Environnement, eau et déchet
le 11/05/2023

Pesticides : conformité partielle des restrictions sur la publicité et les pratiques commerciales sur les produits biocides

CE, 21 avril 2023, n° 433889

Les restrictions de la publicité et des pratiques commerciales sur les produits biocides définies par le droit français sont-elles conformes aux exigences européennes ? C’est la question qu’a dû trancher le Conseil d’Etat dans un arrêt en date du 21 avril 2023, rendu après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que le Conseil d’Etat avait saisi d’une question préjudicielle sur cette affaire.

Les articles L. 522-18 et L. 522-5-3 du Code de l’environnement, issus de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, dite loi EGALIM, ont en effet instauré un régime d’interdiction et restrictions des pratiques commerciales et de la publicité sur les produits biocides. Ces restrictions ont été détaillées par deux décrets du 26 juin 2019[1], créant les articles R. 522-16-1 et R. 522-16-2 du Code de l’environnement.

Plusieurs requérants avaient contesté cette règlementation, arguant notamment d’une non-conformité avec le règlement du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides dès lors que la législation nationale allait au-delà des restrictions sur la publicité et les pratiques commerciales y étant définies en son article 72, mais également d’une méconnaissance des articles 34 et 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdisant les restrictions injustifiées au commerce intra-UE.

Saisie d’une question préjudicielle sur cette question, la CJUE avait précisé que la règlementation européenne « s’oppose à une réglementation nationale qui exige l’apposition d’une mention, en plus de celle prévue à [l’article 72], sur la publicité à destination des professionnels en faveur des produits biocides […] » mais qu’elle « ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui interdit la publicité à destination du grand public en faveur des produits […] ». De même les articles 34 et 36 du TFUE ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui interdit la publicité à destination du grand public ou certaines pratiques commerciales telles que des remises, des rabais, des ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente, la remise d’unités gratuites ou toutes pratiques équivalentes, portant sur les produits biocides, dès lors que cette réglementation est justifiée par des objectifs de protection de la santé et de la vie des personnes ainsi que de l’environnement, qu’elle est propre à garantir la réalisation de ces objectifs et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (CJUE, 19 janvier 2023, C-147/21).

Appliquant ces principes, le Conseil d’Etat indique que l’article R. 522-16-2, II du Code de l’environnement, en ce qu’il prévoit des mentions obligatoires supplémentaires sur la publicité pour les produits biocides, méconnait le droit de l’Union européenne et est donc annulé. S’agissant toutefois du reste de la règlementation nationale, le Conseil d’Etat considère que dans la mesure où les interdictions qu’elle pose sont applicables à tous les produits quel que soit leur pays de provenance et qu’elles n’affectent pas davantage les produits provenant d’autres États membres que les produits nationaux, celle-ci est conforme au droit de l’Union européenne.

 

[1] Décret du 26 juin 2019 relatif aux pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides et décret du 26 juin 2019 relatif à la publicité commerciale pour certaines catégories de produits biocides