- Environnement, eau et déchets
le 02/07/2025

Loi « contraintes », loi « simplification » : détricotage des garanties environnementales

Dossier législatif, Proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

Dossier législatif, Projet de loi de simplification de la vie économique

Plusieurs textes en cours d’examen devant les instances parlementaires entendent revenir sur les « contraintes » qui seraient posées par le droit de l’environnement et procéder à des mesures de « simplification ». Critiquées, certaines de ces mesures reviennent ainsi sur la protection de l’environnement et les garanties posées par le droit actuel.

Il s’agit notamment de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, portée par le sénateur Laurent Duplomb (LR). Cette proposition a été adoptée en commission mixte paritaire le 30 juin 2025 et devrait donc, en principe, être adoptée en l’état après le vote des deux assemblées les 2 et 8 juillet 2025 (I).

Est également en cours d’examen le projet de loi de simplification de la vie économique, qui devrait prochainement être examiné en commission mixte paritaire (II).

I. Proposition de loi « contraintes »

Ce texte sera présenté dans sa version adoptée le 30 juin 2025 par la commission mixte paritaire. Il ne sera toutefois pas revenu sur l’ensemble des dispositions de la proposition de loi, et notamment sur celles qui intéressent les seules exploitations agricoles en elles-mêmes (assurances, conseil sur les produits phytopharmaceutiques, etc.).

1°) Celui-ci comporte plusieurs dispositions sur la règlementation des produits phytopharmaceutiques :

  • L’article 2 crée un nouvel article L. 253-1 A au sein du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), indiquant que l’Etat doit accompagner les professionnels et se fixer un objectif de leur indemnisation pour les pertes d’exploitation significatives qu’ils pourraient subir en raison de l’interdiction d’un produit phytopharmaceutique et tant que les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;
  • Il est également prévu qu’un décret peut, à titre exceptionnel et sous certaines conditions, pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole, déroger à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes, ainsi qu’à l’interdiction de l’utilisation des semences traitées avec ces produits.

2°) Des assouplissements sont également instaurés pour l’obtention d’une autorisation environnementale pour les activités d’élevage. Ainsi, lors de la procédure de consultation du public, une réunion publique ne sera plus nécessairement organisée et sera alors remplacée par une permanence du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête.

Il est également prévu d’ouvrir la possibilité pour les activités d’élevage d’être soumises à la procédure d’enregistrement des installations classées pour la protection de l’environnement, et non plus à la procédure d’autorisation. En effet, la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions des installations industrielles ne permettait pas de soumettre les projets d’élevage au régime de l’enregistrement, mais celle-ci a été révisée en avril 2024 et la proposition de loi modifie donc le régime légal applicable en France.

Le texte énonce par ailleurs, pour toutes les procédures d’autorisation environnementale et non seules celles relatives à l’élevage, que les réponses du pétitionnaire aux avis mis en ligne, sauf l’avis de l’autorité environnementale, ainsi qu’aux observations et aux propositions du public seront facultatives.

3°) D’autres mesures concernent ensuite la ressource en eau :

  • Un nouveau paragraphe serait inséré au sein de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, imposant la prise en compte de la protection, de la valorisation et du développement de l’agriculture et de la pêche lors de la réalisation des études relatives à la gestion quantitative de l’eau. Ces études devront intégrer une analyse des impacts socio-économiques, portant notamment sur les conséquences pour l’emploi, l’alimentation, l’attractivité rurale et les revenus agricoles, des recommandations sur les volumes prélevables ;
  • Est également instaurée une présomption d’intérêt général majeur des ouvrages de stockage d’eau à finalité principalement agricole, lorsque certaines conditions sont remplies et notamment la réalisation d’une démarche territoriale concertée. Ces ouvrages sont ainsi présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeure au sens de la règlementation sur les dérogations espèces protégées ;
  • Il est toutefois à noter que la proposition de loi ne revient pas, contrairement à son ambition initiale, sur la définition des zones humides.

4°) Des dispositions s’attachent également aux prérogatives de contrôle de la police de l’environnement, en introduisant un nouvel article L. 174-3 du Code de l’environnement permettant dans certaines conditions l’utilisation de caméras. Il est également précisé à l’article L. 131-9 du même Code que l’Office français de la biodiversité intervient « sous la direction du procureur de la République ».

Plusieurs députés et sénateurs auraient déjà indiqué que, en cas d’adoption de cette proposition de loi, ils saisiraient le Conseil constitutionnel.

II. Projet de loi « simplification »

Ce texte sera présenté dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale.

1°) L’article 15ter du projet de loi acte, en l’état, la suppression des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-M). L’article L. 2213-4-1 du Code général des collectivités territoriales (ci après, CGCT), qui habilite le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale à créer de telles zones, est ainsi entièrement supprimé, comme toutes références dans les textes aux ZFE-M.

