Fonction publique
le 09/04/2025

Précisions sur les limites du droit de retrait

CE, 21 mars 2025, n° 470052

L’exercice du droit de retrait par un agent présente toujours d’importantes difficultés juridiques. Rappelons que sa logique est de mettre un agent en mesure de se retirer rapidement et unilatéralement d’une situation dangereuse, et éviter qu’une réaction trop tardive de l’employeur n’aboutisse à la réalisation du risque. À ce dispositif exceptionnel, qui a pour effet d’exonérer l’agent de tout service fait tant que le risque n’a pu être écarté, s’attache donc des conditions rigoureuses.

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, l’exercice du droit de retrait est subordonné à l’existence d’un « motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Lorsque qu’une telle situation semble se manifester, « il lui appartient, avant d’exercer son droit de retrait, d’alerter l’autorité administrative ».

C’est alors à l’administration de déterminer si un tel motif existait bien, et le cas échéant prendre les mesures nécessaires pour que la situation de travail ne laisse persister aucun danger de ce type. Dans le cas contraire, elle peut regarder l’exercice du droit de retrait comme abusif, et procéder à une retenue sur salaire, voire infliger à l’agent une sanction.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat, s’est surtout prononcé sur l’articulation de ces règles avec la question des aménagements de poste prescrits par la médecine de prévention, et y apporte une réponse nuancée.

D’une part, il retient que, s’agissant d’une première partie de la période qui avait fait l’objet du retrait de l’agent, un motif raisonnable existait bien puisqu’en l’occurrence, aucun aménagement de poste significatif n’avait été apporté pour rendre les conditions de travail adaptées à la pathologie de l’agent, et il s’agissait bien là d’un motif raisonnable, pour l’intéressé, de craindre un danger grave et imminent.

D’autre part, en revanche, il retient que, sur une seconde période, l’essentiel des aménagements de poste prescrits par le médecin de prévention avait bien été mis en place par l’administration. Par conséquent, le Conseil d’Etat valide le raisonnement de la Cour administrative d’appel, qui avait estimé que « ces aménagements, quand bien même ils ne mettaient pas en œuvre l’intégralité des propositions du médecin de prévention, étaient de nature à faire cesser la situation de danger grave et imminent ayant motivé l’exercice par l’agent de son droit de retrait ».

L’analyse du Conseil d’Etat est donc simple et claire : l’absence d’aménagement, ou du moins d’une partie importante des aménagements de poste préconisés pourra justifier un droit de retrait. Pour autant, ce dispositif, très dérogatoire, ne peut justifier qu’un agent reste éloigné de son poste tant que l’intégralité des aménagements n’a pas été mise en place. La situation reste, certes, irrégulière, l’administration restant tenue de mettre en œuvre l’ensemble des aménagements. Mais, pour autant, elle ne peut plus constituer un motif raisonnable, pour l’agent, de penser qu’il est exposé à un danger grave imminent.