Par sa décision en date du 1er octobre 2024, n° 477859, le Conseil d’Etat précise le champ d’application de la notification des recours en matière d’urbanisme dans le sens d’un renforcement de la sécurisation juridique des autorisations d’urbanisme.
Au cas d’espèce, le maire de Saint-Cloud avait délivré à un particulier un permis en vue de la démolition d’une annexe et de la construction d’un nouveau bâtiment destiné à l’habitation accolé à une maison individuelle existante.
En première instance, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, avait annulé – à tort – partiellement cet arrêté en tant seulement qu’il méconnaissait certaines dispositions des articles UD 11 et UD 12 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune, relatives à l’aspect extérieur des constructions et au stationnement, et avait, en application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, imparti au pétitionnaire un délai de six mois pour solliciter la régularisation de son permis de construire.
La commune de Saint-Cloud étant en « zone tendue », dans laquelle la voie de l’appel a été fermée pour les opérations de constructions de logements (article R. 811-1-1 du Code de justice administrative), elle a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement devant le Conseil d’Etat. Il s’agit du pourvoi dit principal.
D’un autre côté, les requérants initiaux souhaitaient contester ce même jugement mais au contraire, en tant qu’il n’avait pas totalement annulé le permis de construire. Cette contestation est dénommée « pourvoi incident » dès lors qu’il se greffe sur le pourvoi initial formé par la commune.
Dans sa décision en date du 1er octobre 2024, le Conseil d’Etat rejette ce pourvoi comme irrecevable. Ainsi, au visa des articles R. 600-1 et R. 631-1 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat précise :
« 6. Il résulte de ces dispositions que l’auteur d’un recours contentieux contre une décision d’urbanisme qu’elles mentionnent, y compris présenté par la voie d’un appel incident ou d’un pourvoi incident, est tenu de notifier une copie du recours tant à l’auteur de l’acte ou de la décision qu’il attaque qu’à son bénéficiaire. Il appartient au juge, au besoin d’office, de rejeter le recours comme irrecevable lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n’a pas justifié de l’accomplissement des formalités requises par ces dispositions. ».
Pour rappel, cette obligation de notification des recours en matière d’autorisations d’urbanisme, introduite par la loi n° 94-112 du 9 février 1994, dite « Bosson », impose, à peine d’irrecevabilité du recours, le cas échéant relevée d’office, de notifier à l’auteur ou au titulaire d’un certificat d’urbanisme ou d’une décision d’occupation du sol tout recours dirigé contre un tel acte ou tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle le concernant.
Comme le relève le rapporteur public dans cette affaire[1], l’objectif de cette formalité est de renforcer la sécurité juridique du titulaire de l’autorisation en l’alertant de ce qu’elle est susceptible d’être remise en cause, avant même que la juridiction ne le fasse. Et ce afin d’éviter qu’il ne commence ses travaux, faute d’avoir été averti au préalable de la précarité de l’autorisation qu’il détient.
Cette obligation de notification, dès lors qu’elle a pour but de sécuriser juridiquement avant tout le titulaire de l’autorisation, a cependant été circonscrite en jurisprudence. Ainsi, elle s’applique aux recours suivants :
- L’appel[2] ou le pourvoi en cassation[3] formé par le requérant dont le recours initial contre le permet a été rejetée ;
- Le recours exercé contre un jugement ou un arrêt constatant l’existence d’une telle autorisation ou pour celui qui constate l’absence de caducité d’un permis, et annule, pour ce motif, une décision constatant cette caducité[4].
Par cette décision en date du 1er octobre 2024, le Conseil d’Etat apporte donc une nouvelle précision quant au champ d’application de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme qui, dans la droite ligne de sa jurisprudence, vise à assurer une pleine information des pétitionnaires.
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[1] Conclusions Thomas JANICOT sous CE 1er octobre 2024, Commune de Saint-Cloud, n° 477859.
[2] CE, Section, avis, 26 juillet 1996, Commune de Triel-sur-Seine et autre et Société Horde-Batisseurs S.A., n° 180373
[3] CE, 20 février 2002, SCI Sedemathoge, n° 208100 T
[4] CE, avis, 8 avril 2019, Commune de Grand Village Plage c/ M…, n° 427729, T. ; CE, 12 avril 2023, Société Cystaim V3, n° 456141, T.