2°) La mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette est également considérablement assouplie par le texte dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale :

  • Il est à ce stade prévu d’exclure qu’un espace naturel ou agricole occupé par une implantation industrielle ou par un projet d’intérêt national, régional ou communal majeur, soit comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers ;
  • L’Assemblée nationale a voté la modification de l’article 194 de la loi climat et résilience afin de permettre de dépasser, sans justification, jusqu’à 30 % l’objectif local de consommation maximale d’espaces alloué dans le document d’urbanisme. Il est également possible d’excéder un dépassement de 30 % avec l’accord du préfet ;
  • L’article 15 bis AB du projet de loi prévoit également de modifier l’article 194 de la loi climat et résilience en créant une enveloppe de 10.000 hectares qui ne sera pas comptabilisée pour le ZAN pour les projets industriels ainsi que les aménagements, équipements et logements directement liés à leur réalisation (pendant une durée de cinq ans, et dans la limite de 15 % du projet, la consommation d’espaces est décomptée dans cette enveloppe nationale).

3°) L’article 18 du projet de loi modifie à ce stade les conditions de mise en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. En effet, s’il est aujourd’hui prévu par l’article L. 163-1 du Code de l’environnement que les mesures de compensation doivent être effectives pendant toute la durée des atteintes, le projet de loi de simplification de la vie économique permet de décaler leur mise en œuvre dans le temps pour qu’elles soient effectives dans un « délai raisonnable ».

4°) L’article 19 du projet de loi comporte également plusieurs mesures de simplification du Code minier relatives aux procédures de délivrance des permis exclusifs de recherche, de réutilisation d’ouvrages miniers et d’autorisation unique d’occupation du domaine et d’exploitation minière.

Notamment, ces modifications :

  • visent l’accélération de la procédure d’attribution et de refus des permis exclusifs de recherche. La procédure de participation du public (enquête publique ou participation du public par voie électronique) est précisée selon si le projet est soumis à analyse environnementale ou non. Il ressort des motifs de l’amendement ayant introduit cette disposition que l’objectif est de prendre en compte la décision du Conseil d’Etat en date du 12 juillet 2024, Guyane Nature Environnement et autre, n° 468529 selon laquelle un titre minier peut faire l’objet d’une évaluation environnementale ;
  • permettent la prolongation en cas de circonstance exceptionnelle de la validité d’un permis exclusif de recherches au-delà de la durée maximale de quinze ans,
  • simplifient la procédure de règlement des litiges en cas de superposition des titres miniers en supprimant la saisine pour avis du conseil général de l’économie de l’industrie et des technologies ;
  • clarifient les prérogatives de la police des mines, et notamment les conditions lui permettant d’accéder aux locaux à usage d’habitation.

L’article 19 bis intègre également à la procédure d’autorisation environnementale la déclaration préalable à l’exécution de sondage, ouvrage et fouille dont la profondeur dépasse dix mètres au-dessous de la surface du sol (article L. 411-1 du Code minier). Les déclarations des ouvrages de prélèvement des eaux souterraines pour l’alimentation privée en eau potable, prévues à l’article L. 2224-9 du CGCT, seront également réalisées dans le cadre de cette déclaration du Code minier.

5°) Un décret devra préciser les conditions dans lesquelles la raison impérative d’intérêt public majeur peut être reconnue pour les projets qualifiés « d’intérêt national majeur » en application de l’article L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme. Un amendement adopté par l’Assemblée nationale précise qu’il doit être tenu compte des enjeux liés à la résilience du stockage des données stratégiques, les projets de centres de données pouvant être concernés.

Concernant les centres de données, il est également prévu à ce stade par le projet de loi que l’administration pourra refuser l’octroi du permis de construire d’un centre de données implanté sur un territoire connaissant des tensions structurelles sur la ressource en eau.

6°) La facilitation de la passation des marchés publics portant sur des produits d’occasion et sur des fournitures issues du réemploi ou de la réutilisation est par ailleurs actée (article 4 bis AD).

7°) Il est encore prévu une modification de la procédure de la déclaration de projet (article L. 126-1 du Code de l’environnement) lorsque celle-ci est prononcée par l’Etat et que le projet en cause est susceptible de nécessiter une dérogation espèces protégées, afin que l’Etat statue sur l’existence ou non d’une raison impérative d’intérêt public majeur dès ce stade. La RIIPM ne pourrait alors être remise en cause que dans le cadre d’un recours dirigé contre la déclaration de projet et non contre l’arrêté octroyant une dérogation espèces protégées. Une telle reconnaissance anticipée de la RIIPM serait également possible pour les projets ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ou d’une déclaration de projet avant l’entrée en vigueur de la loi de simplification de la vie économique.