le 31/08/2021

Manquement du maître d’œuvre à son devoir de conseil : désordres apparents à la réception

CAA Lyon, 29 avril 2021, commune de Saint-Avre, n° 19LY02667

Cette décision vient illustrer l’obligation de conseil du maître d’œuvre vis-à-vis du maître d’ouvrage dans le cadre de l’exécution de sa mission d’assistance lors des opérations de réception, en ce compris la levée des réserves.

Dans cette affaire, la commune de Saint-Avre avait demandé au tribunal administratif de Grenoble : de condamner solidairement sur le fondement de la garantie décennale plusieurs sociétés au versement d’une somme de 239 114,86 euros au titre des travaux de reprise des désordres des bordures de trottoir du lotissement Chanet du Rivet II, et 22 607,76 euros au titre des honoraires du maître d’œuvre y afférents

Par un jugement n° 1605761 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble avait  rejeté sa demande. La commune avait alors interjeté appel de ce jugement.

Selon un principe bien connu, la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre peut être recherchée pour manquement à son devoir de conseil lorsque celui-ci s’est abstenu d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage et dont il pouvait avoir eu connaissance en cours de chantier (Voir par exemple CE, 8 juin 2005, n° 264490 ; CE, 10 décembre 2020, n° 432782 déjà cité dans notre lettre d’actualité juridique de février 2021).

En effet, le maître d’ouvrage peut, en raison de ce manquement, être privé de la possibilité de refuser la réception des ouvrages ou de l’assortir de réserves, et ainsi subir un préjudice.

Pour retenir la responsabilité du maître d’œuvre, la Cour retient que :

« […] En l’espèce, la Selarl Vial, maître d’œuvre, dont la mission AOR impliquait d’assister le maître d’ouvrage lors des opérations de réception, a nécessairement commis un manquement à son devoir de conseil en proposant la levée des réserves alors que les travaux concernant la reprise des joints des bordures et des bordures cassées n’avaient pas été réalisés ».

Ce manquement n’est pas sans conséquence puisque, dès lors que les désordres affectant les trottoirs étaient apparents à la réception, le maître d’ouvrage ne pouvait pas rechercher la responsabilité décennale des constructeurs.

De plus, le maître d’œuvre est ici partiellement exonéré de sa responsabilité contractuelle, à hauteur de 50 %, en raison de la négligence fautive du maître d’ouvrage lors de la levée des réserves, et est condamné à lui verser la somme de 119.557,43 euros (voir par exemple CE, 20 mai 2009, n° 296628 ; CE, 7 mars 2005, n° 200454) :

 

« 9. Eu égard au caractère apparent des désordres dans les conditions décrites au point 3, le maître de l’ouvrage a commis une négligence fautive en acceptant de lever les réserves sans s’assurer que les travaux de reprise des bordures cassées et des joints des bordures avaient bien été réalisés, qui est de nature à exonérer partiellement la Selarl Vial de sa responsabilité […] ».

 

Ainsi, quand bien même le maître d’ouvrage serait assisté d’un maître d’œuvre avec une mission AOR[1], celui-ci ne doit pas négliger les opérations de réception, d’autant plus s’il a eu connaissance en cours de chantier de l’existence de désordres, au risque de se voir imputer une part de responsabilité, parfois non négligeable, dans la survenance de son préjudice.

Ainsi, les appels en garantie ont été rejetés : « […] le préjudice subi par le maître d’ouvrage qui a été privé de la possibilité de refuser la réception des ouvrages ou d’assortir cette réception de réserves, du fait d’un manquement du maître d’œuvre à son obligation de conseil, et dont ce dernier doit réparer les conséquences financières, n’est pas directement imputable aux manquements aux règles de l’art commis par les entreprises en cours de chantier. Il en résulte que dans une telle hypothèse, les appels en garantie formulés par les maîtres d’œuvre à l’encontre des entreprises chargées de la réalisation des travaux ne peuvent être que rejetés ».

 

 

[1] Assistance apportée au maître de l’ouvrage lors des opérations de réception