Urbanisme, aménagement et foncier
le 09/04/2025

Préemption – Prise en compte de l’état dégradé des parties communes dans le prix d’acquisition d’un lot de copropriété objet d’une préemption, y compris, si cet état est imputable à la création d’une zone d’aménagement différé (ZAD) conduisant, de facto, à l’arrêt des travaux de rénovation et d’entretien

Cass. Civ., 3ème, 3 avril 2025, n° 23-23.206

Le propriétaire d’un lot dans un immeuble en copropriété se trouvant dans le périmètre d’une zone d’aménagement différé (ZAD) a adressé une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) à la commune de Menton. L’établissement public foncier local a exercé son droit de préemption délégué sur ce lot à un prix inférieur à celui figurant dans la DIA. Et, à défaut d’accord, l’autorité préemptrice a saisi la juridiction de l’expropriation en fixation du prix d’acquisition.

Le point de désaccord entre les parties concerne la prise en compte ou non de l’état dégradé de l’immeuble et, notamment, des parties communes alors qu’il est acquis que cet état est la conséquence de la création de la ZAD en vue de la constitution d’une réserve foncière et de l’acquisition, à ce titre, de lots de copropriété par l’expropriant conduisant, ainsi, à l’arrêt de tous travaux de rénovation et d’entretien.

Par un arrêt en date du 3 avril 2025 (pourvoi n° 23-23.206), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation pose, au visa des articles L. 213-4 du Code de l’urbanisme et L. 322-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qu’en matière de droit de préemption, le prix du bien est fixé d’après la consistance du bien au jour du jugement de première instance. Elle ajoute, surtout, que s’agissant d’un bien situé dans un immeuble en copropriété, le juge de l’expropriation doit tenir compte de l’état des parties privatives et des parties communes, même si la dégradation de ces dernières résulte de l’arrêt de tous travaux de rénovation et d’entretien après la création d’une zone d’aménagement différé (ZAD) et nonobstant le fait que le mauvais état du bien n’est pas imputable à la carence de l’exproprié.

Par cette décision, la Cour de cassation invite donc le juge de l’expropriation à retenir une approche purement objective de la consistance matérielle du bien à évaluer, qu’importe que le mauvais état du bien soit imputable à la mise en œuvre de la procédure d’expropriation ayant présidé à la création de la réserve foncière.

Pour autant, à notre sens, il ne faut pas y lire la permission pour l’expropriant de s’adonner à des manœuvres visant à dégrader la copropriété pour obtenir un prix d’acquisition minoré. De même, l’arrêt ne précise pas quelle aurait été la conduite à tenir pour le juge de l’expropriation si le mauvais état du bien avait été la conséquence de l’action ou de l’inaction du titulaire du droit de préemption ou encore d’une collusion de ce dernier avec l’expropriant.