Fonction publique
le 11/04/2024

Précision sur la possibilité de production des œuvres de l’esprit par un agent public

CAA Lyon, 13 octobre 2023, n° 21LY02110

L’article L. 123-2 du Code général de la fonction publique dispose que « la production des œuvres de l’esprit par un agent public, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, s’exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d’auteur des agents publics et sous réserve des articles L. 121-6 et L. 121-7 du présent code ».

Elle permet donc à un agent de produire des œuvres et d’en tirer une rémunération parallèlement aux fonctions pour lesquels il est employé. Un tel cumul ne nécessite pas d’autorisation ou de déclaration : si l’activité relève bien de ce régime, il peut l’exercer librement.

Pour relever de cette dérogation, qui bénéficie de plein droit aux agents publics, sans déclaration préalable, l’activité doit toutefois pouvoir effectivement relever de la qualification de production d’œuvre de l’esprit. C’est à cette notion dont la Cour administrative d’appel de Lyon a, il y a quelque mois, précisait la portée en montrant de quelle façon le critère doit être examiné. Le droit de la propriété intellectuelle ne rend en effet pas les choses aisées. Le Code de la propriété intellectuelle ne définit en effet pas la notion d’œuvre de l’esprit, et la jurisprudence s’est toujours abstenue d’instituer une définition unique de l’œuvre. Elle a seulement précisé que, pour avoir le caractère d’une œuvre, la production de l’auteur doit être originale[1]. Pour avoir ce caractère, l’œuvre doit faire état de la marque de la personnalité et du talent de l’auteur[2]. La jurisprudence analyse notamment, à cette fin, l’existence de choix, dans la réalisation de l’œuvre, qui permet de constater la réalité de l’expression de l’auteur et donc son originalité[3]. Ces définitions excluent donc, notamment, les textes purement techniques, dont la forme et la teneur sont uniquement dictées par leur destination, à l’exclusion de tout choix de l’auteur. La requête d’un avocat n’est ainsi pas protégée par le droit d’auteur[4]. La Cour administrative d’appel de Lyon s’est donc approprié cette jurisprudence, s’agissant de la question du cumul d’activité.

En l’espèce, elle a confirmé le caractère illégal de l’activité d’un agent public, qui se prévalait des dispositions précitées, pour cumuler ses fonctions avec celles de correspondant de presse locale. La Cour a considéré que l’activité ne pouvait pas être qualifiée de production d’œuvres de l’esprit, en considération du fait que ses productions n’allaient pas au-delà de la mission de « collecte et de transmission de l’information qu’exerce un correspondant local de presse », et ne reflétait donc pas « sa personnalité par une analyse ou un traitement de l’information ».

Les agents qui envisagent donc de se prévaloir de cette dérogation sont donc appelés à la prudence : s’ils veulent s’assurer de la légalité de leur activité parallèle au regard des règles sur le cumul d’activité, et ainsi s’éviter les risques financiers et disciplinaires qu’ils encourent, il sera toujours plus sage de se faire confirmer par son administrative qu’elle relève bien du champ d’application de ces dispositions. D’autant plus que, dans le cas contraire, il sera souvent possible d’exercer l’activité sous un autre régime de cumul.

 

[1] Cass. 1ère Civ., 11 février 1997, n° 95-13.176

[2] CA Paris, 4e ch., 20 sept. 1994 : RIDA 2/1995, p. 367

[3] Cass. 1ère Civ., 12 mai 2011, n° 10-17.852.

[4] Cass. Crim,, 16 juin 2009, n° 08-87.193