Energie
le 04/12/2025
Yann-Gaël NICOLAS
Julia MOURIER

Projet de loi DADUE : une transposition du « paquet gaz » permettant la mise en place d’un véritable cadre pour le marché intérieur de l’hydrogène

Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, d’information, de transport, de santé, d’agriculture et de pêche

Afin d’articuler les exigences communautaires nouvelles avec les dispositifs nationaux existants, le projet de loi présenté au conseil des ministre le 10 novembre dernier et portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, d’information, de transport, de santé, d’agriculture et de pêche, vient proposer des adaptations législatives dans le domaine de l’énergie notamment afin de permettre la mise en place d’un véritable cadre pour le marché intérieur de l’hydrogène.

Plus précisément, l’article 38 du projet de loi comporte des dispositions destinées d’une part à transposer la directive (UE) 2024/1788 concernant les règles communes pour les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène, les Etats devant s’y conformer au plus tard le 5 août 2026, et d’autre part, à mettre en œuvre le règlement (UE) 2024-1789 du 13 juin 2024 sur les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène, et d’autre part, de transposer la directive (UE) 2024/1788 concernant les règles communes pour les marchés intérieurs du gaz renouvelable, du gaz naturel et de l’hydrogène.

Pour rappel, ce quatrième « paquet gaz », met en place un cadre commun pour favoriser le développement d’un marché intérieur de l’hydrogène, et notamment pour les terminaux et les infrastructures de transports et de stockage d’hydrogène, ainsi que pour donner de la visibilité aux porteurs de projets du secteur. Il encourage le développement du gaz d’origine renouvelable et organise la diminution anticipée du recours au gaz naturel fossile, le tout dans une ambition de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030.

Afin d’encadrer le marché de l’hydrogène, il ressort de l’étude d’impact[1] que le projet de loi est ainsi venu reprendre les principes de séparation « verticale » des activités de transport et de production ou de fourniture, de séparation « horizontale » entre les activités de transport d’hydrogène et de transport de gaz ou d’électricité, ainsi que concernant la garantie d’un droit d’accès transparent et non discriminatoire des utilisateurs du réseau par les exploitants des réseaux de transport d’hydrogène.

Le marché de l’hydrogène étant naissant, le projet de loi retient la mise en place des trois modèles de dégroupage vertical (séparation totale des activités de production et de transport, filialisation des activités de production et de transport sous réserve de la mise en œuvre d’une « muraille de Chine », ou producteur propriétaire du réseau de transport mais qui en confie totalement la gestion à un tiers). Il autorise cependant, sur validation de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), des dérogations pour les réseaux existants – y compris aux obligations d’accès des tiers au réseau pour ces derniers – et pour les réseaux géographiquement limités.

Concernant le dégroupage horizontal, le projet de loi met en place à l’article L. 111-90-1 du Code de l’énergie une séparation comptable et juridique entre les activités de transport d’hydrogène et de gaz ou d’électricité tout en indiquant que la CRE pourra octroyer des dérogations, pendant la montée en puissance du marché hydrogène, afin de favoriser des synergies à trouver par la mutualisation des moyens humains au sein d’une structure qui serait par exemple active en gaz et en hydrogène.

A ce titre, les gestionnaires d’infrastructures d’hydrogène devront également tenir compte de l’impossibilité de recourir à des financements croisés depuis d’autres secteurs pour financer leurs infrastructures dont le financement sera dès lors supporté par les utilisateurs à travers un coût du transport d’hydrogène plus élevé afin de refléter les coûts réels du secteur.

Si le Gouvernement n’a pas souhaité transposer la notion de réseau de distribution d’hydrogène (intermédiaire entre le transporteur et le consommateur final), dès lors qu’à ce stade, l’hydrogène a vocation à alimenter un nombre réduit de consommateurs de nature industrielle, le Conseil d’Etat retient dans son avis que ce choix est compatible avec les objectifs de la directive.

En effet, à la différence des réseaux de distribution, un réseau de transport d’hydrogène peut être connecté à tout autre élément de réseau (stockage, terminaux d’importation ou interconnectés à d’autres Etats membres) et alimenter des utilisateurs en hydrogène qui ne seront, au regard du cadre proposé, que des installations industrielles, des producteurs ou des stations de de distribution et non des utilisateurs individuels ou des ménages – ce qui a d’ailleurs, selon l’étude d’impact, exclu la consécration de tout service public de l’hydrogène.

