Le 26 septembre dernier, la Cour de comptes a publié un rapport intitulé « La délivrance des permis de construire, un parcours complexe dans un cadre instable », au terme duquel elle dresse un bilan, assez funeste, du parcours d’un demandeur d’autorisations d’urbanisme et formule quelques recommandations visant principalement à favoriser la compréhension des enjeux mutuels des pétitionnaires et de l’Administration dans le cadre de ces procédures.
Dressant un état des lieux des difficultés existantes dans les procédures d’obtention d’une autorisation d’urbanisme, la Cour appelle de ses vœux à renforcer l’information des pétitionnaires des évolutions possibles des nouvelles règles applicables afin de diminuer le sentiment de sanction que génère un refus d’autorisation d’urbanisme.
L’une des raisons identifiées par la Cour de ce constat réside dans l’incompréhension des pétitionnaires des nombreuses règles applicables (urbanistiques, environnementales, patrimoniales, sociales, …) qui, en raison de leur évolution, ne leur garantissent pas toujours une issue favorable à la demande d’autorisation, et ce alors même qu’un certificat d’urbanisme avait été obtenu préalablement.
Illustrant le millefeuille de normes dénoncé dans ce rapport, la Cour prend exemple sur 4 types de normes (qui s’imposent pour partie aux rédacteurs de PLU) qui ne manquent pas de complexifier le montage des projets surtout dans l’hypothèse où elles ne se trouvent pas traduites directement dans les documents d’urbanisme : les normes pour lutter contre les risques présents sur un territoire, l’obligation de mixité sociale et la production minimale de logements sociaux, l’objectif « zéro artificialisation nette » et les zones de protection du patrimoine. Afin de renforcer la visibilité sur les projets, la Cour propose ainsi que les pétitionnaires soient informés des évolutions de ces normes après l’obtention d’un certificat d’urbanisme, afin d’anticiper les éventuelles déconvenues au moment du dépôt de l’autorisation d’urbanisme.
Par ailleurs, il est indiqué dans ce rapport que les lourdes et couteuses procédures de révision et de modification des documents d’urbanisme et leur absence d’actualisation automatique maintiennent un risque d’incertitude pour les opérateurs du secteur.
A ce titre, la Cour relève que les procédures d’évaluation des documents d’urbanisme (permettant notamment de statuer sur la nécessité de les mettre en compatibilité avec les documents sectoriels) ne sont pas assez respectées, l’AMF reconnaissant en effet que cette obligation « n’a pas eu suffisamment de résultats en la matière ». En effet, les dispositions de l’article L. 153-27 du Code de l’urbanisme imposent une évaluation des PLUi dans un délai maximum de 6 ans après leur approbation afin d’analyser les résultats de l’application du plan (qui peut donc aussi comprendre les analyses relatives à l’artificialisation des sols). Sur ce point, la Cour appelle les préfets à rappeler les obligations d’évaluation des documents d’urbanisme en prévention de la révision des documents d’urbanisme.
Par ailleurs, si la planification relève essentiellement de l’échelon intercommunal, l’instruction et, plus encore la délivrance, des autorisations d’urbanisme restent très majoritairement entre les mains des communes et des maires qui refusent de se départir de ce pouvoir, élément à prendre en compte dans le schéma des procédures d’urbanisme.
Dans un second temps, la Cour examine plus particulièrement la procédure d’obtention d’une autorisation d’urbanisme, en dressant un premier constat : l’existence de nombreux aléas procéduraux qui fragilisent la position des opérateurs du secteur (existence de procédures spéciales notamment environnementales, consultations multiples pouvant impliquer des avis conformes, etc.). Ces procédures ralentissent la conduite des projets et conduisent nécessairement les promoteurs à en tenir compte dans la rédaction des avant-contrats qui peuvent mettre en péril la bonne conduite d’un projet.
Plus encore, à l’issue de ces procédures, et alors mêmes que les pétitionnaires pourraient se prévaloir d’un permis de construire tacite, beaucoup se heurtent à des difficultés pour l’obtention d’un certificat attestant de l’obtention de l’autorisation sollicitée. La Cour s’interroge donc sur la nécessité de mettre en œuvre une sanction en cas de refus de délivrance d’un permis tacite, en dehors du recours au juge administratif.
Dernier facteur d’insécurité dans le parcours des pétitionnaires : la généralisation des normes « hors textes » comme les chartes d’urbanisme ou les labels. Edifiées sans base légale, les élus ont de plus en plus recours à ces chartes qu’ils entendent imposer et opposer aux pétitionnaires dans le cadre de leurs demandes d’autorisation. La Cour adopte une position très sévère à l’égard de ces chartes qui se situent, pour elle, à la frontière du pouvoir discrétionnaire des élus concernant la politique d’aménagement du territoire et proposera de les proscrire dans les textes.
Forte de ces constats, la Cour formule quelques recommandations, qui répondent pour une faible partie seulement aux enjeux et problématiques soulevés dans le cadre de ce rapport :
- Mettre en place des formations adaptées aux besoins des agents exerçant dans les services décentralisés et déconcentrés, afin de permettre l’émergence d’une véritable filière de l’instruction et du contrôle de l’urbanisme (amélioration).
- Fixer une obligation d’informer les pétitionnaires qui ont obtenu un certificat d’urbanisme lorsqu’une révision de la carte des risques est décidée postérieurement à cette obtention (amélioration).
- Améliorer la fluidité de l’instruction en ligne, notamment en interfaçant les bases de données des services obligatoirement consultés (service départemental d’incendie et de secours, architectes des bâtiments de France, etc.) (amélioration).
- Donner aux pétitionnaires, dès le début de la procédure d’instruction de leurs demandes d’autorisation, les informations nécessaires à la bonne préparation de leur projet (procédure classique, procédures d’exception, taxes prévisibles, etc.) (amélioration).
- Instaurer une phase de dialogue avec les missions régionales d’autorité environnementale, avant toute analyse d’impact (simplification).
- Proscrire l’usage de documents à contenus prescriptifs ou similaires, sans base, ni compétence légale, s’ajoutant aux dispositions des plans locaux d’urbanisme ou plans locaux d’urbanisme intercommunaux tels que des chartes d’urbanisme (sécurisation).
- Garantir aux pétitionnaires ayant obtenu un permis tacite, la communication, sur simple demande, d’un certificat prouvant le dépôt des pièces et la date de transmission au préfet (clarification).
Le ministre de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires a présenté ces observations à la suite de la communication de ce rapport considérant notamment que la mise à jour des certificats d’urbanisme en cas d’évolution de la législation lui « paraît complexe à mettre en place. Cette nouvelle obligation augmenterait la charge de travail des services instructeurs qui devraient, en plus de leur travail d’instruction, identifier et informer les pétitionnaires concernés ».
Par ailleurs le Ministre informe la Cour qu’il entend mettre fin à l’exception exonérant de dépôt électronique les dossiers concernant les établissements recevant du public (décret n° 2016-1491 du 4 novembre 2016), ce qui ne manquera de fluidifier les procédures d’instruction des demandes d’autorisation selon le Ministre en réponse à la recommandation n° 3.