Energie
le 07/12/2023

Modification du cadre réglementaire applicable aux garanties d’origine : précisions sur la préemption des garanties d’origine par les collectivités

Décret n° 2023-1048 du 16 novembre 2023 relatif aux garanties d’origine d’électricité

Le décret n° 2023-1048 en date du 16 novembre 2023 traduit dans la partie réglementaire du Code de l’énergie les modifications de la partie législative dudit Code introduites par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021. Cette ordonnance visait à transposer en droit interne certaines dispositions des directives n° 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et n° 2019/944 du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.

Le décret déplace les articles relatifs aux garanties d’origine du chapitre relatif à la production d’électricité d’origine renouvelable au chapitre relatif aux dispositions générales relatives à la production d’électricité. Mais surtout, le décret apporte plusieurs modifications au système des garanties d’origine en droit interne en venant :

  • Étendre la possibilité d’émettre des garanties d’origine électriques à l’ensemble des sources d’énergie primaire et notamment à l’énergie nucléaire ;
  • Permettre l’organisation d’enchères à terme de garanties d’origine issues d’installations bénéficiant d’un soutien public ;
  • Mettre en œuvre l’achat préférentiel ouvert aux producteurs bénéficiant de mécanismes de soutien public ;
  • Préciser la faculté de certaines collectivités territoriales (communes, groupements de communes ou métropoles) de préempter gratuitement les garanties d’origine des installations situées sur leur territoire.

En premier lieu, le bénéfice des garanties d’origine électriques a été étendu à l’ensemble des sources d’énergie primaires par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021. Cette ordonnance a notamment modifié l’article L. 314-14 du Code de l’énergie, devenu L. 311-20 du même Code. L’article 2 du décret présentement commenté adapte la partie réglementaire du Code de l’énergie pour que l’ensemble des sources d’énergie, et non plus exclusivement les sources renouvelables, puissent donner lieu à délivrance de garanties d’origine.

L’article précité modifie notamment, pour l’application des articles L. 311-20 et suivants du Code de l’énergie, l’article R. 311-48 du Code de l’énergie qui dispose désormais que : « l’électricité produite par n’importe quelle source d’énergie primaire ou par cogénération par des installations de production d’électricité régulièrement déclarées ou autorisées peut donner lieu à l’émission de garanties d’origine ».

Les articles suivants du Code de l’énergie sont également modifiés afin notamment d’étendre les missions du gestionnaire du registre des garanties d’origine aux sources d’énergie primaire non renouvelable, et de modifier le contenu des demandes d’émission de garantie d’origine pour y indiquer la source d’énergie utilisée pour produire l’électricité. A cet égard, ainsi que le relevait, en le critiquant, la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération n° 2023-294 du 27 septembre 2023 portant avis sur le décret ici commenté, l’objet de cette extension des garanties d’origine aux autres sources d’énergie est essentiellement d’étendre le dispositif à l’électricité produite à partir d’énergie nucléaire.

En deuxième lieu, le décret n° 2023-1048 du 16 novembre 2023 introduit la possibilité des enchères à terme pour les garanties émises pour des installations bénéficiant d’un soutien public. La mise en enchères des garanties d’origine émises au titre de l’électricité produite par les installations bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération était déjà permise au Ministre en charge de l’énergie. Cette mise aux enchères avait lieu postérieurement à l’émission des garanties d’origine. Le décret ici commenté permet désormais la tenue d’enchères à terme.

Les garanties d’origine pourront dès lors être cédées par le biais d’enchères avant même leur émission. Le nouvel article R. 314-62, prévoyant notamment le cas des garanties d’origine mises aux enchères avant leur émission, dispose : « les garanties d’origine allouées à l’issue d’une mise aux enchères réalisée avant leur émission donnent lieu à la conclusion d’une promesse de vente entre l’organisme et le lauréat. Elles sont réputées vendues après avoir été émises et payées par leur acquéreur ». En outre, le décret apporte des précisions sur l’allotissement des garanties d’origine en codifiant un nouvel article R. 314-60.

En troisième lieu, le décret apporte les précisions réglementaires sur la faculté offerte aux exploitants d’installations de production d’énergie renouvelable d’acheter de manière préférentielle les garanties d’origine de leurs installations dans le cadre de leur mise aux enchères. Pour rappel, les exploitants d’installations de production bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération ne peuvent pas bénéficier des garanties d’origine émises au titre de leur production, sous peine de voir leur contrat résilié.

