Par une décision en date du 7 août 2025 et sur la saisine de plus de 60 sénateurs et députés, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la conformité à la Constitution de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite loi Duplomb ou loi « contraintes » (cf. notre article sur le sujet).
Cette décision a censuré la mesure qui introduisait une dérogation à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. Le Conseil constitutionnel juge en effet que cette possibilité de dérogation n’était pas assez encadrée, dès lors que le texte permettait une dérogation pour toutes les filières agricoles sans cibler précisément celles pour lesquelles aurait été identifiée une menace particulière dont la gravité compromettrait la production agricole, que la dérogation était accordée sans limitation de durée et qu’elle permettait le recours à des techniques de pulvérisation, présentant un risque de dispersion plus élevé. Ce faisant, cette disposition n’était pas conforme aux exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement consacrant le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Cela implique donc que le législateur pourrait, dans un futur texte, réintroduire cette dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes en l’assortissant des garanties mentionnées par le Conseil constitutionnel.
Au contraire, ont été validées les mesures suivantes :
- La modification des modalités de consultation du public sur certains projets d’élevage soumis à autorisation environnementale. Le Conseil constitutionnel estime en effet que ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d’égalité dès lors que, si elles instaurent une différence de traitement entre les exploitants selon l’installation qu’ils exploitent, cette différence de traitement est fondée sur une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi puisque « le législateur a pu considérer que les installations destinées à ces types d’élevages se distinguent des autres exploitations». Le moyen fondé sur le droit de participation aux décisions environnementales est également écarté ;
- La possibilité de soumettre à enregistrement, et non à autorisation, les installations classées de protection de l’environnement en matière d’élevage, au regard du pouvoir de police que détient également le préfet sur ces installations et à qui il peut imposer des prescriptions ;
- La création d’une présomption d’intérêt général majeur des ouvrages de stockage d’eau à finalité principalement agricole, le Conseil relevant que si ces ouvrages peuvent porter atteinte à l’environnement, la disposition poursuit un motif d’intérêt général et est suffisamment encadrée pour ne pas méconnaitre l’article 1er de la Charte de l’environnement. Il relève toutefois que cette disposition ne saurait être interprétée comme permettant la réalisation de prélèvements d’eau au sein de nappes inertielles, ni comme instituant une présomption irréfragable, et qu’il demeure en tout état de cause nécessaire que les autres conditions de la dérogation espèces protégées soient réunies pour que celle-ci soit accordée.
La loi n° 2025-794 du 11 août 2025 visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur a ainsi été publiée au Journal officiel le 12 août 2025.