Fonction publique
le 17/10/2024

Manifester son mécontentement en haussant le ton à l’annonce de son changement d’affectation ne constitue pas nécessairement une faute disciplinaire

CAA Lyon, 19 septembre 2024, n° 22LY02564

Par une décision très récente, la Cour administrative d’appel de Lyon est venue préciser les contours du devoir de réserve, en appréciant le caractère fautif ou non de la manifestation par un agent de son mécontentement vis-à-vis de la mesure de changement d’affectation dont il faisait l’objet.

En l’espèce, une rédactrice principale de 1ère classe s’était vu infliger par son employeur la sanction du blâme (sanction du premier groupe). Il lui était reproché d’avoir, au cours d’un entretien avec une agente de la direction des ressources humaines, adopté un comportement « inacceptable » et des propos « inappropriés » envers celle-ci, à l’annonce d’un changement d’affectation sur de nouvelles fonctions qui ne lui convenaient pas.

L’agente avait fait appel du jugement qui avait rejeté la demande d’annulation de l’arrêté infligeant la sanction, estimant donc que les faits justifiaient le prononcé d’une sanction disciplinaire.

En défense, le département soutenait que les faits sur lesquels était fondée la sanction devaient être regardés comme fautifs en ce qu’ils méconnaissent l’obligation de réserve, de courtoisie et de respect dans les échanges entre collègues.

Saisie de ce litige, la Cour administrative d’appel de Lyon a d’abord rappelé le considérant de principe en vertu duquel il appartient au juge de l’excès de pouvoir « saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à l’agent sanctionné constituent des fautes de nature à justifier une sanction au regard des seuls pièces ou documents que l’autorité investie du pouvoir disciplinaire pouvait ainsi retenir et, si tel est le cas, si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. »

Puis, la Cour a constaté qu’il ressortait des pièces du dossier que l’agente avait effectivement exprimé lors de cet entretien « le mécontentement que suscitait chez elle l’annonce de son changement d’affectation, lequel ne correspondait pas à ses vœux, et qu’elle a reproché à la collectivité, qui recherchait selon ses termes  » un mouton à cinq pattes « , de faire preuve de malveillance à son égard ». Néanmoins elle a considéré que « ni les propos rapportés, dépourvus de connotation insultante et qui ne portaient pas atteinte à la dignité de l’interlocuteur, ni le comportement de la requérante ne présentaient, alors même que l’intéressée a ponctuellement haussé le ton, le caractère d’une faute de nature à justifier que lui soit infligé une sanction disciplinaire ».

Les juges d’appel ont donc pris en compte in concreto la circonstance que les propos tenus par l’agent n’avaient été ni insultants ni dénigrants, et que son comportement n’était pas excessif, pour considérer que l’agent avait pu sans commettre de faute disciplinaire, et notamment sans méconnaitre le devoir de réserve, manifester son mécontentement en haussant ponctuellement le ton vis-à-vis d’un autre agent, à l’annonce de son changement d’affectation.

Tirant les conséquences de l’absence de faute disciplinaire, la Cour a annulé le jugement du TA et la décision de sanction, et enjoint à la collectivité employeur, sur le fondement des dispositions de l’article L.911-1 du CJA, de procéder à l’effacement de « toute mention relative à la décision de sanction » au sein du dossier administratif de l’agente.