Environnement, eau et déchet
le 07/07/2022
Cécile JAUNEAUCécile JAUNEAU

Microcentrales hydroélectriques : la répartition des débits peut tenir compte des dispositifs favorisant la circulation piscicole

CE, 22 juin 2022, Société de Lauture, n° 441187

Deux microcentrales hydroélectriques sont situées de part et d’autre du cours d’eau de la Mayenne, au droit du barrage de la Richardière. A l’occasion de l’édiction d’un arrêté relatif au renouvellement de l’autorisation d’exploitation de l’une de ces centrales (celle située en rive droite), le préfet a fixé la répartition des débits entre les deux microcentrales, en conférant un droit de priorité à l’autre centrale (celle située en rive gauche). La centrale dont l’autorisation a été renouvelée a dès lors contesté cette répartition.

Le Conseil d’Etat a rejeté sa demande au regard des éléments suivants.

D’abord, La Mayenne est un cours d’eau classé en liste 2 au titre de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement relatif au classement des cours d’eau et aux obligations en découlant. A ce titre, les ouvrages construits sur ce cours d’eau doivent notamment permettre la circulation des poissons migrateurs (L. 214-17 C. env.) et comporter des dispositifs maintenant dans le lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces (L. 214-18 C. env.).

En l’espèce, les ouvrages hydrauliques composant la microcentrale située en rive gauche du cours d’eau comprennent des dispositifs de passe à anguille et des turbines ichtyophiles (c’est-à-dire des turbines qui évitent de causer la mort des poissons qui passent à travers), contrairement à la microcentrale située en rive droite.

Le Conseil d’Etat retient dès lors, donnant ainsi raison à la Cour d’appel, que le bon fonctionnement et les caractéristiques des dispositifs mis en place par les exploitants pour garantir la continuité écologique peuvent tout à fait, en application des articles L. 214-17 et L. 214-18 du C. env., être pris en compte par le préfet lorsqu’il doit fixer un ordre de priorité dans la répartition des débits autorisés.

Le Conseil d’Etat retient en outre que les dispositions des articles L. 215-7 et L. 215-8 du Code de l’environnement, qui imposent respectivement de prendre en compte les droits des tiers et les droits et usages antérieurement établis, ne sauraient conduire le préfet à porter atteinte à la règle du débit minimal nécessaire pour garantir la continuité écologique, et ne lui imposent pas de fixer un ordre de priorité sur le fondement d’une antériorité d’exploitation. Le Conseil rejette ainsi le moyen de la société requérante relatif à la méconnaissance de son droit d’antériorité.

Le Conseil d’Etat retient donc que, lorsqu’un ordre de priorité doit être retenu dans la répartition des débits réservés entre plusieurs exploitations de centrales hydroélectriques, le préfet peut, pour fixer cet ordre de priorité, favoriser l’exploitation qui a mis en place des dispositifs relatifs au maintien de la continuité écologique, et notamment à la circulation piscicole, et ce peu important laquelle de ces exploitations est antérieure à l’autre.