, chantier colossal face aux contraintes techniques, juridiques et financières.

S’il est difficile de chiffrer avec précision le coût total de la rénovation énergétique du bâti scolaire, l’ADEME estime que 100 milliards d’euros sont nécessaires pour que l’ensemble du parc des collectivités territoriales, dont les bâtiments scolaires, soit en conformité avec les objectifs du décret tertiaire[2].

Le rapport relève qu’il existe déjà un certain nombre de leviers, mais inégalement mobilisés par les collectivités, pour financer la transition énergétique. Les élus se sont largement saisis des différentes subventions et dotations apportées par l’Etat, telles que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et le Fonds vert. En revanche, tel n’est pas le cas de la solution de l’emprunt. En raison de la réticence des élus à recourir à l’endettement, l’emprunt est très peu utilisé pour financer les investissements liés à la rénovation énergétiques des bâtiments des collectivités. Or, la Banque des territoires, notamment, propose diverses offres de prêt à des conditions spécifiques pour les collectivités territoriales[3].

Le rapport promeut également la mobilisation du dispositif expérimental adopté par une loi du 30 mars 2023[4] : le tiers financement. En vertu de ce dispositif, les collectivités territoriales peuvent faire appel à un tiers financeur pour initier leurs travaux par le biais d’un contrat de performance énergétique passé en marché public global de performance. Ce dispositif a pour avantage de déroger au droit de la commande publique en autorisant le paiement différé. Les collectivités doivent toutefois justifier de l’intérêt d’y recourir en réalisant une étude préalable de soutenabilité budgétaire. Pour autant, la mission d’information estime que « la mobilisation de cette nouvelle formule est un point de vigilance » et recommande d’effectuer dès la fin de l’année 2024 un premier bilan du recours au mécanisme du tiers financement par les collectivités territoriales.

Autre levier peu prisé des petites collectivités territoriales car complexe à mettre en œuvre sur le plan administratif : la valorisation des certificats d’économies d’énergie.

D’un point de vue juridique par ailleurs, comme le relevait déjà un précédent rapport commandé en 2020 par le gouvernement auprès de Monsieur Demarcq[5], il est difficile pour les collectivités tout à la fois de choisir le meilleur cadre contractuel permettant de réaliser les opérations en toute sécurité et en récoltant les bénéfices économiques et écologiques escomptés.

A cet égard, plusieurs modèles contractuels sont à la disposition des collectivités pour la rénovation énergétique des écoles. En premier lieu, le marché public par lequel la collectivité assure elle-même le financement des travaux et la coordination des prestataires est le plus couramment utilisé par les collectivités, même s’il impose un allotissement. En deuxième lieu, les marchés globaux de performance présentent l’avantage de responsabiliser le titulaire du marché sur les économies d’énergie à réaliser et de déroger à l’obligation d’allotir. Cependant, certaines personnes publiques le jugent trop complexe. En troisième lieu, dans le cadre du marché de partenariat, le titulaire finance lui-même les travaux tandis que la personne publique le rembourse à compter de la réception des travaux, sous la forme d’une redevance payée en une fois ou sur une certaine durée. C’est un contrat complexe et très encadré. En effet, la personne publique doit prouver que le marché répond à un motif d’intérêt général et réaliser plusieurs études préalables, dont une étude de soutenabilité budgétaire. Si ce modèle contractuel génère des surcoûts potentiels, il présente l’avantage de réduire l’effort budgétaire annuel en lissant le coût de l’investissement sur une longue période. Le rapport préconise de réserver l’usage de ce modèle aux opérations de grande ampleur, comme une rénovation de plusieurs écoles dans un même contrat.

Enfin, le modèle du tiers-financement va constituer un contrat dont les collectivités territoriales vont devoir se saisir pour rénover leurs bâtiments scolaires.

Au-delà de cette pluralité de moyens à la disposition des collectivités territoriales pour rénover le bâti scolaire, la mission d’information est convaincue de la « nécessité d’une stratégie coordonnée pour créer une véritable dynamique en matière de rénovation » et de simplifier l’accès des collectivités territoriales à l’information et à l’ingénierie.

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[1] Rapport enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

[2] Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire

[3] Voir le plan EduRénov de la Banque des Territoires qui a porté une contribution de 50 millions d’euros au programme Actee Plus porté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR).

[4] Loi n° 2023-22 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique

[5] Rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires remis par François Demarcq le 26 février 2020, https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/275695.pdf