Ainsi, l’article 38 du projet de loi est venu insérer à l’article L. 111-2 du Code de l’énergie la notion de gestionnaire de réseaux de transport, sans créer à ce stade de réseaux de distribution. L’acheminement de l’hydrogène est ainsi confié à ces gestionnaires qui permettront l’approvisionnement direct des clients finals par les réseaux de transport.

L’article 38 du projet de loi transpose également à l’article L. 834-1 du Code de l’énergie la procédure d’autorisation pour la construction et l’exploitation des canalisations de transport d’hydrogène, en opérant un renvoi aux dispositions du Chapitre V du Titre V du Livre V du Code de l’environnement applicables aux canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d’hydrocarbures et de produits chimiques.

Seront donc soumises à autorisation, en vertu des articles L. 555-1 et L. 554-5 du Code de l’environnement, la construction et l’exploitation de celles des canalisations de transport qui présentent des risques ou inconvénients notables pour la commodité du voisinage, la santé, la sécurité et la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

Par ailleurs, afin d’anticiper le changement d’usage des réseaux de gaz naturel qui seraient à l’avenir consacrés à l’hydrogène, l’article 38 du projet de loi permet d’intégrer un nouvel article L. 555-15-1 dans le Code de l’environnement, qui prévoit le transfert de l’autorisation d’exploitation de la canalisation, en l’assortissant de contrôles administratifs propres à assurer la sécurité technique du nouvel usage et à en prévenir les risques (études, contrôles, essais pour justifier de la compatibilité de l’hydrogène à l’ouvrage existant).

S’agissant de la fourniture d’hydrogène, l’article 38 du projet de loi est venu préciser cette notion par l’insertion d’un nouvel article L. 851-1-1 du Code de l’énergie : « est considérée comme un fournisseur d’hydrogène au sens du présent code, toute personne physique ou morale qui vend ou revend à des clients de l’hydrogène ».

Précisons que contrairement aux secteurs du gaz naturel et de l’électricité, le projet de loi ne prévoit à ce stade pas d’obligation pour les fournisseurs d’être titulaires d’une autorisation de fourniture d’hydrogène – autorisation qui permet notamment en matière de gaz et d’électricité de s’assurer de la capacité des fournisseurs à assurer leur mission, notamment vis-à-vis des utilisateurs en précarité énergétique. En effet, selon l’étude d’impact, la nature industrielle des consommateurs justifierait une contractualisation directe avec le producteur qui aurait la confiance de l’industriel pour la fourniture.

C’est ainsi que le nouvel article L. 851-1-2 du Code de l’énergie prévoit que tout client grossiste ou qui consomme de l’hydrogène qu’il achète a le droit de choisir son fournisseur d’hydrogène et d’avoir plus d’un contrat de fourniture d’hydrogène à la fois.

Le projet de loi vise enfin à intégrer un article L. 321-6-5 au Code de l’énergie, qui confie à la CRE un nouveau bloc de compétence, celui de régulateur du marché de l’hydrogène : elle aura ainsi pour mission de certifier les gestionnaires de réseau de transport d’hydrogène, de fixer les tarifs d’accès à ces réseaux de transport et aux stockages d’hydrogène, ainsi que d’approuver les investissements des gestionnaires de réseaux. En matière de tarification, le projet autorise la mise en place d’une méthodologie – qui doit être validée par la CRE – qui répartit les revenus, dus via le tarif d’utilisation d’une infrastructure de transport d’hydrogène, sur plusieurs années afin de ne pas faire peser le coût d’une infrastructure sur les premiers utilisateurs.

Elle pourra également, sur le fondement du nouvel article L. 832-2 du Code de l’énergie, imposer au gestionnaire de réseau de transport d’hydrogène de garantir une qualité stable de l’hydrogène dans son réseau conformément aux normes de qualité de l’hydrogène applicable.

En vertu du nouvel article L. 832-1 du Code de l’énergie, elle examinera et imposera le cas échéant des modifications au plan décennal de développement qui doit être élaboré tous les deux ans par les gestionnaires des réseaux de transport d’hydrogène et qui doit être fondé sur l’offre et la demande existantes, sur les prévisions d’injection d’hydrogène sur le territoire national ainsi que sur les prévisions raisonnables à moyen terme de développement des infrastructures d’hydrogène, de consommation d’hydrogène et des échanges internationaux.

Ce projet de loi qui devrait faire l’objet d’un examen parlementaire au « printemps 2026 », selon la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), s’inscrit donc dans la poursuite de la transition vers une énergie propre tout en assurant la sécurité de l’approvisionnement et la protection des consommateurs.

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[1] Etude d’impact, Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, d’information, de transport, de santé, d’agriculture et de pêche, 7 novembre 2025.