Energie
le 05/10/2023

Préparation de mesures tendant à la sécurisation de l’approvisionnement énergétique en prévision de l’hiver

Délibération n° 2023-288 du 14 septembre 2023 portant avis sur le projet de décret relatif aux mesures exceptionnelles de maîtrise de la consommation de gaz naturel des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel

Délibération n° 2023-287 du 14 septembre, portant avis sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l’interruptibilité de la consommation de gaz naturel

A l’approche de la période hivernale, trois délibérations de la Commission de Régulation de l’Energie (ci-après, CRE) du 14 septembre 2023 se prononcent sur des projets de textes qui réactivent ou complètent le cadre juridique applicable en cas de nécessité de faire face à des menaces sur la sécurité de l’approvisionnement en gaz ou de tension sur le système électrique.

D’abord, une première délibération n° 2023-288 du 14 septembre 2023 portant avis sur le projet de décret relatif aux mesures exceptionnelles de maîtrise de la consommation de gaz naturel des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel se prononce sur un projet de décret soumis par le Gouvernement en application de l’article L. 143-6-1 du Code de l’énergie. Cet article, issu de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dite loi « MUPPA » a introduit un dispositif permettant :

  • En cas de menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel au niveau local, national ou européen, d’ordonner à des exploitants d’installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel de restreindre ou de suspendre l’activité de leurs installations ;
  • Et si, à la menace grave sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, de réquisitionner les services chargés de l’exploitation de certaines de ces installations afin qu’elles fonctionnent uniquement selon les directives et sous le contrôle de l’opérateur qu’il désigne.

Il résulte du projet de décret soumis par le Gouvernement que :

  • ce sont les installations d’une puissance supérieur à 20 MW qui seront susceptibles de faire l’objet de restrictions ;
  • la détermination des installations qui seront soumises à restriction ou suspension de leur fonctionnement en cas de menace sur l’approvisionnement en gaz naturel sera faite sur la base de la prise en compte des critères suivants :

1) la gravité de la menace sur la sécurité d’approvisionnement ;

2) le type d’installation, en restreignant ou suspendant en priorité les sites qui ne produisent pas en cogénération de l’électricité ou de la chaleur ;

3) les contraintes techniques des installations qui seraient incompatibles avec une réduction de leur consommation de gaz naturel ;

4) l’ordre de préséance économique, en se basant sur les estimations du GRT d’électricité pour restreindre ou suspendre en priorité les installations dont le coût de production de l’électricité est le plus élevé ;

5) des prérequis minimaux de puissance permettant de ne pas remettre en cause la sécurité d’approvisionnement en électricité, la sûreté et la sécurité de l’exploitation du réseau électrique.

  • en cas de menace sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité, il peut être dérogé aux mesures de restriction ou de suspension du fonctionnement des installations.

La CRE indique accueillir favorablement ce projet « qui contribue à anticiper et à résorber de potentielles menaces » mais émet néanmoins des réserves sur les points suivants :

  • Selon la CRE, il est nécessaire que les capacités techniques du réseau de gaz soient prises en compte dans la sélection des installations de production d’électricité à partir de gaz qui seront visées par les mesures de restriction ou de suspension de leur fonctionnement, afin de tirer le meilleur bénéfice de ces mesures et d’éviter tout effet négatif sur le fonctionnement du réseau de gaz ;
  • De plus, toujours selon la CRE, le critère de préséance économique est de second ordre par rapport aux autres critères prévus par le projet d’arrêté de sorte qu’il pourrait n’être pris en compte que dans les situations où la prise en compte des autres critères ne suffirait pas à départager les installations soumises à restriction ou suspension ;
  • Enfin, la CRE est défavorable à ce que le décret prévoie qu’elle rende un avis en cas de sanction pour dépassement des consommations maximales, dans la mesure où celui-ci ajouterait de la complexité à la procédure d’instruction.

Ensuite, par une deuxième délibération n° 2023-287 du 14 septembre, la CRE se prononce sur un projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l’interruptible de la consommation de gaz naturel.

