Vie des acteurs publics
le 19/10/2021
Elise HUMBERT
Aloïs RAMEL

Loi contre le séparatisme du 24 août 2021 – ce qu’il faut en retenir pour les acteurs publics

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (dite aussi « contre le séparatisme ») a finalement été votée par le Parlement dans le courant de l’été, au terme d’une nouvelle lecture suscitée par l’échec de la Commission mixte paritaire en mai dernier.

Médiatisée notamment pour son article dit « Samuel Paty » instituant un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion, dans un but malveillant, d’informations relatives à la vie privée, passible de 3 ans de prison et de 45. 000 euros d’amende, cette loi contient de nombreuses dispositions intéressant directement les acteurs publics. 

Plus précisément, des évolutions significatives sont à signaler dans le cadre, d’une part, d’un renforcement de l’obligation de neutralité du service public (I), d’autre part, de prérogatives nouvelles conférées au préfet pour lutter contre le séparatisme (II), enfin d’un renforcement du contrôle des associations (III).

 

I. Les évolutions induites par le renforcement de l’obligation de neutralité de service public

Au-delà des nombreuses mesures sectorielles contribuant à cet objectif de renforcement de la neutralité du service public (I.2), cette loi est surtout venue créer une obligation générale imputable à tous les titulaires d’un contrat de la commande publique de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public (I.1).

I.1 – Une obligation nouvelle pour tous les organismes en charge de l’exécution d’un service public de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public

L’article 1er de cette loi du 24 août 2021 impose à tous les organismes de droit public ou de droit privé chargés directement de l’exécution d’un service public d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Sont donc par exemple concernés les organismes de sécurité sociale tout comme les organismes HLM visées expressément par la loi.

Ces organismes doivent veiller à ce que non seulement leurs salariés respectent ces règles, mais également « toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l’exécution du service public » (art. 1.1), autrement dit les titulaires de leurs contrats de la commande publique.

Ce faisant, il en résulte pour les titulaires des contrats de la commande publique de nouvelles exigences, soit notamment le fait également de s’assurer que leurs salariés et les personnes sur lesquelles ils exercent une autorité ou un pouvoir de direction participent à l’exécution du service public.

A noter au-delà que la loi a prévu que les titulaires de ces contrats de la commande publique doivent également, eux-mêmes, veiller à ce que leurs sous-traitants ou sous-concessionnaires respectent également ces obligations. D’un point de vue contractuel, il doit donc être retenu que des clauses nouvelles rappelant ces obligations et les modalités de leur contrôle sont, impérativement, à intégrer au sein du contrat de la commande publique.

En outre, il devra être prévu que le titulaire du contrat de la commande publique est tenu de communiquer à son cocontractant les contrats de sous-traitance portant sur l’exécution de la mission de service public, au sein desquels les règles de neutralité et de laïcité seront également mentionnées.

Il sera précisé, enfin, que l’application dans le temps de ces nouvelles dispositions est la suivante :

  • Ces clauses doivent être intégrées dans tous les contrats concernés pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est envoyé depuis le 25 août dernier.
  • Pour les contrats en cours ou pour lesquels une consultation a été lancée avant le 25 août dernier, il faut distinguer deux situations :
  • pour les contrats qui se terminent avant le 25 février 2023, ces clauses n’ont pas à être insérées ;
  • pour les contrats qui se terminent après le 25 février 2023, les acheteurs et autorités concédantes ont un an, jusqu’au 25 août 2022 pour intégrer ces clauses dans les contrats en cours.

I.2 – De nombreuses mesures sectorielles concourant au renforcement de la neutralité du service public

Au-delà de cette nouvelle obligation générale de respect du principe de neutralité imputable à tous les organismes en charge de l’exécution d’un service public, la loi du 24 août 2021 est venue prévoir de nombreuses autres mesures concourant à ce même objectif.

