La consultation de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en cas de projet de reconversion professionnelle d’un agent public est une procédure complexe et encore récente, et le Conseil d’Etat a été, dans ces dernières années, régulièrement amené à préciser la procédure et le cadre d’analyse qui contraint cette procédure.
L’affaire concernait, en l’occurrence, un agent qui avait saisi son employeur d’un projet de création d’entreprise, pour lequel il sollicitait le bénéfice d’un temps partiel, au titre des dispositions de l’article L. 123-8 du Code général de la fonction publique. L’agent avait d’abord sollicité un premier avis du référent déontologue, qui s’était prononcé favorablement au projet. L’agent, fort de cet avis, a alors saisi son employeur, qui a sollicité un nouvel avis du référent déontologue, conformément à la procédure applicable lorsque l’agent ne relève pas du contrôle direct de la HATVP. Le référent, a toutefois, cette fois, changé son avis en émettant cette fois un doute sérieux sur la compatibilité du projet avec les fonctions exercées par l’agent.
Au vu de cet avis, la collectivité a donc saisi la HATVP, qui a confirmé la seconde analyse du référent en jugeant le projet déontologiquement incompatible. La collectivité a donc notifié à l’agent son refus d’autoriser le projet professionnel de l’agent.
Ce dernier a alors saisi son employeur d’un projet remanié, espérant qu’il pourrait être autorisé sous cette nouvelle forme, en vain : considérant que le projet posait les mêmes problèmes fondamentaux que le premier, la collectivité, sans nouvelle saisine de la HATVP, a refusé de nouveau son autorisation.
Cette procédure complexe, dont le Conseil d’Etat a donc été saisi, lui a permis de préciser plusieurs points qui restaient encore indéterminées :
En premier lieu, le Conseil d’Etat précise que l’avis du référent déontologue ne lie pas l’administration et a simplement vocation à l’éclairer : l’administration n’était donc pas tenue de suivre l’avis initial, favorable, du référent déontologique
En deuxième lieu, en revanche, l’avis de la HATVP liait la décision de la collectivité, qui intervient à ce titre en compétence liée, avec toutes ses conséquences juridiques : aucun vice de procédure ou de forme ne peut donc être invoqué à son encontre[1]. Les critiques du requérant sur les modalités de saisine et le sens variant de l’avis du référent déontologue ne pouvaient donc utilement être soulevées :
« Les éventuelles irrégularités ou erreurs dont serait entaché l’avis du référent déontologue sont sans incidence sur la légalité de l’avis rendu par la HATVP et de la décision par laquelle l’autorité hiérarchique se borne à tirer les conséquences d’un avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves rendu par la Haute Autorité ».
Enfin, en troisième lieu, la possibilité dont dispose l’administration de solliciter de la HATVP une nouvelle délibération (L. 124-17 du CGFP), n’est qu’une faculté, et l’agent n’a aucun droit à obtenir une telle démarche de la part de son employeur. En l’occurrence, dans la mesure où le nouveau projet soumis par l’agent était essentiellement identique au premier, du moins du point de vue déontologique, l’administration n’était pas tenue de saisir de nouveau la HATVP, et pouvait légalement rejeter directement la seconde demande de l’agent.
Le Conseil d’Etat confirme ainsi que le seul contentieux qui peut utilement être engagé en la matière, doit être exercé à l’encontre de l’avis de la HATVP lui-même lorsqu’elle est saisie, puisqu’il est celui qui fait grief à l’agent.
Si des zones d’ombres persistent encore dans cette procédure, qui demeure complexe et peu courante, on ne pourra que se satisfaire de ces précisions du Conseil d’Etat, en attendant les suivantes.
_____
[1] CE, 3 février 1999, Montaignac, n° 149722