Le statut des collaborateurs de groupe d’élu a toujours été couvert d’un important flou[1]. La question s’était d’abord posée de savoir s’ils pouvaient être considéré comme occupant un emploi permanent ou non[2], avant que cette question ne soit définitivement tranchée en 2012 par la loi Sauvadet[3], qui avait quelque peu précisé leur statut.
La loi n’avait toutefois pas précisé la question de la fin de fonction de ces collaborateurs, et notamment les motifs susceptibles de la justifier. En 2011, avant la loi précitée, la Cour administrative d’appel de Marseille avait jugé que « compte tenu des modalités d’affectation de ces agents et des responsabilités particulières qui leur incombent », la décision prononçant leur licenciement pouvait être motivée par la perte de confiance qu’ils ont suscité[4]. Le même principe avait été repris, ultérieurement, par la Cour administrative d’appel de Bordeaux en 2016, qui confirmait la possibilité de licenciement pour perte de confiance[5].
Les deux décisions divergeaient toutefois sur la nature du contrôle exercé par le juge sur cette notion, et donc sur la marge de manœuvre de l’autorité territoriale en la matière.
On connait en effet deux principales catégories d’agent dont le licenciement peut être prononcé pour perte de confiance : les collaborateurs de cabinet, et les agents occupant un emploi fonctionnel. Le contrôle du juge n’est pas identique concernant ces deux catégories. Pour les emplois fonctionnels, le juge exercera un contrôle de qualification juridique sur la perte de confiance, et sur l’intérêt du service qui fonde la décharge ou le licenciement. En revanche, l’autorité territoriale étant investie du pouvoir de mettre « librement fin » aux fonctions des collaborateur de cabinet, le juge s’interdit tout contrôle sur les motifs avancés pour licencier un collaborateur de cabinet, et se limite simplement à vérifier s’ils sont matériellement établis.
En 2011, on comprenait, au vu des motifs de la Cour administrative d’appel de Marseille, qu’elle assimilait les collaborateurs de groupe à des collaborateurs de cabinet, en limitant son contrôle à l’erreur de droit et de fait, sans contrôle des motifs eux-mêmes. La Cour administrative d’appel de Bordeaux, en revanche, avait en 2016 explicitement exercé un contrôle sur la qualification juridique de perte de confiance.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille de septembre 2024 reprend donc le sens de sa décision en date de 2011, postérieurement à la réforme de 2012, et assimile ainsi, sans fondement textuel particulier malgré la clarification statutaire intervenue depuis lors, les modalités de fin de fonction des collaborateurs de groupe à celle des collaborateurs de cabinet. L’état de la jurisprudence semble donc se dessiner en ce sens.
Il faut néanmoins rester prudents. On ignore si les autres cours administratives d’appel suivront ce raisonnement, ni dans quel sens le Conseil d’État statuera s’il était saisi de la question. La Haute juridiction, ou même le législateur, pourrait estimer que ces collaborateurs doivent bénéficier d’une protection plus importante.
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[1] R. Poesy, Le collaborateur de groupe d’élus des collectivités territoriales : un statut toujours introuvable : LPA mars 2020, p. 6
[2] CE, 6 nov. 2013, n° 366309, Dpt Haut-Rhin
[3] Loi n° 2 012-347 du 12 mars 2012 – art. 40, instituant l’article 110-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
[4] CAA Marseille, 21 juin 2011, n° 09MA02149
[5] CAA Bordeaux, 4 février 2016, n° 15BX00638