Dans cette affaire, la Cour était saisie de la situation d’un agent placé en congé d’invalidité temporaire imputable au service depuis près de deux ans à la suite de la reconnaissance de l’imputabilité au service de son accident, qui refusait de se soumettre aux contrôles médicaux diligentés par son employeur.
Rappelons que, dans une telle situation, une visite de contrôle peut être diligentée par l’employeur en application des dispositions de l’article 37-10 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif à l’organisation des comités médicaux, aux conditions d’aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux. En 2015, le Conseil d’Etat, tout en rappelant qu’un agent en congé de maladie ne peut faire l’objet d’une mise en demeure pendant ses congés de maladie, avait admis que, dans l’hypothèse particulière où un agent se soustrait aux visites médicales statutaires, l’administration pouvait considérer que l’agent ne pouvait alors plus être régulièrement placé en congé de maladie. Son absence devenant de ce fait irrégulière, l’employeur peut mettre en demeure l’agent de reprendre ses fonctions, en l’informant du fait que son absence n’est plus régulière, et qu’à défaut de manifester une intention de renouer les liens avec le service, la radiation des cadres pourra être prononcée (CE, 11 décembre 2015, n° 375736).
En l’occurrence, l’agent avait été convoqué à plusieurs visites médicales au cours des deux ans, auxquelles il ne s’était pour la plupart pas rendu, contestant les compétences des différents médecins agréés désignés. Lors des deux expertises médicales où il s’est finalement rendu, le médecin n’a pas pu procéder à son examen en raison du refus de l’agent puis de l’oubli de son dossier médical.
La collectivité a, conformément à la jurisprudence précitée, adressé une mise en demeure à l’agent lui demandant de justifier de son absence à la dernière contre-visite médicale organisée et à défaut, de reprendre son poste le 3 septembre suivant, sous peine de faire l’objet d’une radiation des cadres pour abandon de poste.
L’agent n’a pas fourni de justificatif concernant son absence à la contre-visite médicale et s’est présenté le 3 septembre à son ancien service, mais sans reprendre effectivement ses anciennes fonctions ni se rendre à sa nouvelle affectation.
La Cour a donc considéré qu’en se soustrayant aux contre-visites médicales sans justifier de son absence, et en adoptant un comportement faisant obstacle à leur bon déroulement, ainsi qu’en se présentant sur son ancien lieu d’affectation sans avoir exercé aucune des fonctions, nouvelles comme anciennes, la collectivité pouvait considérer que l’agent n’avait exprimé aucune intention de reprendre son service, et donc que le lien avec le service avait été rompu du fait de l’intéressé, justifiant ainsi le bienfondé d’une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste.
L’arrêt montre donc la complexe analyse du comportement de l’agent nécessaire aux procédures d’abandon de poste. L’employeur ne peut se contenter d’une mise en demeure pendant un arrêt de maladie régulier ; elle doit d’abord constater l’irrégularité de la situation d’absence de l’agent du fait de son refus des contrôles médicaux, puis de mettre en demeure l’agent de reprendre ses fonctions, en l’informant de l’irrégularité de son absence, et du risque de radiation des cadres auquel il s’expose.
Il rappelle aussi implicitement qu’un agent qui refuse sa nouvelle affectation, tout en continuant d’exercer ses fonctions antérieures, ne peut être regardé comme abandonnant le lien avec le service (CAA Paris, 18 mai 2004, n° 03PA02709) : c’est seulement parce qu’en l’espèce, l’agent n’a repris aucune des fonctions, que la radiation pour abandon de poste a pu être prononcée régulièrement.
Il invite donc à une grande prudence dans la mise en œuvre de la procédure d’abandon de poste.