Pour mémoire, les articles L. 431-6-2 et L. 431-6-3 du Code de l’énergie prévoient deux dispositifs qui permettent aux gestionnaires de réseaux d’interrompre la consommation de certains consommateurs finals agréés lorsque le fonctionnement du réseau de gaz naturel est menacé de manière grave et afin de sauvegarder l’alimentation des consommateurs protégés :

  • une interruptibilité « garantie », rémunérée, s’adressant aux consommateurs raccordés aux réseaux de transport et de distribution et organisée par le biais d’un appel d’offres sélectionnant les consommateurs éligibles ;
  • une interruptibilité « secondaire », non rémunérée, déclinée à la fois sur le réseau de transport et le réseau de distribution.

En 2022, dans un contexte de tension sur la sécurité d’approvisionnement, un appel d’offres a été organisé pour contractualiser 150 GWh/jour de capacités interruptibles de la consommation de gaz naturel. L’appel d’offres a cependant été déclaré infructueux. Le projet d’arrêté a pour objet de prendre en compte ce retour d’expérience en modifiant certaines modalités opérationnelles du dispositif d’interruptibilité garantie.

En particulier, le projet d’arrêté fait évoluer les modalités de transmission des programmes de consommation d’un lieu de consommation pour une semaine civile, ce que la CRE estime de nature à répondre « aux difficultés mises en avant en 2022 par les consommateurs concernés quant à la complexité administrative et opérationnelle du mécanisme ». Au total, la CRE accueille favorablement le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 17 décembre 2019 relatif à l’interruptibilité de la consommation de gaz naturel, qui selon elle « améliore l’attractivité du dispositif et devrait faciliter la mise en œuvre du dispositif l’hiver prochain et ainsi contribuer à protéger les consommateurs d’une mise en œuvre des mécanismes de dernier recours ».

Enfin, une troisième délibération n° 2023-285 du 14 septembre 2023 se prononce sur un projet de décret relatif aux mesures d’urgence définies en application des articles L. 321-17-1 et L. 321-17-2 du Code de l’énergie.

Ce projet de décret a pour objet de pérenniser, sans limitation de durée, le dispositif prévoyant une obligation de mise à disposition du gestionnaire du réseau de transport d’électricité de la totalité de la puissance non utilisée et techniquement disponible des moyens de production en période de tension sur le réseau électrique prévu par l’article L. 321-17-2 du Code de l’énergie. En effet, l’application de ce dispositif n’était prévue que pour l’hiver 2022-2023 par le décret e décret n° 2022-1539 du 8 décembre 2022. Or, comme le souligne la CRE, il s’agit de faire preuve de prudence, même si jusqu’à présent le mécanisme n’a pas eu à être déclenché :

« Les conditions de sécurité d’approvisionnement en électricité de l’hiver passé ayant été meilleures qu’initialement envisagé, du fait notamment de conditions météorologiques clémentes, des efforts de sobriété réalisés à l’échelle nationale et d’une disponibilité de la production nucléaire meilleure qu’attendue, la CRE note qu’aucune journée n’a nécessité l’application des modalités du décret du 8 décembre 2022 au cours de l’hiver passé, RTE n’ayant émis aucun signal « EcoWatt rouge » au cours de la période.

La CRE considère cependant qu’il serait prématuré de considérer comme entièrement levés les risques de sécurité d’approvisionnement pesant sur le système électrique français. La CRE est donc favorable à l’extension temporelle des mesures introduites par le décret du 8 décembre 2022, en application de l’article L. 321-17-2. Au cours des hivers à venir, cette extension permettra de mettre l’ensemble des moyens techniquement disponibles à disposition de RTE, dans l’hypothèse de journées particulièrement tendues pour le réseau (signal EcoWatt rouge). La CRE est donc favorable aux mesures présentées dans le projet de décret transmis par la Direction Générale de l’Energie et du Climat ».

La CRE émet donc un avis favorable sur le projet de texte.