Fonction publique
le 31/08/2023

Précisions sur les conditions d’une radiation des cadres en cas d’interdiction professionnelle prononcée par le juge pénal

CE, 10 juillet 2023, n° 470058

Par un arrêt du 10 juillet 2023, le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles l’administration employeur devait prononcer la radiation des cadres d’un fonctionnaire qui a fait l’objet d’une peine complémentaire d’interdiction professionnelle en application de l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais article L. 550-1 du Code général de la fonction publique.

Ces dispositions prévoient en effet que la radiation des cadres est notamment prononcée en cas d’« interdiction par décision de justice d’exercer un emploi public ». Plusieurs Cours administratives d’appel avaient déjà jugé que cette disposition s’applique également en cas d’interdiction professionnelle déterminée (CAA Lyon, 10 avril 2007, n° 03LY02029 ; CAA Douai, 14 mars 2006, n° 04DA00246 ; CAA Douai, 24 mai 2022, n° 21DA01001), et qu’il n’était donc pas nécessaire que l’interdiction porte sur l’exercice de tout emploi public.

Restait en revanche à déterminer les conséquences de ce type d’interdiction lorsque d’autres fonctions que celles interdites peuvent être exercées par l’agent dans les limites de son corps ou cadre d’emploi.

Le Conseil d’État apporte la réponse suivante : « Lorsqu’un agent public a été condamné pénalement à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer, à titre définitif ou temporaire, les fonctions dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice desquelles l’infraction a été commise, il appartient à l’autorité administrative de tirer les conséquences nécessaires de cette condamnation. Cette autorité est tenue de prononcer sa radiation des cadres lorsque l’intéressé ne pourrait être affecté à un nouvel emploi correspondant à son grade, sans méconnaître l’étendue de l’interdiction d’exercice prononcée par le juge pénal ».

Par conséquent, en cas d’interdiction prononcée par le juge pénal d’exercer une fonction donnée, l’administration ne peut prononcer la radiation des cadres que dans l’hypothèse où cette interdiction est incompatible avec tous les emplois relevant du grade.

En l’espèce, l’interdiction portait sur les fonctions de surveillant pénitentiaire. Or, il est vrai que le décret statutaire permettait à ces agents d’exercer leurs fonctions au sein de l’administration centrale, ce qui avait permis au juge des référés du Tribunal administratif de Lille de prononcer la suspension de la radiation des cadres. Le Conseil d’État a toutefois considéré que l’interdiction portait sur l’ensemble des fonctions du corps des surveillants pénitentiaires, et non seulement sur celles impliquant des missions effectives de surveillance au sein d’un établissement pénitentiaire, de sorte qu’aucun emploi du corps ne pouvait plus être occupé par l’agent et que la radiation était fondée.

Si le principe posé par le Conseil d’État n’a pas bénéficié au requérant dans cette espèce, les employeurs publics devront désormais rester vigilants : s’ils ne sont pas tenus de reclasser les agents à l’encontre desquels une interdiction professionnelle a été prononcée dans un autre corps, ils doivent néanmoins, avant de prononcer la radiation des cadres, s’assurer qu’il n’existe pas d’autres emplois, dans le corps ou le cadre d’emploi de l’agent, qui sont compatibles avec l’interdiction qui pèse sur l’agent. Et, semble-t-il, dans ce cas, changer l’agent d’affectation.