Fonction publique
le 20/01/2022

Précisions sur le retrait d’une décision de recrutement pour fraude : l’omission n’est pas toujours une fraude

CE, 30décembre 2021, n° 441863

Par un arrêt du 30 décembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé les obligations d’information qui incombent à un fonctionnaire au moment de son recrutement par une collectivité territoriale, donnant de précieuses indications sur l’étendue des possibilités dont dispose l’administration pour procéder au retrait d’une décision créatrice de droit pour fraude.

Il arrive en effet qu’une collectivité, après avoir procédé au recrutement d’un fonctionnaire, découvre, notamment à l’occasion de la communication du dossier administratif de l’agent, des informations qui tendent à remettre en cause le principe même du recrutement. Dans ces hypothèses, certaines collectivités procèdent au retrait de la décision de recrutement conduisant alors à la réintégration de l’agent dans son ancienne collectivité.

Ce type de situation apparaît notamment dans l’hypothèse où l’agent omet, à dessein, d’informer son recruteur de certains éléments de sa situation afin de faciliter son recrutement, ou induit en erreur, d’une façon ou d’une autre, cette collectivité. Dans ces cas, il est alors possible de considérer que la décision de recrutement a été obtenue par fraude, ce qui permet non seulement de fonder le retrait de la décision de recrutement, mais autorise également, conformément à l’article L. 241-2 du Code des relations entre le public et l’administration, à procéder à ce retrait au-delà du délai de quatre mois en principe imposé pour le retrait des actes créateurs de droit.

Telle était la situation dans l’arrêt commenté. A la date à laquelle l’agent était recruté, il avait été informé qu’il faisait l’objet d’une enquête pénale pour abus de confiance à l’occasion de ses fonctions, ce dont il n’avait pas fait part à son futur recruteur. Par la suite, les poursuites devaient donner lieu à sa condamnation pénale. Informée ultérieurement de cette situation, la commune qui avait recruté l’agent a procédé au retrait de la décision, au motif que celle-ci avait été obtenue par des manœuvres frauduleuses de l’agent.

La Cour administrative d’appel, saisie du litige engagé entre les deux collectivités et l’agent, a validé l’acte de retrait pris par la commune, estimant que l’agent avait effectivement dissimulé une information essentielle à la commune recruteur, caractérisant une fraude justifiant le retrait.

Le Conseil d’Etat a censuré cette interprétation, estimant que la fraude n’était pas caractérisée en l’absence de toute obligation de l’agent lui imposant d’informer son futur employeur de l’existence de poursuites pénales à son encontre. Plus précisément, et comme permettent de le comprendre les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’Etat a distingué deux hypothèses d’omission d’une information. Lorsque l’agent est tenu, par une obligation légale, d’informer l’administration d’une situation ou d’un fait le concernant, alors la dissimulation de cette information implique un comportement actif de fraude qui en caractérise l’élément objectif. En revanche, à défaut d’une telle obligation, la seule omission d’une telle information ne suffit pas, selon le Conseil d’Etat, à la caractériser.

La précision est donc fort utile, car la fraude par omission est naturellement la plus courante. Les collectivités qui se trouveront confrontées à cette situation disposeront donc désormais d’une grille de lecture pour le retrait d’un acte par fraude : l’omission de l’agent méconnaissait-elle une obligation d’information qui lui aurait incombé ? Autrement dit, l’agent était-il tenu d’informer son administration de la situation ? Une réponse positive autorisera l’administration à procéder au retrait, quant la négative imposera à la collectivité de trouver d’autres voies, notamment disciplinaires, pour sanctionner l’agent de son omission.