Par un arrêt rendu le 30 avril 2024, le Conseil d’Etat a refusé de donner à l’autorité administrative le pouvoir d’imposer au pétitionnaire qui aurait déposé une demande de permis de construire modificatif en cours de réalisation de ses travaux d’intégrer la demande de régularisation de travaux irréguliers réalisés antérieurement.
En l’espèce, après avoir accordé un permis de construire pour la surélévation et l’extension d’une maison individuelle, le maire a, par la suite, constaté l’existence d’infractions dans l’exécution de ce permis et ordonné l’interruption des travaux. Ces infractions concernaient notamment la réalisation d’une consolidation des murs périphériques de la maison. Afin de régulariser la situation, un permis de construire modificatif réparant les infractions commises a été sollicité et accordé.
A l’occasion du contentieux contre cette décision, le Conseil d’Etat a pu se prononcer sur la nécessité d’autoriser l’opération de consolidation des murs par le biais d’un permis modificatif.
Plus exactement, pour rappel, le juge administratif applique depuis 1986 la jurisprudence Thalamy (CE, 9 juill. 1986, n° 51172). Cette jurisprudence impose, lorsqu’il est envisagé des éléments de constructions nouveaux prenant appui sur une partie d’un bâtiment irrégulière, de régulariser l’existant avant de pouvoir envisager obtenir une autorisation d’urbanisme pour les modifications envisagées.
Cette jurisprudence s’applique lorsque les travaux non-autorisés ont été réalisés et se posait ainsi la question de l’application de cette jurisprudence à l’hypothèse d’un permis de construire modificatif, c’est-à-dire dans le cas où les travaux sont encore en cours. Le Conseil d’Etat a répondu par la négative à cette question :
« 9. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions [articles L. 480-1, L. 462-1 et L. 462-2 du Code de l’urbanisme] que l’autorité administrative dispose, en cours d’exécution de travaux autorisés par un permis de construire, de la faculté de contrôler le respect de l’autorisation d’urbanisme. A défaut de la mise en œuvre de ces pouvoirs de contrôle ou, s’ils ont été mis en œuvre, du constat d’une irrégularité, le pétitionnaire doit être considéré comme réalisant les travaux en se conformant à l’autorisation délivrée. L’autorité compétente ne peut pas exiger du pétitionnaire qui envisage de modifier son projet en cours d’exécution, que sa demande de permis modificatif porte également sur d’autres travaux, au motif que ceux-ci auraient été ou seraient réalisés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu. Il appartiendrait dans ce cas à l’autorité compétente pour délivrer les autorisations de dresser procès-verbal des infractions à la législation sur les permis de construire dont elle aurait connaissance, procès-verbal transmis sans délai au ministère public. En toute hypothèse, l’administration dispose, en vertu des dispositions visées au point 8, du pouvoir de contrôler la conformité une fois les travaux achevés et d’imposer, à ce stade, la mise en conformité ».
En effet, si des travaux irréguliers sont entrepris en cours d’exécution d’une autorisation d’urbanisme, le pétitionnaire dispose toujours du droit soit de se conformer à l’autorisation précédemment obtenue, soit de solliciter une nouvelle autorisation sous la forme d’un permis de construire modificatif. Ainsi, l’autorité administrative ne peut imposer au pétitionnaire de solliciter une nouvelle autorisation d’urbanisme afin de régulariser les travaux irréguliers entrepris alors même que l’exécution de l’autorisation d’urbanisme est encore en cours. Plus exactement, l’autorité administrative sera uniquement en mesure de conduire une procédure administrative (mise en demeure de régulariser sous astreinte) ou judiciaire (voie pénale et mesures de restitution) pour assurer la conformité des constructions au droit de l’urbanisme, comme le rappelle Monsieur le rapporteur public dans ses conclusions sous l’arrêt.
La question est donc tranchée, la jurisprudence Thalamy sera donc limitée à l’hypothèse qu’on lui connait depuis son origine.