Droit pénal et de la presse
le 06/04/2023

Par un arrêt du 5 avril 2023 (Bull. Crim. N° 00358), la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient d’initier sa jurisprudence sur la nouvelle rédaction, issue de la Loi du 22 décembre 2021, de l’article 432-12 du code pénal réprimant le délit de prise illégale.

Cass. Crim., 5 avril 2023, n° 21-87.217

Avant cette date, le texte incriminait « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement ».

Cette rédaction était régulièrement critiquée pour son caractère particulièrement large et général, faisant planer un risque pénal sur différents outils, pourtant vertueux, de coopération et de mise en œuvre des politiques publiques.

Ces considérations avaient d’ailleurs conduit à l’élaboration de plusieurs propositions de loi transpartisanes qui n’avaient toutefois pas abouti.

Par la Loi du 22 décembre 2021, le législateur avait modifié ce texte en substituant à la notion d’intérêt « quelconque » celle, inspirée de la définition du conflit d’intérêts issue de la Loi du 11 octobre 2013, d’intérêt « de nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ».

Ce faisant, il était permis de considérer qu’au-delà du souhait de convergence des notions de conflit d’intérêts et de prise illégale d’intérêts, l’intention du législateur était de restreindre le champ d’application du délit, en imposant la caractérisation d’un intérêt qualifié.

Dans l’affaire objet de l’arrêt ici brièvement commenté, la question posée n’était certes pas celle-là mais apparaissait voisine : la loi nouvelle doit-elle être considérée comme « plus douce » que l’ancienne, de sorte qu’elle aurait vocation à s’appliquer à des faits commis antérieurement à sa promulgation – principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce (article 112-1 CPP).

La réponse apportée à cette question par la chambre criminelle de la Cour de cassation est la suivante : « En effet, les prévisions de l’article 432-12 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 aux termes de laquelle l’intérêt doit être de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de l’auteur du délit sont équivalentes à celles résultant de sa rédaction antérieure par laquelle le législateur, en incriminant le fait, par une personne exerçant une fonction publique, de se placer dans une situation où son intérêt entre en conflit avec l’intérêt public dont elle a la charge, a entendu garantir, dans l’intérêt général, l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions publiques (Crim., 19 mars 2014, QPC n° 14-90.001 ; Crim., 20 décembre 2017, QPC n° 17-81.975) ».

Mesurée à l’aune du principe de l’article 112-1 du Code pénal, la Cour de cassation considère donc que la nouvelle rédaction de l’article 432-12 du code pénal n’est pas plus douce que l’ancienne et ne s’applique dès lors pas aux situations antérieures à son entrée en vigueur.

Reste à déterminer l’incidence, sur le fond, de cette nouvelle rédaction, étant précisé qu’il serait difficilement compréhensible que la jurisprudence ne marque pas d’évolution ni ne fasse produire d’effet à une évolution législative significative d’un texte d’incrimination.