Energie
le 05/10/2023

Rapport de la Commission de Régulation de l’Energie sur le pilotage des bâtiments tertiaires : recommandations pour réduire et moduler leur consommation énergétique

La CRE publie son rapport, co-piloté avec Schneider Electric France, sur le pilotage énergétique des bâtiments tertiaires.

Face au besoin urgent de sobriété et d’efficacité énergétique, une mission flash a été constituée en janvier 2023 par la Commission de régulation de l’énergie sur le pilotage énergétique des bâtiments tertiaires. Co-piloté par Schneider Electric, un rapport intitulé « le pilotage du bâtiment : une flexibilité nécessaire pour accompagner le système électrique de demain » a ainsi été publié le 11 septembre 2023 par la Commission de régulation de l’énergie.

Véritable levier d’efficacité énergétique et de flexibilité électrique, le pilotage correspond aux différents moyens mis en œuvre :

  • d’une part pour réduire la consommation énergétique d’un bâtiment, améliorer ses performances et son efficacité énergétique (pilotage interne des usages du bâtiment) ;
  • et d’autre part, pour moduler sa consommation énergétique, notamment en cas de demande formulée en ce sens par un fournisseur d’énergie ou d’un agrégateur, en réponse à un signal tarifaire, du gestionnaire de réseau de distribution, en cas de contraintes sur le réseau, ou à la demande du gestionnaire de réseau de transport, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande nationale (pilotage externe ou flexibilité du bâtiment).

Si un cadre réglementaire pour le déploiement des solutions de pilotage est déjà posé (notamment avec le décret « tertiaire » [1], le décret « BACS »[2], la RE2020[3], la mise en place de normes et labels, etc.), celui-ci semble insuffisamment diffusé dans la culture dans l’ensemble de la filière.

En effet, le rapport relève que :

  • d’une part, seulement 6 % des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 sont équipés d’un système de pilotage de l’énergie ;
  • d’autre part, les bâtiments qui en sont équipés n’exploitent pas totalement le potentiel de ces systèmes.

Cela est d’autant plus regrettable que le déploiement de ces solutions de pilotage pourrait représenter jusqu’à 6 GW en période de pointe pour les bâtiments tertiaires. Or, l’essor des énergies renouvelables non pilotables et l’électrification des usages nécessitent non seulement des efforts de sobriété et d’efficacité énergétique mais un développement parallèle de moyens de flexibilité, pour ajuster en permanence production et consommation d’électricité.

Un certain nombre de recommandations a été établi pour parvenir à une amélioration effective de l’efficacité énergétique des bâtiments ainsi qu’une modulation de leurs consommations électriques.

En premier lieu, le rapport souligne qu’il est nécessaire d’assurer le déploiement des solutions de pilotage dans les bâtiments tertiaires, ce qui suppose la diffusion de la culture de la gestion de l’énergie dans l’ensemble de la filière. Cela implique de :

  • renforcer la communication et l’accompagnement de la filière sur le déploiement du décret « BACS », d’assurer le suivi de son exécution par la mise en place d’un tableau de bord dédié des bâtiments, et de sanctionner le cas échéant les manquements à l’installation et à l’utilisation de systèmes de pilotage imposés par le décret ;
  • identifier puis généraliser les bonnes pratiques au sein de la filière : il s’agit de réaliser un diagnostic détaillé avant de mettre en œuvre tout système de pilotage et de mettre en œuvre une démarche qualité s’étalant de la programmation à l’exploitation et permettant de s’assurer que le bâtiment atteigne et maintienne le niveau de performance contractuelle (autrement appelés le commissionnement et le recommissionnement) ;
  • renforcer les aides ciblées : pérennisation de la bonification des Certificats d’Économies d’Énergie, instauration d’aides au commissionnement ou recommissionnement réguliers des systèmes de pilotage, mise en place d’aides pour réaliser l’audit et la mise à niveau des BACS, ce qui aide le gestionnaire dans le choix de son système de BACS et permet d’intégrer des spécifications particulières du type BACS communicante et un système de mesure suffisamment fin (solutions dites « flex ready »).

En deuxième lieu, il est recommandé d’activer la flexibilité électrique des bâtiments tertiaires par l’amélioration des pratiques. Il s’agit de :

  • systématiser la gestion de la flexibilité dans les systèmes de pilotage, notamment pour préserver l’équilibre offre-demande du réseau électrique ;
  • paramétrer un mode « EcoWatt d’urgence », permettant d’activer un effacement drastique des consommations d’énergie pendant des plages horaires courtes ;
  • faire évoluer le cadre réglementaire de la gestion de la puissance dans les bâtiments tertiaires ;
  • développer des protocoles d’échanges de données amont/aval de la filière Energie et assurer l’interopérabilité des systèmes afin de permettre la création de services innovants exploitant des données nouvelles et diverses.

En troisième lieu, le rapport souligne la nécessité d’éclairer le choix de la flexibilité par sa valorisation économique dans les bâtiments tertiaires. Pour parvenir à cet objectif, il est notamment proposé de :

  • valoriser par des offres incitatives de fourniture de l’électricité la flexibilité énergétique structurelle du quotidien (à savoir, consommer chaque jour au bon moment) et engager une réflexion sur la disparition progressive des structures d’offres « de base » à prix unique ;
  • réfléchir d’une part à la possibilité pour un client de contractualiser auprès de plusieurs fournisseurs et, d’autre part, à l’optimisation des modalités d’application du TURPE par exemple en fonction de l’heure (creuse ou pleine) et de la saison ;
  • faire des bâtiments un acteur du système énergétique notamment en favorisant le développement de solutions de pilotage permettant de réaliser des effacements tournants, en accompagnant le développement du stockage d’énergie dans les bâtiments et en incitant à la rédaction de contrats bidirectionnels avec les fournisseurs d’énergie.

Dès lors que ce pilotage des consommations énergétiques des bâtiments pourrait avoir des implications significatives en termes d’économies d’énergie et de lissage de la courbe de charge, ce sujet très technique est néanmoins à fort potentiel pour le système électrique français.

 

[1] Décret n° 2019-771 du 2 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire ».

[2] Décret n° 2020-887 du 20 juillet 2020 relatif au système d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels et à la régulation automatique de la chaleur ; Décret n° 2023-259 du 7 avril 2023 relatif aux systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments tertiaires.

[3] Décret n° 2021-1004 du 29 juillet 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine, dit « RE2020 » pour « Règlementation Environnementale 2020 » et son arrêté du 4 août 2021 relatif aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine et portant approbation de la méthode de calcul prévue à l’article R. 172-6 du Code de la construction et de l’habitation.