Energie
le 07/11/2024
Yann-Gaël NICOLAS
Élisa BRUNET

Publications des recommandations de la Commission de Régulation de l’Energie portant sur le cadre de régulation des infrastructures d’hydrogène et de dioxyde de carbone

CRE, Rapport sur le cadre de régulation des infrastructures d’hydrogène et de dioxyde de carbone

Saisie à l’automne 2023, la CRE a publié le 10 septembre 2024 un rapport portant d’une part, sur les infrastructures de transport, de distribution et de stockage d’hydrogène et d’autre part, sur les réseaux, les terminaux d’exportation et les stockages de carbone (Carbon Capture Utilisation and Storage, CCUS).

Ce rapport a vocation à identifier les enjeux techniques, économiques et juridiques pour proposer un ensemble de recommandations visant à structurer la régulation de ces deux filières émergentes et à encourager les investissements nécessaires pour atteindre la neutralité carbone.

Concernant la régulation des infrastructures d’hydrogène, ce document s’appuie sur les perspectives de déploiement prévues par la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France et s’inscrit dans le contexte du paquet « Hydrogène et gaz décarbonés », dit 4e paquet gaz, adopté par le Parlement européen et le Conseil, respectivement les 11 avril et 21 mai 2024, qui détaille des règles très semblables à celles appliquées au secteur gazier.

A ce titre, le développement de la filière hydrogène nécessite des infrastructures coûteuses et complexes et pourrait alors reposer, selon la CRE, sur des infrastructures capitalistiques et techniques proches de celles des réseaux gaziers qui permettent de réutiliser certains actifs existants.

Le rapport souligne que, malgré leur caractère émergent, les infrastructures hydrogène doivent s’inscrire dans un cadre régulatoire clair afin de créer un environnement stable et sécurisé pour les investisseurs.

A court terme, le développement des infrastructures d’hydrogène décarboné devrait être concentré autour de hubs industriels régionaux (Fos-sur-Mer, Dunkerque, Havre-Estuaire de la Seine et Vallée de la chimie) et à leur connexion aux infrastructures de stockage, de sorte que l’hydrogène sera principalement utilisé par les industriels (sidérurgie, chimie, raffinage) dont le profil de consommation est constant et recherchant une source d’approvisionnement proche.

Ce modèle de production au plus proche des consommateurs est soutenu par la CRE en raison du mix électrique français décarboné qui permet de produire à proximité de l’hydrogène bas-carbone, directement à partir du réseau, ainsi que par le fonctionnement modulaire des électrolyseurs qui ne permet pas de réaliser des économies d’échelles significatives, de sorte qu’il y a peu d’intérêt à concentrer la production sur de très grands sites plus éloignés.

Ainsi, l’écosystème hydrogène devrait se développer à court terme dans des hubs localisés, où les sites d’électrolyse pourront tirer parti d’une électricité bas-carbone pour alimenter les clients industriels à proximité. Cette alimentation nécessitera le développement de réseaux de transport locaux qui connecteront producteurs et consommateurs.

A long terme, dans le cadre du développement d’un réseau européen de transport d’hydrogène, le développement progressif d’infrastructures de transport nationales et européennes d’hydrogène entre les hubs pourra être approfondi.

Ainsi, le rapport examine les chaînes de valeur de l’hydrogène gris (fossile) et de l’hydrogène électrolytique (hydrogène renouvelable ou bas-carbone). La chaîne de valeur de l’hydrogène peut être décomposée en trois parties : l’amont (production et acheminement des matières premières), la production, et l’aval (transport/stockage et usage final). Aujourd’hui, l’hydrogène fossile représente encore la majorité de la consommation française, raison pour laquelle le développement de l’hydrogène décarboné est une priorité pour remplacer l’hydrogène issu d’hydrocarbures.

Par la suite, le rapport recommande :

  • d’accorder, pour les réseaux géographiquement limités – n’ayant pas d’interconnexion avec des pays limitrophes, avec un stockage ou un terminal d’importation –, au cas par cas des dérogations aux obligations de séparation verticale – autrement dit des activités de production, de transport, de stockage et de fourniture – en tenant compte de l’impact sur la concurrence et le développement de la filière ;
  • dans la mesure où des gestionnaires de réseau de gaz naturel vont développer des réseaux d’hydrogène, de mettre en œuvre une séparation horizontale en veillant à l’absence de subvention croisée entre les systèmes électriques, gaziers et hydrogène, et en promouvant un modèle de filialisation des activités avec la mise en place d’une comptabilité dissociée et de règles de gouvernance robustes ;
  • d’utiliser la compétence de la CRE pour fixer les tarifs d’utilisation des infrastructures d’hydrogène afin de donner de la visibilité sur le coût des infrastructures et de faciliter l’engagement des consommateurs industriels. Pour rappel, le paquet gaz impose, au plus tard au 1er janvier 2033, une obligation d’accès régulé des tiers aux réseaux d’hydrogène, sauf dérogations ;
  • de différencier les tarifs d’utilisation des infrastructures d’hydrogène par hub régional, et de proposer des tarifs fixes ou à évolution plafonnée pour les premiers entrants au sein de ces hubs, tout en prévoyant un tarif pour le réseau national (connexions avec les stockages, entre les hubs, avec les pays voisins…) ;
  • de confier au CoRDiS le pouvoir de règlement des différends entre les gestionnaires d’infrastructures d’hydrogène et leurs utilisateurs et le pouvoir de sanctionner les manquements des gestionnaires ;
  • de cibler le soutien public en priorité sur les utilisateurs et non sur l’infrastructure des hubs régionaux afin de s’appuyer sur l’expression des besoins des acteurs locaux pour assurer son dimensionnement optimal ;
  • de privilégier le dispositif de l’avance remboursable à la subvention s’agissant du soutien public alloué aux gestionnaires d’infrastructures nationales mutualisées (transport/stockage) ;
  • de prévoir la mise à disposition des gestionnaires de réseaux des outils physiques et contractuels au regard de leur responsabilité en matière d’équilibrage des réseaux et de sécurité d’approvisionnement, notamment par :
  • un mécanisme réglementaire permettant aux gestionnaires de réseau de modifier la production des électrolyseurs qui leur sont connectés à des fins d’équilibrage (la flexibilité de certains consommateurs industriels étant plus faible) ;
  • à moyen terme, lorsqu’un réseau sera connecté à un stockage, l’accès des gestionnaires de réseaux audit stockage pour bénéficier de sa flexibilité.

La CRE indique également que les stockages d’hydrogène en cavité saline pourraient être utilisés pour la sécurité d’approvisionnement – permettant aux gestionnaires de réseau de disposer d’une marge pour compenser l’impact d’une défaillance d’un producteur en soutirant l’hydrogène faisant défaut ou d’un consommateur en injectant l’hydrogène en excès – ou pour la flexibilité – les stockages permettant aux électrolyseurs de produire quand le prix de l’électricité est bas ou de s’effacer lors des pointes de consommation électrique.

En outre, la CRE met en avant la nécessité de nouvelles dispositions législatives pour élargir le champ de ses missions et y inclure la régulation des infrastructure hydrogène, ainsi que lui permettre de recueillir toutes les informations nécessaires auprès de ces gestionnaires d’infrastructures.