Les règles du contentieux administratif portant sur les ouvrages hydrauliques agricoles et les installations d’élevage ont récemment été modifiées par un décret n° 2024-423 du 10 mai 2024.
En premier lieu, deux nouveaux articles sont introduits au sein du Code de justice administrative.
D’une part, l’article R. 811-1-3 dispose que « le tribunal administratif de Paris est compétent en premier et dernier ressort pour connaître des litiges relatifs aux projets mentionnés au II pour ce qui concerne les décisions mentionnées au III ».
Les projets ainsi évoqués sont ceux qui, poursuivant à titre principal une finalité agricole, que ce soit culturale, sylvicole, aquacole ou d’élevage, nécessitent des installations, ouvrages, travaux ou activités relevant des rubriques de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du Code de l’environnement suivantes :
- 1.2.0 (Sondage, forage, y compris les essais de pompage, création de puits ou d’ouvrage souterrain, non destiné à un usage domestique),
- 2.1.0 (Prélèvements permanents ou temporaires issus d’un forage, puits ou ouvrage souterrain dans un système aquifère, à l’exclusion de nappes d’accompagnement de cours d’eau, par pompage, drainage, dérivation ou tout autre procédé),
- 2.2.0 (Sauf exception, prélèvements et installations et ouvrages permettant le prélèvement, dans un cours d’eau, sa nappe d’accompagnement ou un plan d’eau ou canal alimenté par ce cours d’eau ou cette nappe, lorsque le débit du cours d’eau en période d’étiage résulte, pour plus de moitié, d’une réalimentation artificielle),
- 3.1.0 (Sauf exception, ouvrages, installations, travaux permettant un prélèvement total d’eau dans une zone où des mesures permanentes de répartition quantitative instituées, notamment au titre de l’article L. 211-2, ont prévu l’abaissement des seuils),
- 2.3.0 (Plans d’eau, permanents ou non dont la superficie est supérieure à 0,1 ha)
- 2.5.0 (Barrage de retenue et ouvrages assimilés relevant des critères de classement prévus par l’article R. 214-112)
Quant aux décisions susmentionnées, il s’agit de décisions individuelles dont l’article dresse la liste (autorisation environnementale, dérogation espèces protégées, absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000, récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations ICPE…)
D’autre part, l’article R. 811-1-4 encadre la compétence des tribunaux administratifs pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux projets qui nécessitent une installation d’élevage relevant des rubriques de la nomenclature prévue par l’article R. 511-9 du Code de l’environnement suivantes :
- 2101(activité d’élevage, transit, vente, etc. de bovins),
- 2102 (élevage, vente, transit etc. de porcs),
- 2110 (élevage, vente, transit etc. de lapins),
- 2111 (activité d’élevage, vente, etc. de volailles, gibier à plume à l’exclusion d’activités spécifiques visées à d’autres rubriques),
- 2112 (couvoirs),
- 2130 (pisciculture),
- 3660 (élevage intensif).
L’article s’applique aux mêmes décisions individuelles énoncées à l’article R. 811-13 du CJA.
En deuxième lieu, le texte crée un nouveau chapitre XV au sein du titre VII du livre VII du Code de justice administrative, intitulé « Le contentieux de certaines décisions en matière agricole ». Les nouveaux articles R. 77-15-1 et R. 77-15-2 précisent les modalités de recours des tiers intéressés dans le cadre des litiges énoncés aux nouveaux articles R. 811-1-3 et R. 811-1-4 précités.
Ainsi, et à peine d’irrecevabilité, l’auteur du recours doit le notifier à l’auteur ainsi qu’au bénéficiaire de la décision ; dans les mêmes conditions que pour les demandes tendant à l’annulation ou la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un tel litige. Et afin de profiter de la prorogation du délai de recours contentieux offerte par un recours administratif (gracieux et hiérarchique), la notification au bénéficiaire de la décision doit également être réalisée.
La notification, adressée dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours contentieux ou de la date d’envoi du recours administratif, est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception.
Le cas échéant, l’affichage ou la publication de la décision contestée « mentionnent l’obligation de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision, à peine, selon le cas, de non-prorogation du délai de recours contentieux ou d’irrecevabilité du recours contentieux ».
L’article R. 77-15-1 précise que ces dispositions « sont applicables à une décision refusant de retirer ou d’abroger une décision mentionnée aux articles R. 811-1-3 ou R. 811-1-4 ». Cette décision de refus doit également mentionner l’obligation de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur et au bénéficiaire de la décision.
Enfin, le nouvel article R. 77-15-2 indique que le juge dispose d’un délai de dix mois pour statuer.
En troisième lieu, la modification des articles R. 181-50 (autorisation environnementale) et R. 514-3-1 (IOTA et ICPE) du Code de l’environnement instaure un nouveau délai de recours contentieux de deux mois pour les tiers intéressés, contre quatre mois jusqu’alors.
Par ailleurs, toutes ces nouvelles dispositions s’appliqueront « aux décisions administratives prises à compter du 1er septembre 2024 ».
En dernier lieu, notons que le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture prévoit également l’introduction de dispositions relatives au contentieux de certaines décisions agricoles au sein du Code de justice administrative, mais pour la partie législative cette fois (voir le focus du mois de mai).