Dans cette affaire, des sociétés ont sollicité l’annulation d’une délibération d’un conseil municipal de 2018 approuvant la modification n° 3 du plan local d’urbanisme (PLU), ensemble le rejet de leur recours gracieux, en soulevant notamment le moyen selon lequel une procédure de révision aurait dû être mise en œuvre.
En particulier, cette modification n° 3 était relative à la modification du zonage et à l’ouverture à l’urbanisation d’un terrain de 10 hectares « à urbaniser », antérieurement classé en zone 2 AU afin de la classer en 1 AU.
Le tribunal administratif a rejeté leur requête. La cour administrative d’appel a confirmé le jugement. Le Conseil d’Etat a alors été saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt de la Cour.
D’abord, le Conseil d’Etat a rappelé qu’un document d’urbanisme local pouvait définir quatre types de zones : les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles, et les zones naturelles et forestières.
Le Conseil d’Etat a ensuite rappelé la définition des zones à urbaniser (AU) au sens de l’article R. 151-20 du Code de l’urbanisme. En substance, cet article distingue deux types de zones à urbaniser :
- la zone 1 AU concerne des parcelles déjà desservies par des voies et réseaux d’électricité, d’eau et d’assainissement d’une capacité suffisante pour desservir les futures constructions ;
- la zone 2 AU correspond à des parcelles desservies par de tels réseaux mais en capacité insuffisante pour les futures constructions, et qui sont subordonnées à une modification ou une révision du PLU.
En outre, le Conseil d’Etat rappelle que les articles du Code de l’urbanisme applicables en l’espèce disposent que, sous réserve des cas où une révision du PLU s’impose, le PLU est modifié lorsque la collectivité compétente décide de modifier le règlement, les OAP ou le programme d’orientations et d’actions. Aussi, lorsque le projet de modification porte sur l’ouverture à l’urbanisation d’une zone, une délibération motivée de l’organe délibérant doit être prise pour justifier de l’utilité de cette ouverture au regard des capacités d’urbanisation encore inexploitées dans les zones déjà urbanisées et la faisabilité opérationnelle d’un projet dans ces zones. Enfin, à l’inverse, le PLU est révisé lorsque la Collectivité décide d’ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser qui, dans les 9 ans [aujourd’hui le délai est de 6 ans] suivant sa création, n’a pas été ouverte à l’urbanisation ou n’a pas fait l’objet d’acquisitions foncières significatives de la part de ladite Collectivité compétente, directement ou par l’intermédiaire d’un opérateur foncier.
Cela étant posé, le Conseil d’Etat distingue selon que :
- La parcelle est classée en zone à urbaniser depuis moins de 9 ans (désormais 6 ans), alors la Collectivité compétente pourra procéder par modification de son PLU, en justifiant par une délibération motivée de l’utilité de l’opération au regard des capacités d’urbanisation encore inexploitées dans les zones déjà urbanisées et la faisabilité opérationnelle d’un projet dans ces zones ;
- La parcelle est classée en zone à urbaniser depuis plus de 9 ans (désormais 6 ans). Dans ce cas, il faudra mettre en œuvre la procédure de révision de son PLU pour la classer en zone urbaine.
Et le Conseil d’Etat justifie ici cette distinction selon la durée de classement en zone AU : « Par ces dispositions, le législateur a entendu prévenir la constitution de réserves foncières dépourvues de projet d’aménagement et inciter les établissements publics de coopération intercommunale et les communes à définir et mettre en œuvre dans le délai de neuf ans les orientations d’aménagement et de programmation pour les zones identifiées par le plan local d’urbanisme comme étant à urbaniser, ainsi que cela ressort des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové qui a introduit les dispositions précitées de l’article L. 153-31 dans le Code de l’urbanisme. Il en résulte que le délai de neuf ans qu’elles prévoient court, soit à compter du classement initial comme zone à urbaniser du secteur en cause, soit, le cas échéant, à compter d’une révision ultérieure du plan local d’urbanisme portant, notamment par l’adoption d’un nouveau projet d’aménagement et de développement durables, sur un projet d’aménagement pour ce secteur. »
Enfin, le point de départ du délai est important.
Au cas d’espèce, c’était le passage du zonage 2 AU à 1 AU qui posait difficulté car il fallait apprécier la date du point de départ du délai de 9 ans. En effet, il fallait savoir si l’on prenait en compte la date de la révision générale du PLU en 2013 ou celle de la création en 2005 de la zone à urbaniser en cause.
Autrement posé, si l’on considère la date de l’approbation générale de la révision du PLU en 2013, le délai de 9 ans n’était pas encore expiré lors de la modification n° 3 approuvée en 2018, de sorte que l’ouverture à l’urbanisation pouvait se faire par une modification du PLU. A l’inverse, si l’on considère qu’il faut tenir compte de la date de création de la zone à urbaniser en cause en 2005, le délai de 9 ans était largement expiré en 2018, de sorte que la procédure à mettre en œuvre était une procédure de révision.
La cour administrative d’appel a calculé le délai de 9 ans par rapport à la date de la révision générale du PLU, approuvée par délibération de 2013, emportant notamment nouveau PADD et nouveaux règlements écrit et graphique.
Ce faisant, le Conseil d’Etat a jugé que la Cour n’avait pas commis d’erreur de droit.
Enfin, sur ce point, le rapporteur public, Maxime BOUTRON, rappelait que :
« La lettre de la loi n’est pas explicite. Repartons un instant de ses fondements. Par la loi « ALUR » n° 2014-366 du 24 mars 2014, le législateur a fait le constat que de trop nombreuses communes avaient tendance à créer des zones à urbaniser (2 AU), lors de l’élaboration de leur PLU, dans le seul but de constituer des réserves foncières, sans réel projet d’aménagement à court ou moyen terme. Afin de lutter contre ces pratiques et de les contraindre à mieux penser leur développement au regard des possibilités offertes par le tissu urbain déjà existant, il a souhaité introduire une sorte de « péremption » des zones 2 AU au terme d’un délai de neuf ans. Le texte initial du Gouvernement prévoyait que ce délai de neuf ans serait calculé à partir de la date d’approbation du PLU ou, si ce plan avant fait l’objet d’une ou plusieurs révisions, de la date d’approbation de la dernière révision. Mais à la faveur des amendements à l’Assemblée comme au Sénat, cette précision a d’abord disparu avant un amendement n° 526 au Sénat de M. Jacques Chiron le réexplicitant mais qui est tombé à la faveur de l’adoption d’un autre amendement. S’il est donc vrai que la loi en vigueur est muette, par deux fois (texte initial et amendement de clarification ayant reçu l’avis favorable du Gouvernement), il a bien été proposé de retenir la date d’approbation du PLU ou de la dernière révision de celui-ci. Et c’est ce que nous vous proposerons donc de juger explicitement, dans le même sens que la cour. »
Par conséquent, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt des juges du fond.