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le 17/03/2022

Possibilité pour le conseil de l’ordre d’un barreau d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse avec la robe d’avocat

Cass. civ., 1ère, 2 mars 2022, pourvoi n° 20-20.185

La Cour de cassation a récemment admis la possibilité pour le Conseil de l’ordre d’un barreau d’interdire le port de signes d’appartenance religieuse avec la robe d’avocat.

Rappelons à cet égard que l’article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques énonce que les avocats sont des auxiliaires de justice, qu’ils prêtent serment en ces termes : « Je jure comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité », et qu’ils revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, le Conseil de l’ordre du barreau de Lille avait modifié son règlement intérieur afin de prévoir que « l’avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ».

Cette délibération avait fait l’objet d’un recours devant le Bâtonnier puis la Cour d’appel de Douai par une élève-avocate et son maître de stage.

Déboutés de leur recours, la première pour irrecevabilité dès lors qu’elle n’était pas avocate, le second pour des motifs de fond, les demandeurs s’étaient pourvus en cassation.

La Cour de cassation a validé en tout point le raisonnement des juges du fond.

D’une part, elle a en effet rappelé que, selon l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971, le Conseil de l’ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l’exercice de la profession, sans préjudice des attributions dévolues au Conseil national des barreaux (CNB), lequel unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession (article 21-1 de la même loi).

Or, en l’absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, la Cour de cassation a jugé qu’il entrait dans les attributions d’un Conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession.

D’autre part, elle a estimé que la restriction apportée aux libertés religieuse et d’expression par le règlement intérieur du barreau de Lille était proportionnée.

A cet égard, elle a rappelé que « les avocats sont des auxiliaires de justice qui, en assurant la défense des justiciables, concourent au service public de la justice », et retenu que « la volonté d’un barreau d’imposer à ses membres, lorsqu’ils se présentent devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme contribue à assurer l’égalité des avocats et, à travers celle-ci, l’égalité des justiciables, élément constitutif du droit à un procès équitable », et que, « afin de protéger leurs droits et libertés, chaque avocat, dans l’exercice de ses fonctions de défense et de représentation, se doit d’effacer ce qui lui est personnel et que le port du costume de sa profession sans aucun signe distinctif est nécessaire pour témoigner de sa disponibilité à tout justiciable ».

Elle a conclu que l’interdiction ainsi édictée était « suffisamment précise en ce qu’elle s’appliquait au port, avec la robe, de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, […] nécessaire afin de parvenir au but légitime poursuivi, à savoir protéger l’indépendance de l’avocat et assurer le droit à un procès équitable, mais était aussi, hors toute discrimination, adéquate et proportionnée à l’objectif recherché ».

Il convient de relever que la Cour de cassation a écarté le moyen du demandeur tendant à contester l’impossibilité de porter une décoration sur la robe d’avocat dès lors qu’il ne résultait pas de l’instruction que l’intéressé avait soutenu être titulaire d’une telle décoration, de sorte qu’il n’était pas recevable, faute d’intérêt personnel et direct, à critiquer la délibération litigieuse sur ce point.

Néanmoins, il fait peu de doute que la juridiction aurait validé de telles dispositions, son raisonnement aux termes duquel il convient d’assurer l’égalité entre avocats et, ce faisant, entre justiciables, qui suppose que chaque avocat efface ce qui lui est personnel, semblant tout à fait transposable au cas d’une décoration.