Par une décision en date du 29 janvier 2025, le Conseil d’Etat a précisé le champ de la protection fonctionnelle et a exclu de son périmètre, à cette occasion, les poursuites devant la Cour des comptes, au titre de la responsabilité financière des gestionnaires publics, telle qu’elle est désormais instituée dans le cadre de l’ordonnance du 23 mars 2022.
En l’espèce, par une note de service en date du 2 avril 2024 relative au nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics et à la protection fonctionnelle, la Secrétaire Générale du Gouvernement (SGG) rappelait aux secrétaires généraux et directeurs des affaires juridiques des ministères que le bénéfice de la protection fonctionnelle ne pouvait leur être accordé à l’occasion de poursuites engagées par la chambre du contentieux de la Cour des comptes. La SGG indiquait, à cet effet, que cette juridiction ne relève d’aucune des catégories pour lesquelles la protection fonctionnelle est légalement instituée et que ces poursuites ne sont pas davantage couvertes par le principe général du droit à une telle protection.
A l’appui de leur demande, les requérants ont tout d’abord soulevé une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur la méconnaissance du principe d’égalité, rejetée d’un trait de plume par le Conseil d’Etat faute de caractère nouveau et sérieux. Aucune différence de traitement injustifiée entre les salariés de droit privé et les agents de droit public ne saurait être retenue, puisqu’aucune disposition législative n’impose à un employeur d’assurer une protection au salarié poursuivi devant la Cour des comptes.
Sur le fond, les requérants invoquaient ensuite la méconnaissance, d’une part, du champ et de la portée des dispositions législatives instituant la protection fonctionnelle et, d’autre part, du principe général du droit à cette protection.
Le Conseil d’Etat a confirmé l’interprétation de la Secrétaire Générale du Gouvernement.
Après avoir rappelé que les amendes infligées par la Cour des comptes n’avaient pas le caractère de sanction pénale et n’étaient, dès lors, pas de nature à ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle sur le fondement des dispositions législatives, le Conseil d’Etat a précisé que « lorsqu’un agent public est mis en cause devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes dans le cadre du régime de responsabilité des gestionnaires publics prévu aux articles L. 131-1 et suivants du Code des juridictions financières, s’il est toujours loisible à l’administration de lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense, ce principe n’impose pas à la collectivité publique de lui accorder une protection ».
Le Conseil d’Etat balaya enfin le moyen tenant à la méconnaissance du droit à un procès équitable, la note litigieuse ne faisant nullement obstacle à ce que les agents poursuivis se fassent représenter par un avocat dans le cadre de cette procédure.
Si la jurisprudence s’est montrée, ces dernières années, plutôt favorable à un élargissement du champ matériel de la protection fonctionnelle, le Conseil d’Etat pose donc aujourd’hui une limite.
Il exclut ainsi le régime de responsabilité financière des gestionnaires publics du champ de cette protection, quand certaines juridictions étaient enclines à l’y intégrer. Le Tribunal administratif de Paris, dans un jugement du 14 mars 2024, avait par exemple suspendu un refus d’octroi de la protection fonctionnelle dans ce cas, estimant que le moyen tenant à la méconnaissance du champ d’application du principe général du droit à cette protection était de nature à créer un doute sérieux.