Ainsi, il convient de faire état, pour ce qui intéresse, plus particulièrement, les acteurs publics :

  • d’une obligation nouvelle de prestation de serment des policiers municipaux (article L. 515-1 A du Code de la sécurité intérieure) ;
  • d’une obligation de neutralité du maire et des adjoints applicable dans les attributions exercées au nom de l’Etat (nouvel article L. 2122-34-2 du CGCT) ;
  • d’une obligation pour les organismes chargés d’une mission de service public, de déposer plainte chaque fois que des faits seront susceptibles de caractériser un délit de séparatisme (Article 433-3-1 du Code pénal) ;
  • d’une obligation de formation des fonctionnaires au principe de laïcité (article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) ;
  • de l’obligation de désigner un référent laïcité au sein des centres de gestion (article 23 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) et de l’organisation d’une journée de la laïcité, au sein des collectivités territoriales, tous les 9 décembre.

 

II. Les évolutions induites par le renforcement des pouvoirs du préfet dans la lutte contre le séparatisme

Au cœur des plus vifs débats sur ce projet de loi, le renforcement des pouvoirs du préfet pour lutter contre le séparatisme a abouti, également à des mesures impactant les acteurs publics : d’une part, via de nouvelles informations et autorisations préalables obligatoires (II.1) et d’autre part, via l’apparition d’un déféré laïcité (II.2).

II.1 –    De nouvelles informations et autorisations préalables du préfet obligatoire

S’agissant des nouvelles formalités vis-à-vis des préfectures concernant les collectivités territoriales, il sera noté utilement :

  • Qu’il appartient désormais au maire ou au président d’un EPCI de recueillir l’avis du représentant de l’Etat dans le département, pour tout projet de construction et d’aménagement destiné à l’exercice d’un culte (nouvel article L. 422-5-1 du Code de l’urbanisme) ;
  • Que toute collectivité territoriale est, à présent, tenue d’informer le préfet, au moins 3 mois, avant la conclusion d’un un bail emphytéotique avec une association cultuelle (article L. 1311-2 du CGCT) ;
  • Que l’instruction à domicile, sera soumise, à compter du 1er septembre 2022 à un régime d’autorisation préalable du préfet, étant précisé que le maire demeurera informé des enfants instruits à domicile et que la loi a ajouté, en sus, une information du président du Conseil départemental.

II.2 – L’apparition d’un nouveau déféré laïcité

Cette loi du 24 août 2021 doit encore être présentées comme ayant institué un recours contentieux d’un type nouveau.

Plus particulièrement, revenant sur le projet initial d’un déféré suspension qui aurait permis au préfet de suspendre lui-même directement un acte par une collectivité territoriale en cas de « grave atteinte au principe de neutralité d’un service public », le législateur a finalement opté pour la consécration d’un nouveau « déféré laïcité ».

Ainsi, le préfet a désormais la faculté, de solliciter le Juge administratif (lequel devra statuer dans un délai de 48 heures) aux fins de suspendre un acte qu’il jugerait susceptible de porter gravement atteinte aux principes de laïcité et de neutralité des services publics (conformément aux modifications apportées aux articles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du CGCT).

 

III. Les évolutions induites par le renforcement du contrôle des associations

Dernier axe majeur impactant pour les acteurs publics et parapublics, la loi du 24 août 2021 est venue renforcer sensiblement le cadre de contrôle des associations subventionnées.

Plus particulièrement, toute association qui sollicite l’octroi d’une subvention auprès d’une collectivité territoriale se doit désormais de souscrire un contrat d’engagement républicain portant obligation de respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République, le caractère laïque de celle-ci et l’abstention de toute action portant atteinte à l’ordre public.

A ce stade, il sera ajouté qu’un décret en Conseil d’Etat doit venir préciser ces dispositions.

Les collectivités territoriales se doivent donc de rester en veille pour adjoindre, très prochainement, ce type de contrat à leurs conventions de subvention et prévoir, pour les associations subventionnées hors convention, les conditions de la signature de ce type de document.

Au-delà et surtout, contrairement aux chartes qui prévalaient jusqu’alors, ce contrat d’engagement républicain dispose d’une valeur contraignante.

De sorte que tout manquement à ses stipulations sera susceptible de conduire la collectivité territoriale à refuser ou à un retirer une subvention.

 

Aloïs Ramel et Elise Humbert