Toutefois, aux termes du cinquième alinéa de l’article L. 314-14 du Code de l’énergie, les exploitants ont la possibilité d’acquérir les garanties d’origine de leurs installations. Le nouvel article R. 314-67 vient préciser ce dispositif d’acquisition préférentielle.

Ainsi, lorsqu’ils souhaitent bénéficier de l’achat préférentiel des garanties d’origine issues de leurs installations, les exploitants informent le gestionnaire du registre des garanties d’origine de leur souhait de disposer de l’ensemble des garanties d’origine correspondant à une période de production donnée. Ils sont tenus de transmettre à l’organisme chargé de la mise aux enchères leur demande d’achat préférentiel en amont de l’enchère :

  • au minimum deux mois avant l’ouverture des enchères organisées pour la vente de garanties d’origine réalisée après leur production en l’absence d’enchères à terme ;
  • au maximum un mois avant l’ouverture des enchères à terme dans le cas des enchères à terme, en précisant la durée sur laquelle un tel volume est souhaité.

Ils s’engagent à acquérir ces garanties d’origine selon les conditions générales de la mise aux enchères mentionnées au R. 314-57 qui peuvent prévoir notamment une durée minimale et maximale sur laquelle l’exploitant s’engage à acheter les garanties d’origine de son installation, le niveau de la prime qu’il doit payer pour chacune des GO achetées, les modalités de rupture de l’engagement de l’exploitant, une limitation du volume de garanties d’origine pouvant faire l’objet d’un tel achat préférentiel.

En quatrième et dernier lieu, le décret apporte les précisions réglementaires sur la préemption des garanties d’origine par les collectivités. Cette faculté a été ouverte par l’ordonnance n° 2021-236 du 3 mars 2021 précitée. Le troisième alinéa de l’article L. 314-14 du Code de l’énergie dispose désormais :

« à la demande de la commune, du groupement de communes ou de la métropole sur le territoire desquels est implantée une installation mentionnée au premier alinéa et afin d’attester de l’origine locale et renouvelable de leur propre consommation d’électricité, ladite commune, ledit groupement de communes ou ladite métropole peuvent bénéficier à titre gratuit de tout ou partie des garanties d’origine de ladite installation, selon des modalités prévues par décret, en vue de leur utilisation immédiate. Les garanties d’origine dont bénéficient ainsi ladite commune, ledit groupement de communes ou ladite métropole ne peuvent être vendues ».

Aux termes de cet article, les communes ou leur groupement peuvent bénéficier des garanties d’origine émises par les installations bénéficiant d’un contrat d’obligation d’achat ou de complément de rémunération situées sur leur territoire, pour attester de l’origine renouvelable de l’électricité qu’elles consomment. Les modalités d’application du troisième alinéa de l’article L. 314-14 précité sont désormais connu. On retiendra notamment que :

  • la commune ou le groupement doit détenir un compte sur le registre des garanties d’origine ;
  • la demande de préemption des garanties d’origine doit être adressée au gestionnaire du registre au moins cinq jours avant leur mise aux enchères ;
  • la demande doit indiquer le volume de garanties souhaité et la période concernée : « dans la limite du volume de la production des installations implantées sur leur territoire et de leur propre consommation d’électricité sur la même période» ;
  • la consommation d’électricité de la collectivité est définie comme : « la consommation des équipements faisant l’objet d’une facturation directe» à ladite collectivité.

Il convient de souligner que l’ensemble des règles permettant de mettre en œuvre cette préemption n’est pas encore connu. En effet, aux termes de l’article R. 314-66 précité, les conditions générales de la mise aux enchères, arrêtées par le Ministre de l’énergie, apporteront des précisions portant notamment sur :

« 1° Des frais d’accès à la plateforme ainsi que des frais de gestion, à la charge de la commune, du groupement de communes ou de la métropole ;

2° Une limitation du volume des garanties d’origine dont peuvent bénéficier la commune, le groupement de communes ou la métropole, cette limitation pouvant être exprimée en pourcentage de la production mensuelle des installations implantées sur leur territoire ;

3° Les conditions dans lesquelles sont allouées les garanties d’origine dont l’acquisition est souhaitée à la fois par la commune, le groupement de communes ou la métropole ».

Gageons que le Ministre laissera les collectivités s’emparer de ce mécanisme sans trop le limiter.