Urbanisme, aménagement et foncier
le 15/12/2022
Arthur GAYETArthur GAYET

Permis de construire et domaine public : précisions relatives aux constructions en surplomb et au contrôle du juge sur la qualité pour déposer une demande sur le domaine public

CE, 23 novembre 2022, n° 450008

CE, 23 novembre 2022, n° 449443

Par deux décisions en date du 23 novembre 2022 mentionnées aux Tables, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions concernant les demandes de permis de construire portant en surplomb ou sur une dépendance du domaine public.

Ainsi, dans la première affaire (450008), le Maire de La Baule-Escoublac avait délivré à la société civile de construction vente Aldéia un permis de construire un immeuble collectif comprenant six logements et deux locaux commerciaux, après démolition d’un bâtiment.

Le projet comportait des balcons en surplomb du domaine public.

Devant le Tribunal administratif de Nantes, était soulevé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-13 du Code de l’urbanisme aux termes desquelles :

« Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public ».

Le Tribunal a écarté ce moyen en se fondant sur la circonstance que les balcons en surplomb du domaine public prévus par le projet n’avaient pas pour effet de compromettre l’affectation au public du trottoir qu’ils surplombent et n’excédaient pas, compte tenu de la faiblesse du débord et de l’élévation par rapport au sol, le droit d’usage appartenant à tous.

Le Conseil d’Etat censure cette analyse en rappelant qu’il résulte de l’article R. 431-13 précité que « lorsqu’un projet de construction comprend des éléments en surplomb du domaine public, le dossier de demande de permis de construire doit comporter une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire de ce domaine ».

Ainsi, en cas de surplomb du domaine public – comme dans tout cas d’occupation dudit domaine, il appartient au service instructeur et, le cas échéant, au juge, de s’assurer que le dossier de demande comporte une pièce exprimant l’accord du gestionnaire et non de rechercher si le projet pourrait être légalement poursuivi au regard des règles de la domanialité publique.

Dans la seconde affaire (449443), le Maire de Juvigny avait délivré à la société civile de construction vente Les Jardins de Flore et à la société anonyme Mont-Blanc un permis de construire neuf bâtiments comportant quatre-vingt-dix-huit logements, un local commercial et trois niveaux de sous-sols de stationnement sur un terrain situé route de la Savoie.

Le projet portant sur une partie du domaine public communal, le Tribunal administratif de Grenoble a censuré le permis de construire en considérant que la commune de Juvigny ne pouvait ignorer qu’en l’absence de déclassement et de vente de la parcelle, ces sociétés ne disposaient d’aucun droit sur le domaine public communal leur permettant d’inclure ces aménagements dans leur projet, ce qui entrainait une méconnaissance des dispositions de l’article R. 423-1 du Code de l’urbanisme aux termes desquelles :

« Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d’avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; b) Soit, en cas d’indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l’expropriation pour cause d’utilité publique».

Ici également, le raisonnement du Tribunal est censuré par le Conseil d’Etat qui considère qu’il résulte des dispositions précitées :

« Qu’en se fondant sur l’absence de déclassement et de transfert de la propriété de la parcelle pour en déduire que les sociétés pétitionnaires n’avaient pas qualité pour déposer une demande de permis de construire incluant les aménagements en cause, le tribunal administratif, à qui il incombait seulement de rechercher si, à défaut de déclassement et de transfert de la propriété de la parcelle, le dossier joint à la demande comportait une pièce exprimant l’accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d’autorisation d’occupation temporaire du domaine public, a commis une erreur de droit ».